Pourquoi lire le Manifeste du Parti communiste aujourd’hui ...
En cette sombre époque, il est peut-être utile de parler ici d'un vieux texte de Marx et Engels qui reste, malgré ses 175 ans, toujours une arme redoutable face aux attaques économiques et idéologiques incessantes de la classe dominante. Le Manifeste du Parti communiste mérite d'être lu ou relu sans préjugés. Pour perpétuer son système et ses privilèges de classe, la bourgeoisie tente, essentiellement à travers ses médias, ses instituts de sondages, son industrie culturelle et ses intellectuels qui ne sont en fait que « des salariés à ses gages », de tromper, de démoraliser et de désarmer toutes celles et ceux qui luttent contre le capitalisme en les privant d'instruments idéologiques efficaces. Le Manifeste reste encore aujourd'hui non pas un dogme mais un outil formidable de combat afin de « renverser toutes les conditions sociales où l'homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable ». Même s'il a été écrit pour les exploités et les opprimés du XIXe siècle, le Manifeste nous est également destiné. Le capitalisme est toujours là et menace plus qu'hier encore la survie de l'humanité. Certes l'oeuvre de Marx et d'Engels n'est pas à la mode aujourd'hui, mais la mode, rappelons-le, ne résiste pas à l'épreuve du temps, elle est par essence éphémère. Le Manifeste, sans sombrer dans l'utopisme, parle de ce que les hommes et les femmes chérissent le plus et qui reste enfoui au plus profond de leur être : se libérer de toutes les formes d' oppression. Le Manifeste c'est aussi cette immense espérance dans une société débarrassée des classes et des antagonismes de classes et « où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».
Le Manifeste du Parti communiste
I. Bourgeois et prolétaires
« L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire des luttes de classes.
Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte (...)
la bourgeoisie, depuis l'établissement de la grande industrie et du marché mondial, s'est finalement emparée de la souveraineté politique exclusive dans l'Etat représentatif moderne. Le gouvernement moderne n'est qu'un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière (...)
La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire.
Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses "supérieurs naturels", elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement au comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale.
La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu'on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages (...)
La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l'ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d'idées antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d'envisager leurs conditions d'existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés.
Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s'implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations.
Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries, dont l'adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe. A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations. Et ce qui est vrai de la production matérielle ne l'est pas moins des productions de l'esprit Les oeuvres intellectuelles d'une nation deviennent la propriété commune de toutes. L'étroitesse et l'exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle.
Les conditions bourgeoises de production et d'échange, le régime bourgeois de la propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d'échange, ressemblent au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu'il a évoquées.
II. Prolétaires et communistes
Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde (... )
Le régime de la propriété a subi de continuels changements, de continuelles transformations historiques.
La Révolution française, par exemple, a aboli la propriété féodale au profit de la propriété bourgeoise
Ce qui caractérise le communisme, ce n'est pas l'abolition de la propriété en général, mais l'abolition de la propriété bourgeoise.
Or, la propriété privée d'aujourd'hui, la propriété bourgeoise, est la dernière et la plus parfaite expression du mode production et d'appropriation basé sur des antagonismes de classes, sur l'exploitation des uns par les autres.
En ce sens, les communistes peuvent résumer leur théorie dans cette formule unique : abolition de la propriété privée (...)
Le prix moyen du travail salarié, c'est le minimum du salaire, c'est-à-dire la somme des moyens de subsistance nécessaires pour maintenir en vie l'ouvrier en tant qu'ouvrier. Par conséquent, ce que l'ouvrier s'approprie par son labeur est tout juste suffisant pour reproduire sa vie ramenée à sa plus simple expression. Nous ne voulons en aucune façon abolir cette appropriation personnelle des produits du travail, indispensable à la reproduction de la vie du lendemain, cette appropriation ne laissant aucun profit net qui confère un pouvoir sur le travail d'autrui. Ce que nous voulons, c'est supprimer ce triste mode d'appropriation qui fait que l'ouvrier ne vit que pour accroître le capital, et ne vit qu'autant que l'exigent les intérêts de la classe dominante (...)
De même que, pour le bourgeois, la disparition de la propriété de classe équivaut à la disparition de toute production, de même la disparition de la culture de classe signifie, pour lui, la disparition de toute culture.
La culture dont il déplore la perte n'est pour l'immense majorité qu'un dressage qui en fait des machines (...)
En outre, on a accusé les communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité.
Les ouvriers n'ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu'ils n'ont pas. Comme le prolétariat de chaque pays doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s'ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par là national, quoique nullement au sens bourgeois du mot (...)
Abolissez l'exploitation de l'homme par l'homme, et vous abolirez l'exploitation d'une nation par une autre nation.
Du jour où tombe l'antagonisme des classes à l'intérieur de la nation, tombe également l'hostilité des nations entre elles (...)
Est-il besoin d'une grande perspicacité pour comprendre que les idées, les conceptions et les notions des hommes, en un mot leur conscience, changent avec tout changement survenu dans leurs conditions de vie, leurs relations sociales leur existence sociale ?
Que démontre l'histoire des idées, si ce n'est que la production intellectuelle se transforme avec la production matérielle ? Les idées dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante (...)
Les antagonismes des classes une fois disparus dans le cours du développement, toute la production étant concentrée dans les mains des individus associés, alors le pouvoir public perd son caractère politique. Le pouvoir politique, à proprement parler, est le pouvoir organisé d'une classe pour l'oppression d'une autre (...).
A la place de l'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, surgit une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous (...) .
Les communistes ne s'abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l'ordre social passé. Que les classes dirigeantes tremblent à l'idée d'une révolution communiste ! Les prolétaires n'y ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner.
PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS ! »
Karl Marx - Friedrich Engels.
Pour une lecture intégrale du Manifeste :
https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000.htm
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