Présidentielle : des candidats à pseudonymes
Ils sont trois au premier tour. Trois sur douze à se présenter à nos suffrages sous un nom qui n’est pas leur nom d’état civil. C’est normalement illégal, vu l’ensemble des textes de lois régissant les déclarations de candidatures. Ces trois candidats auraient dû être retoqués par le Conseil constitutionnel et, à tout le moins, la commission de propagande aurait dû exiger d’eux que les professions de foi et bulletins de vote portent la mention de leur état civil complet.
Philippe de Villiers se nomme en vérité Philippe Le Joly de Villiers. Ségolène Royal se prénomme en fait Marie-Ségolène. Enfin l’état civil de Nicolas Sarkozy est Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa. D’où vient que, pour la première fois dans l’histoire de la République, au moins deux aspirants au second tour susceptibles de devenir chef de l’Etat se présentent aux électeurs sous des noms usuels, des pseudonymes, au lieu d’aller devant les électeurs sans masquer leur véritable identité ?
En premier lieu, il a été dit beaucoup d’âneries sur le mode de présentation des candidats et sur les 500 parrainages requis pour être candidat à l’élection présidentielle, âneries qui n’ont pas été relevées par les constitutionnalistes. La loi de 1962 modifiée relative à l’élection du président de la République au suffrage universel stipule que ce sont les élus habilités (maires, parlementaires, etc.) qui présentent une candidature. Au regard de la loi, nul n’est candidat de son propre chef : ce sont les "parrains" qui présentent une candidature et le Conseil constitutionnel doit vérifier que la personne désignée accepte cette désignation. Ainsi donc il ne s’agit pas d’un simple parrainage mais bien d’un soutien à une candidature. L’usage en a été inversé, voire détourné dernièrement pour forcer la main à quelques maires, mais la loi demeure. Les formulaire de présentations doivent mentionner le nom du candidat que l’on souhaite présenter et c’est alors que la mention du nom peut donner lieu à omission ou erreur d’état civil, dans la mesure où une personnalité pressentie peut être publiquement connue sous un nom qui ne correspond pas à son état civil. C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel doit s’assurer d’abord du consentement à la candidature et, ensuite, de l’état civil du candidat, avec ses nom, prénom, sexe, date de naissance, adresse et profession. Or, dans le cas des trois candidats cités, le Conseil constitutionnel n’a pas fait son travail, préférant s’en remettre à la notoriété médiatique qu’à la légalité.
Or, chacun des trois candidats avait justement intérêt à dissimuler une partie de son état civil en raison des connotations négatives qu’elle pouvait entrainer. De Villiers et Sarkozy ont choisi des démarches à la fois convergentes de réduction de longueur et divergentes sur le plan symbolique. L’un a choisi de mettre en avant sa particule et son ascendance aristocratique au détriment du trop roturier Le Joly. Pour Sarkozy, la réduction s’est effectuée dans l’autre sens : il a sacrifié sa particule, qui a le double inconvénient d’être peu républicaine et imprononçable, au profit du patronyme qui n’évoque que de façon lointaine une extraction étrangère et sans connotation aristocratique. Quant à Ségolène Royal, elle a remisé le très coincé Marie-Ségolène qui fleure trop son couvent des Oiseaux. Nous sommes ici en présence d’une construction marketing qui vise à déconnecter le responsable politique de son origine pour le rapprocher le plus possible de ses clients-électeurs potentiels. Pour ceux qui préconisent une autre façon de faire de la politique et qui vantent le parler vrai, cette dissimulation de l’identité réelle n’augure rien de bon.
Ainsi donc notre pays est amené à porter à la magistrature suprême un homme ou une femme avançant sous le masque d’une identité détournée, avec l’onction étonnante d’un Conseil constitutionnel qui, un jour peut-être, avalisera la candidature de Toto ou du Bourreau de Béthune. Il nous faut voter pour des candidats qui nous promettent la vérité et qui nous mentent rien qu’en nous tendant la main pour se présenter à nous. Il nous faire avec le triomphe du marketing politique qui se substitue à la réalité d’une personne à qui nous lions notre sort pour cinq ans. Il nous faut faire avec la passivité des institutions qui avalisent cet état de fait sans apporter les corrections que la loi impose. Et pourquoi pas, alors, au second tour, voter pour Ségolène Sarkozy ou pour Nicolas Royal si cela leur convient mieux ? Si rien n’est vrai, tout est permis, non ?
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