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Accueil du site > Tribune Libre > Poutine, prix Nobel de la Paix 2013

Poutine, prix Nobel de la Paix 2013

On peut rêver. Mais ça restera un rêve. Le prochain prix Nobel a plus de chances de se retrouver chez un certain émir du golfe ou entre les mains de certaines stripteaseuses qui adorent chanter dans les églises. Un chien qui mordrait Poutine aurait toutes ses chances. C’est dire… Prix Nobel pour Poutine ? Même pas en rêve. Pourtant…

Pourtant, s’il est un défenseur de la paix mondiale aujourd’hui, un parmi peu, c’est bien lui. Bien obligé. Question de vie ou de mort. Non pas pour lui, mais pour la Russie. Oui, aujourd’hui la Russie est cernée de toutes parts et la meute se rapproche. Le dispositif d’encerclement, débuté à la chute du Mur de Berlin, s’est fait de manière insidieuse, par une annexion douce et progressive des anciens états de l’Union Soviétique. Tant qu’aucune résistance ne s’opposait à cette dynamique, l’encerclement se faisait sans coup férir, renforcé par une présence active de divers organismes à l’intérieur même de la Russie. Les choses se déroulaient donc normalement dans l’euphorie générale du bloc atlantiste, qui n’en finissait pas de célébrer sa « victoire » contre le Communisme, oubliant, au passage, que le pays le plus prospère au monde est un pays communiste, géré par un parti communiste.

Mais mêmes les meilleures choses ont une fin. L’ours russe, après une longue période d’hibernation, sort de son sommeil, bien décidé à ne pas se laisser dépecer. Ceux qui avaient déjà vendu sa peau en seront pour leur frais. De par son Histoire, la Russie se serait réveillée tôt ou tard. Seuls les naïfs et les aveugles – l’euphorie aveugle, c’est bien connu – pouvaient croire le contraire. Elle n’a pas attendu longtemps. Juste le temps d’une présidence, celle de Boris Eltsine, le réveil est là, avec Poutine.

Ce que Poutine représente pour les russes, je ne saurai le dire. L’Histoire future de la Russie l’encensera ou le démolira selon les besoins de ceux qui l’écriront. Je ne me risquerai donc pas à porter des jugements qui n’ont d’ailleurs aucun intérêt. Je me contenterai seulement de tenter d’analyser ce qui se passe sous nos yeux, le plus simplement possible, laissant aux experts, dont je ne suis pas, le soin de plonger dans des finesses qui, souvent, brouillent plus qu’elles n’éclairent.

En simplifiant les choses, on se rend compte que la Russie de Poutine évolue selon un plan très structuré, et ce depuis 2000, date de son arrivée au pouvoir. Avant d’examiner ce plan, faisons un petit tour en arrière, à la fin de la guerre froide avec la chute de l’empire soviétique. Toutes les guerres se terminent toujours de la même façon : chaos et désorganisation du vaincu, pillage systématique de tout ce qui peut l’être, et ensuite seulement, reconstruction du pays dévasté. La guerre froide n’échappa pas à la règle. La période de chaos et de pillage couvrit toute la présidence de Boris Eltsine. Dans un contexte de privatisation forcenée et du démantèlement de tout vestige du communisme, on assista à une vaste braderie par l’état de toutes les richesses du pays. Des pans entiers de l’industrie et du secteur énergétique se retrouvèrent entre les mains de prédateurs de toute sorte avec des capitaux étrangers le plus souvent. Grâce au Russian Privatization Center, financé par la Banque Mondiale, la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement et par le Département d’Etat Américain, le gouvernement put mener à bien son programme au point que, en 1994, un peu plus de 60 % du PIB provient du secteur privé. Comme pour aggraver la situation, une bonne partie des cadres de l’ancienne administration, de l’armée et du KGB furent démobilisés. Pour survivre, toute cette masse de nouveaux chômeurs n’avaient d’autres choix que de se servir de leur ancienne position pour participer au pillage. Certains, particulièrement les anciens du KGB, profitèrent de leurs compétences et de leurs relations internationales pour aller grossir les rangs de ce qu’on appelle globalement la mafia russe. Cette dilapidation des richesses doublée d’une fuite systématique des capitaux vers des paradis fiscaux, achevait de démolir une Russie qui déjà, au temps soviétique, était au plus mal.

Dans un tel contexte, l’arrivée d’un sauveur était plus que nécessaire et urgent. Urgent au point qu’il fallait écourter, au plus tôt, le mandat de celui qui était la principale cause du problème. Démission de Boris Eltsine, élections présidentielles, Poutine au pouvoir. Le travail peut commencer. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour deviner ce que ferait, en pareille situation, n’importe quel dirigeant ayant à cœur de redonner à son pays son lustre d’antan. D’abord, redresser l’économie. Sachant que l’effondrement de l’Union Soviétique fut avant tout du à un effondrement économique, la priorité des priorités était de remettre de l’ordre dans ce domaine. Arrêter l’hémorragie des capitaux, récupérer ce qui avait été volé à l’Etat, arrêter la gabegie, lutter prudemment mais fermement contre la corruption, furent les chantiers auxquels il fallait s’atteler. Poutine s’y attela. Chaque coup qu’il fit pour avancer dans son agenda fut perçu en occident comme un coup bas, une attaque contre la Liberté, un pas vers la dictature. Et pour cause : il démolissait brique par brique tout l’édifice savamment construit par ce même occident pour s’accaparer des ressources russes.

De 2000 à 2008, Poutine, sourd à la grogne atlantiste, consacra son énergie à remettre son pays à flot. Puis ce fut l’intermède Medvedev. Ce que certains ont vu comme une sorte de récré, en fait n’en fut pas. Medvedev travaillait dans la continuité. Avec une personnalité aussi déterminée que celle de Poutine, qui peut penser que le choix de son complice soit le fait du hasard ? Car il s’agit bien d’une complicité renforcée par une complémentarité rare qui fit de Medvedev Premier Ministre, successeur (intérimaire), Premier Ministre à nouveau. Devant ou derrière, Poutine est toujours là. Le plan peut suivre son cours sans interruption. Un travail long et ardu, mais facilité par les énormes potentialités du pays. Outre son sous-sol qui regorge de richesses, la Russie était aussi, certains l’avaient oublié, une puissance géopolitique. Restaurer cette puissance, c’est la deuxième phase du plan. Economie maitrisée, ressources contrôlées, il n’y avait plus qu’à se dégager du carcan d’étouffement dans lequel se trouvait la Russie. Dès son retour à la tête de l’Etat, il donne le La, en annonçant clairement son intention de redonner à son pays la place que l’Histoire lui a octroyée. Pour ce faire, la bataille va se porter sur deux fronts, intérieur et extérieur.

Sur le plan intérieur, il met en place une politique tendant à ranimer la flamme russe autour de l’orthodoxie religieuse, son passé historique et de ses spécificités culturelles. Il engage des réformes tendant à contrecarrer toute influence déstabilisatrice étrangère, surtout d’ordre financier. Enfin, il réorganise l’appareil de l’état pour instituer une sorte de démocratie à la Russe, dans un pays où ce mot même est un anachronisme. A l’international, il commence d’abord par se chercher des alliances chez ceux qui ont les mêmes intérêts économique que la Russie (toujours cette hantise économique), ensuite auprès de ceux qui ont les mêmes préoccupations vis-à-vis de l’impérialisme occidental. Pendant qu’il œuvre à ces rapprochements, il consolide son système de défense et de dissuasion militaire.

Cherchant à devenir, par nécessité, le porte-parole d’une sorte de fédération des opprimés, la Russie, pourtant une puissance mondiale, apparaît comme un pays ayant une mentalité tiers-mondiste, c’est-à-dire humaine, gouvernée par des humains avec leurs travers et leurs qualités, par opposition au monde occidental qui lui, parait être gouverné par un système où l’humain n’a plus sa place. Face à un tel système, une seule arme : le droit international. Le droit, c’est l’arme du pauvre et du petit. Le puissant n’en a que faire et passe outre chaque fois qu’il le peut. Seuls les faibles se réfugient derrière la barrière fragile du droit. Il faut donc, coûte que coûte amener les grands à respecter la légalité internationale, seule capable de garantir la paix mondiale. Quitte à parfois fermer les yeux sur certaines transgressions de la loi sans trop de conséquences, permettant ainsi de temporiser et d’éviter le clash frontal que tous les humains redoutent, mais dont le système n’a que faire des conséquences.

Accepter quelques entorses au droit international, mais fermeté sur l’essentiel. C’est ce qui semble être la ligne de conduite de Poutine. On a déjà vu cette fermeté en Ossétie du Sud (sous la présidence de Medvedev), on la voit aujourd’hui en Syrie, elle se manifestera demain en Iran si jamais ce pays était attaqué. Le combat pour la paix a désormais un porte-drapeau. Quelles que soient les raisons qui le guident, l’Humanité toute entière devrait lui en être reconnaissante. Et quel meilleur moyen de manifester sa reconnaissance que le Prix Nobel de la Paix, si ce prix a encore un sens ?

 

Réseau International

http://avicennesy.wordpress.com/2013/02/05/poutine-prix-nobel-de-la-paix-2013/


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14 réactions à cet article    


  • Gabriel Gabriel 7 février 2013 09:40

    Poutine n’est pas pire ou meilleur que les autres, c’est en tout cas un contre pouvoir nécessaire à l’hégémonie expansionniste des USA. De là, à lui décerner le prix Nobel de la paix, faudrait poser la question sur la tombe des femmes et des enfants Tchétchènes. Remarquez, ils l’ont bien donné à l’Europe alors … 


    • heliogabale heliogabale 7 février 2013 11:06

      Je n’ai jamais eu envie de diaboliser Poutine et la Russie. D’une part parce que la Russie a été humiliée dans les années 90 et que l’avènement de Poutine correspond à ce que l’on pourrait nommer un sursaut national. Ce sursaut national permet un rééquilibrage des puissances. Et c’est pas si mal, car le monde a besoin d’une Russie forte qui est un pont entre plusieurs continents et plusieurs civilisations, celles du vieux monde et qui fait face à l’impérialisme américain. Cette Russie forte, c’est également un impérialisme qui défend son pré carré. Lorsque la Russie défend à juste titre le droit international, c’est également parce qu’elle y trouve un intérêt. Il ne faut pas se leurrer.

      La grande force de Poutine a été d’avoir mis au pas les oligarques russes qui menaçait l’existence de la Russie. Mais sa grande faiblesse est de ne pas avoir su (ou voulu) endiguer une corruption endémique. Il semble même que son cercle (et lui-même) en ait (beaucoup) profité. Au final, ce qui me semble inquiétant, c’est qu’il n’y a pas d’avenir pour la Russie sans Poutine. Qu’adviendra-t-il de la Russie quand Poutine ne sera plus là ? (on a le temps de voir venir)

      La Russie de Poutine n’est pas une dictature mais ce n’est pas une démocratie non plus. Il y a sûrement eu des fraudes lors des élections mais rien qui puisse vraiment changer fondamentalement la nature des résultats. Un point positif : il me semble très soucieux d’un redistribution égale entre les différentes régions de Russie, ce qui renforce son unité mais semble attiser l’opposition (bourgeoise ?) dans les centres historiques de la Russie (Moscou et Saint-Pétersbourg)

      Autre chose : Poutine, c’est un mec de droite, voire d’extrême-droite, qui fait surtout fantasmer l’extrême-droite. Ce n’est pas forcément ma tasse de thé politique.

      Autre point : Poutine n’est pas un opposant au nouvel ordre mondial. C’est sous son pouvoir que la Russie a intégré l’OMC.

      Ma conclusion : Il ne faudrait pas céder à une idolâtrie qui serait aussi déplacée que l’Obamania.


      • Avic Avic 7 février 2013 11:52

        Poutine est peut-être tout cela à la fois. C’est un homme politique comme les autres, usant des mêmes ficelles que les autres. Ces ficelles sont bien connues : manipulations, chantages, menaces, usage opportun du terrorisme, fraudes électorales, tolérance d’une certaine forme de corruption, etc. Si Poutine ne les a pas déjà toutes utilisées, il en serait capable si le besoin s’en faisait sentir. Mais malgré cela, je crois que le monde actuel (y compris le notre) a besoin de la Russie de Poutine telle qu’il est en train de la construire.
        Quand tout sera normalisé (si jamais cela arrivait), il est fort possible qu’elle devienne elle aussi une puissance impérialiste et hégémonique, qu’il faudra alors combattre au même titre que les autres. Mais nous n’en sommes pas encore là.


      • Robert GIL ROBERT GIL 7 février 2013 11:24

        pourquoi pas, on l’a bien donné a Obama et a l’union europeenne !


        • fabb54 7 février 2013 11:58

          Je n’ai rien contre Poutine, il semble diriger son pays d’une main de fer.

          Mais faire passer la Russie et ses dirigeants comme des humanistes face à des occidentaux cruels, y compris européens, est assez osé.

          Et Poutine n’a absolument pas l’âme d’un alter mondialiste : IL est le principal responsable de l’entrée à l’OMC de la Russie !

          Poutine est un bon dirigeant pour SON pays, mais, par définition, et comme celui des US, de la Chine ou de la France, va toujours cherchez, dans chaque situation, l’avantage.


          • mario mario 7 février 2013 14:53

            il faut grater un peu le vernis pour comprendre pourquoi poutine est si detesté par la majorité des chefs d’états « dit » occidentaux et tant aimé par la plupart des peuples de ces meme pays .

             

             


            • robin 7 février 2013 15:41

              Conformément à l’inversion des valeurs prônée ces dernières années, le prochain prix Nobel de la Paix sera donné à un homme ou une institution qui aura fait le plus de dégâts en 2013.

              Je propose Goldman Sachs..... smiley


              • Avic Avic 7 février 2013 15:53

                A cause de cette inversion des valeurs, je propose qu’on renomme ce Prix Nobel de la paix : Prix Orwell.  smiley 


              • leypanou 7 février 2013 16:15

                Merci à l’auteur pour cet article qui dénote complètement par rapport à ce qu’on entend, lit à longueur de journée sur quasiment tous les journaux, radio, télévision.

                Poutine n’est certainement pas un saint, mais ACTUELLEMENT, je préfère un monde avec lui qu’un monde sans lui. Est-ce que Poutine a accepté la résolution concernant la Lybie que la Russie a accepté à l’époque ?

                La paix dans le monde n’est pas obtenue par un quelconque respect du droit international, mais par un équilibre des forces. Et tant que le Conseil de Sécurité n’est pas réformé, il vaut mieux avoir une Russie là-dedans qui n’est pas un valet de la prétendue Communauté Internationale. La Chine quant à elle est trop timorée et donc on ne peut pas lui faire confiance.


                • bakerstreet bakerstreet 7 février 2013 18:14

                  Ecoutez, vous chipotez sur les mots !
                  Pour l’armée, on dit bien la défense.
                  Non ? Je me trompe ? ....
                  C’est donc normal, que l’on donne des prix Nobel de la paix, à des gens qui ne pensent qu’à la guerre.
                  D’ailleurs, quelqu’un n’a pas t’il dit que la guerre était la meilleure façon de préparer la paix !
                  C’est d’ailleurs ce qu’a fait Henry Kissinger, par exemple, toute sa vie.
                  Et c’est pour ça qu’on lui a filé le prix Nobel de la paix !

                  Alfred Nobel, qui fut si ma mémoire est bonne, l’inventeur de la dynamite !
                  Il y a une logique en tout, non, mon chère Watson.


                  • ykpaiha ykpaiha 7 février 2013 23:56

                    Putin, s’il y a du Gaulisme, dans sa politique (ou de celle de ceux qui sont derriere lui) , a surtout compris avant tout le monde de la fragilité du bloc ONU et qu’une continuité de cette politique ne serait pas viable.
                    Compte tenu de l’asservissement de nos politiques ne leur restait qu’une alternative....eux.

                    Fort du rejet (les partis dit nationaux on obtenu 95% des voix en Russie) et des dégats occasionné par le leger passage des tycoons ils ont pensé le temps venu
                    L’enlisement factuel de l’empire tant au niveau économique que militaire,ont conduit petit a petit l’éloignement de ce « modele » et des ralliements de circonstance.

                    Il n’y a bien plus que chez nos corrompus que perdure cette mode entropique de cow-boy sauveur du monde.
                    Partout ailleurs et chacun pour ses propres raisons tous se sont alors rendu compte de cette fragilité, ce qui a rendu les « maitre du monde » encore plus nerveux, précipitant un peu plus sa déliquescence.
                    (la fragilité des printemps arabes, les pitoyables campagnes hystériques BHLiennes, la Syrie, l’Irak ... n’en étant non pas des exemples mais des symptômes).

                    Aussi paradoxale (et probablement malgré lui) que cela apparaisse, Putin représente ainsi l’avenir, alors que le modèle atlantiste celui du passé dont les aficionados, se raréfiant, coutent de plus en plus chers a maintenir, souvent meme au prix de l’encre et du sang.

                    Non Putin n"est pas un sain mais sa clairvoyance, elle, est salvatrice.


                    • Bovinus Bovinus 8 février 2013 01:03

                      Intéressant, mais à côté de la plaque.

                      Les Occidentaux n’ont jamais rien compris à la Russie, ils n’ont jamais fait que la fantasmer. Comme vous le faites. Poutine est, pour les Occidentaux, soit le boucher dépeceur de Tchétchènes et assassin de journalistes, soit l’homme qui représente l’alternative à l’hégémonie américaine honnie, celui qui a su rassembler une sorte de bloc des non-alignés. Ces deux caricatures sont totalement éloignées de la réalité.

                      Ce pseudo-bloc des résistants à l’Empire est une blague. La Chine, devenue une vraie poubelle, livrée entièrement aux affres du capitalisme sauvage qui n’a pour lui que le fait d’être plus ou moins chinois. L’Inde, un cloaque de misère traînant un système politique probablement parmi les plus rétrogrades qui aient jamais existé et hypothéquant définitivement tout développement réel. Le Brésil ? circulez, il n’y a rien à voir que les restes de l’Amazonie, qu’on a laissé saccager pour en faire de la canne à sucre et autres produits de l’agriculture intensive. Il est vrai que dans tous ces pays, il y a un grand potentiel, c’est indéniable. Cependant, il ne sera jamais réalisé sans vision politique.

                      Poutine n’est que le successeur beaucoup plus habile de Eltsine, rien de plus. Il n’a rien d’un Pierre le Grand ou d’un de Gaulle russe. Sa politique s’est bornée à récupérer les sociétés d’État exportatrices de matières premières et à y installer ses copains, afin d’en récolter les bénéfices au lieu des banques anglo-saxonnes. L’innovation par rapport à l’ère Eltsine, c’est qu’il veille à jeter quelques miettes de cette immense richesse à la populace afin qu’elle se tienne tranquille. Ainsi, Poutine et sa bande pourront voler davantage et plus longtemps. C’est à peu près tout. Il n’y a là aucune vision ou projet politique, simplement une réelle intelligence tactique mise au service de l’avidité de toute une clique de nouveaux oligarques.

                      Poutine n’est que le chef d’une bande de voyous, elle-même à la tête d’un immense empire eurasien en reconstruction. D’ailleurs, ce fait même ne doit pas grand-chose à Poutine, l’idée date des années 1990 et a surtout été promue par le président kazakh Nazarbaiev. Poutine soutient plus ou moins le projet, puisqu’il n’y a pas grand-chose à perdre et beaucoup à gagner.

                      Cependant, cette non-stratégie ne peut continuer éternellement. De nouveaux courants idéologiques se nourrissant au passé glorieux de l’URSS (non, l’URSS n’a pas été l’échec total qu’on voudrait y voir) traversent la société russe et y trouvent un accueil très favorable (et pas seulement chez les vieux). Une campagne pour rendre le nom de Stalingrad à Volgograd est en cours en ce moment même dans tout le pays. La crise économique mondiale commence à s’infiltrer aussi petit à petit en Russie, ce qui va mécontenter le peuple, le rendant peut-être plus enclin à ouvrir enfin les yeux sur la réalité du pouvoir en place. Enfin, la manne des hydrocarbures se tarit petit à petit, pas encore pour le gaz, mais les réserves pétrolières du pays fondent à vue d’oeil. Il y a bien le pétrole de l’Arctique, mais son exploitation nécessite des investissements colossaux, qui, bien évidemment, ne sont pas prêts d’être réalisés avec à la tête du pays une mafia compradore dont le souci principal est de détourner le plus possible de pognon. De toute façon, la fin de la récré peut être sonnée à tout moment par l’effondrement possible à brève échéance des pays importateurs de l’énergie russe (ben ouais : la récession entraîne le chômage, qui entraîne une chute de la consommation qui entraîne une réduction de la production, ce qui réduit considérablement la demande en énergie). Or, il se trouve qu’à part l’énergie, la Russie n’a plus grand-chose à vendre, il suffit d’examiner la structure des exportations : 70% du PIB provient des hydrocarbures, le reste ce sont les ventes d’armes et un peu d’agroalimentaire. Toute la puissante industrie soviétique a été quasi entièrement liquidée tout au long de ces 20 dernières années. Nous voilà de retour en 1917...

                      Le renouveau va certes se produire, mais je le vois débuter plutôt dans 30-50 ans au plus tôt. La condition à son avènement, c’est que la mafia dégage du pouvoir, quitte à l’en faire dégager de force.


                      • Avic Avic 8 février 2013 03:05

                        Dans l’article j’ai précisé <b>Ce que Poutine représente pour les russes, je ne saurai le dire. L’Histoire future de la Russie l’encensera ou le démolira selon les besoins de ceux qui l’écriront. Je ne me risquerai donc pas à porter des jugements qui n’ont d’ailleurs aucun intérêt.</b>

                        Le jugement que vous portez sur Poutine et son action en Russie est peut-être intéressant mais il concerne les affaires intérieures. Ce n’était pas l’objet de mon analyse qui s’intéresse plus à ce que représente la Russie et sa montée en puissance dans les rapports internationaux. Il se trouve qu’aujourd’hui c’est Poutine qui œuvre pour cette montée en puissance qui rééquilibre les forces.


                      • Stof Stof 8 février 2013 09:27

                        Moi je préfèrerais autant qu’on le donne à ce brave type : http://www.afrik.com/afrique-du-sud-patrice-motsepe-le-bill-gates-africain#.URI7CqLZgoY


                        Mais bon, ce que j’en dit moi.

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