Quand Le Jolis de Villiers de Saintignon lève le coude
Un soupçon de Royal, une cuiller à soupe de Sarkozy, une pincée de José Bové et un bon litre de Le Pen : le bushien vendéen Philippe de Villiers a présenté sa recette pour 2007, dimanche, en Bretagne. Comique et pathétique.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L215xH159/de_villiers-c98de.jpg)
De Villiers a cet avantage certain sur Ségolène Royal : au moins, avec lui, on se marre. Ce week-end, à Guidel, en Bretagne, le vicomte tenait son université d’été, tandis que la reine mère poitevine des sondages tançait quelque militante impudente. Et alors que Ségolène apparaissait sur le coup légèrement en surchauffe, le vicomte lui, récitait ses gammes comme s’il était né de la dernière Révolution.
Depuis de nombreuses années maintenant, le créateur du Puy du Fou en veut à l’Europe des « technocrates de Bruxelles » qui osent inviter la Turquie à leur table, et souhaite revenir à une « Europe des patries », chère à Le Pen. Mais il en veut également aux homos coupables de vouloir se marier. Le vicomte lui est plutôt pour « la famille », comme son homologue Royal (qui, elle, pense quand même que deux hommes ou deux femmes peuvent constituer une famille). Et puis tant qu’on y est Le Jolis est contre les 35 heures et souhaite restaurer « le travail ». Au sujet de l’immigration, il ne veut ni l’immigration « subie » qu’il renifle à gauche, ni l’immigration « choisie » qu’on propose à droite. En gros, pas d’immigration du tout, ou très peu, ce qu’il appelle une immigration « contrôlée ». Et puis, un dernier avant la route, des allocations familiales versées uniquement à des familles de « nationalité française ».
Tout cela, c’est ce que le vicomte appelle « remettre de l’ordre ». C’est très drôle, cette maladie de l’ordre, qui colle aux Royal, Sarkozy, Le Pen et de Villiers, c’est curieux comme la contagion est quand même un peu « choisie », elle aussi.
Remettre de l’ordre, chez de Villiers, c’est aussi en finir avec les bobos, qu’il exècre, comme son non-ami Renaud, ancien alcoolique redevenu rebelle, alors que le Vicomte a, lui, manifestement repris de la bouteille.
« Nous préférons la France des bistros au Paris des bobos, la France des moissons à celle des donneurs de leçons et l’artisan des Vosges à l’écolo de la place des Vosges, le paysan centenaire au footballeur milliardaire. »
Nom de Zeus, on dirait une profession de foi de Jean-Pierre Pernaut ! C’est beau comme un feuilleton de France2, profond comme une envolée de José Bové, émouvant comme une indignation d’Emmanuelle Béart ! « La France des moissons », mince alors, on l’avait oubliée, celle-là ! Et « l’artisan des Vosges » ! Fichtre, il nous retaille la France, le vicomte, à la serpette, et à ce rythme-là, il finira au bout d’une pique ! Là, en tout cas, où d’autres souhaitent passer quelque outil pour nettoyer à haute pression, le vicomte, lui, préfère ressortir la vaisselle de grand-mère, les napperons brodés et le chien qui remue la queue sur la plage arrière ! C’est pas « remettre de l’ordre », ça, c’est voyager dans le temps !
C’est que dans les livres d’histoire de la famille de Villiers, la France « d’avant » devait être un pays sans étranger, sans bourgeois bohèmes, sans hippies, sans football (une France sans football, vous réalisez ?) sans homosexuels non plus... De Villiers est de ces hommes politiques qui pensent que l’homosexualité a été « inventée » avec le Sida, ou pas loin. Sur ce terrain-là, seul son copain borgne le rejoint.
Mais il serait injuste de prétendre que ce Jolis-là n’est pas un roi de la fête, un boute-en-train inouï, en un mot pas le dernier quand il s’agit de faire sauter le bouchon. Pour preuve, son programme de réjouissances qui nous met déjà l’eau à la bouche (à peu près autant que les débuts de Laurence Ferrari sur Canal+) :
« J’établirai le droit de fêter Austerlitz et de rendre hommage au rôle positif de la France outre-mer. Nous ferons flotter chaque matin le drapeau tricolore dans les cours d’écoles. J’établirai une nouvelle Fête nationale, le 30 mai 1968 [...], le jour où deux millions de Français sont descendus dans la rue et ont mis fin à la chienlit soixante-huitarde, et renvoyé Daniel Cohn-Bendit dans ses foyers. »
Sublime, non ? Mieux qu’à Ibiza, mieux que dans le Grand Cabaret, mieux que feu le Petit Théâtre de Bouvard ! Faire flotter chaque matin le drapeau tricolore dans les cours d’école ! Enfin une activité saine, réparatrice et « républicaine », pour nos chères têtes blondes qui n’en demandaient pas tant ! Ca leur évitera en tout cas d’aller se faire encadrer ensuite par les militaires de sœur Ségolène dans ses futurs camps pour jeunes délinquants ! Tous les matins, hophophop, hissage du drapeau, au garde-à-vous si possible, et sans raillerie, sans mauvais esprit, sans petit clin d’œil moqueur, s’il vous plaît ! Juste un drapeau au vent offert, et tout le plaisir qui en découle ! Quelles fêtes en perspective ! Quelle jeunesse épanouie en devenir ! Un rêve ! Et puis, ce 30 mai 1968 qu’on ignorait joyeusement jusqu’ici (pour lui préférer le 1er avril, peut-être, jour de poisson sans queue ni tête), ce 30 mai 1968 enfin célébré, ce jour où le petit Dany le rouge fut enfin bouté hors de nos rues saccagées, et renvoyé à ses chères études ! Quelle victoire que ce jour-là pour la France, courageuse, fière et orgueilleuse, qui osa, au moins cette fois ci, prenez-en de la graine, « remettre de l’ordre. »
Pour résumer, parce que toutes les bonnes tournées générales ont une fin, Le Jolis de Villiers de Saintignon prévient qu’il est fini, « le temps des lodens bleus, style sortis des messes », et promet de « créer la surprise » en 2007, autre vieille scie qu’il partage avec le cyclope de Saint-Cloud.
Contrairement à madame Royal, qui fait et dit un peu n’importe quoi avec l’excuse de la débutante qui ne connaît rien aux dossiers et ne maîtrise pas la pression, de Villiers, lui, il faut le rappeler, n’est pas un perdreau de l’année. Cinquante-sept années au compteur, dont plus d’une vingtaine dans l’arène politique. On se souvient de lui comme d’un des plus grands pourfendeurs de l’argent sale dans les partis politiques à l’époque de l’affaire Urba, qui avait sérieusement ébranlé à l’époque le Parti socialiste. Mais comme Montebourg, de Villiers quitta vite son costume de chevalier blanc pour jouer les pique-assiettes, toujours plus à droite, avec du Millon par-ci ou du Pasqua par-là. Peu à peu, le vicomte s’est radicalisé, et agite aujourd’hui son mariage et ses sept enfants comme autant d’étendards durant ses meetings gonflés aux hormones d’un populisme que ne renierait pas Marine Le Pen.
Mais contrairement à la fille du meneur frontiste, de Villiers assène ses « vérités » d’après cuite avec un sourire éclatant, et réussit la plupart du temps à faire sourire, sinon éclater de rire son auditoire Marie-Chantal. A la télévision, quand il déclare que, pour lui, le problème le plus important de l’école aujourd’hui, c’est son « islamisation », tout le monde s’esclaffe, même lui, content de son effet. Comme s’il savait, du fond de son Puy sans fond, qu’il fait de toute façon irrémédiablement partie de ces candidats qui ne comptent pas vraiment, qui oscilleront entre la pêche et la tradition, qui recueilleront les votes de ceux qui ne pensent plus et de ceux qui ne pensent pas grand-chose, toujours prêts à vous offrir un verre, pour refaire le monde, ou au moins la France.
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