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Accueil du site > Tribune Libre > Quelques vérités sur le mensonge

Quelques vérités sur le mensonge

Qu’est-ce que le mensonge ? Nous pourrions le définir en répondant qu’il est le contraire de la vérité, mais encore faudrait-il savoir ce qu’est la vérité. Car à chacun sa vérité, même s’il y a une vérité ciblée par la morale et par la science. Selon le dictionnaire, qui le résume en quelques mots, le mensonge est une assertion sciemment contraire à la vérité et faite dans l’intention de tromper, qui nous incite naturellement à la falsification, à l’erreur et à l’égarement. Jusqu’à l’âge de 5 ans, l’enfant ignore le mensonge et n’éprouve aucune sorte de culpabilité pour la simple raison qu’il n’est pas enclin à l’envie, à l’orgueil, ces désirs et tentations coupables qui incitent au mensonge. Il n’a pas pris conscience que l’on peut à volonté et, en alternance, choisir le bien ou le mal, le vrai ou le faux. D’autant que pour bien mentir, il est préférable de connaitre la vérité et d’être animé par l’intention de falsifier une action ou un discours, en laissant croire le contraire de ce qui est.

Les premiers philosophes ont envisagé l’homme en tant que locuteur, et ont pris vis-à-vis de lui les distances qui s’imposaient, sachant que le langage peut tout aussi bien révéler que dérober, exprimer que voiler. Aucune parole ne peut me donner la chose elle-même, car derrière les mots, il n’y a pas les choses, seulement leurs représentations. Quand je dis " je ", déjà je me sépare de moi-même, tant les mots s’écartent de ce qu’ils nomment et tant la parole favorise la division du sujet. Le moi et le je sont une sorte d’illusion grammaticale. Notre moi est davantage un nous, parce que notre individualité est composée d’une multitude d’individus qui, au fil des générations et du temps, ont réussi à faire de nous un être unique, une personne. " Tous les autres sont en moi " - écrivait Apollinaire, tandis que Rimbaud affirmait - " je est un autre ". En règle générale, le langage est approximatif et les concepts, trop généraux et insuffisamment explicites, pour traduire pleinement notre pensée. Jamais un mot ne sera l’expression idéale de la réalité. Les concepts ne renvoient pas à une chose existante. Le concept de l’être humain, par exemple, ne représente pas l’être. C’est une généralité qui cache une singularité. Ainsi le langage banalise-t-il les sentiments et les mots n’expriment-ils que l’aspect impersonnel des choses. Ils mutilent et dénaturent et aboutissent à ce que la vérité reste la plupart du temps indistincte, confuse et imprécise.

Le silence lui-même est trompeur. On parle de mensonge par omission.Se taire pour ne pas avouer ou dire la réalité. Entre le tout-dire, le trop-dire, le non-dire, le supposé-dire, la gamme est large des hauts risques de la parole. Le mal vient le plus souvent de son mauvais usage. Mais dès lors que le mensonge parvient à modifier notre comportement, il ne s’agit plus d’accuser le dire mais le faire. On sait que les mauvaises manières précèdent les mauvaises actions. Or, il n’y a pas de vie possible en société sans un minimum d’égard les uns vis-à-vis des autres. "Faites semblant d’être vertueux et vous le deviendrez" - proclamait un philosophe. Ce n’est ni plus, ni moins, faire en sorte que nos actes soient en accord avec nos paroles. L’acte est effectivement un témoignage plus probant que ne l’est le verbe. Le héros agit et ne disserte pas sur son héroïsme, dans le souci de conformer le faire au dire. Les grands diseurs sont rarement les grands faiseurs. Tout est dans la conduite que l’on adopte. Paraître au lieu d’être. L’homme public et l’homme politique tentent le plus souvent de s’octroyer l’opinion et, pour l’acquérir, n’hésitent pas à mentir et tricher. Mensonge valorisant qui n’a d’autre objectif que de susciter une projection idéalisée de sa personne. Tant il semble qu’exister pour soi est plus important qu’exister pour les autres.

 Pourquoi ? Parce que le mensonge rend impossible la communication vraie. A partir du moment où l’on ment, on contredit la possibilité de communiquer. Ce n’est ni plus ni moins la rupture du dialogue et de la vie en commun. "La vérité ne souffre aucune exception " - affirmait Kant. Le mensonge instrumentalise autrui en le réduisant à l’état d’objet. Alors que chacun de nous se doit de rester une valeur absolue. On ne fait pas d’un être...sa chose. Autrui n’est pas un objet manipulable, du moins ne devrait-il jamais l’être. Or, quand je mens à quelqu’un, j’en fais un simple moyen à mon service, j’use de lui comme d’un objet qui sert mes plans. "La vérité est inconditionnellement exigible " - poursuivait Kant, qui estimait que le devoir moral sous-tend une valeur qui n’a de sens et de réalité qu’en situation.

Néanmoins, le tact, le secret, peuvent être un recours dans certains cas. Les devoirs moraux ne forment pas un pluriel d’absolus, égaux entre eux. Sauver un innocent vaut mieux que de dire la vérité. Cela peut se concevoir en maintes occasions. On peut également dire la vérité par méchanceté et non dans un pur souci d’équité. Mentir par bonté existe également. On sait que toute vérité n’est pas bonne à dire. Certains circonstances nous obligent à accommoder cette vérité afin qu’elle soit recevable. Au mieux, le mensonge peut être un mal nécessaire, mais il ne faut pas l’instituer en modèle, en paradigme. Envisager auparavant d’autres solutions mieux appropriées, en apprécier les éventuels résultats. Le devoir de vérité a aussi ses limites. On peut mentir par compassion et dire la vérité par cruauté. C’est la qualité intrinsèque de l’acte qui compte, la vérité n’étant pas au-dessus du bien.

Au final, ne serait-ce pas l’amour qui devrait être à l’origine de nos actes, tant il est vrai que le coeur est souvent plus juste que la raison. Mieux que la vérité, parfois hasardeuse, l’amour devrait être notre guide. Le menteur se trouve souvent dans un état de faiblesse. Il souffre d’un surmoi démesuré et craint de déplaire à autrui, si bien qu’il devient dépendant de son paraître. Et si nous le condamnons, il ne fera que développer son désir de tromper et cela amplifiera encore son mal-être. En le pointant du doigt, en essayant de le démasquer, nous ne faisons qu’éveiller sa méfiance, accélérer son zèle. Il est donc nécessaire d’agir avec discernement vis-à-vis de soi et vis-à-vis des autres. Ce qui signifie ni aveuglement, ni excès d’indulgence, mais cela relève sans doute du voeu pieux. Lorsque l’on ignore la vérité, l’illusion persiste. Lorsque l’on connait la vérité, le mensonge cesse, ou du moins faiblit.


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24 réactions à cet article    


  • sisyphe sisyphe 16 novembre 2010 10:18

    Au final, ne serait-ce pas l’amour qui devrait être à l’origine de nos actes, tant il est vrai que le coeur est souvent plus juste que la raison.


    Houla ! 

    N’oublions pas que « l’amour est enfant de bohème, qui n’a jamais connu de loi »... 
    Outre que le mot « amour » recouvre tant d’objets différents (amour filial, amour parental, amour conjugal, d’un animal, d’objets, de l’argent, de la puissance, du pouvoir, amour de mille et une choses), où avez-vous vu que « le coeur est souvent plus juste que la raison » ? 
    Dans « Nous deux » , « Confidences », « Gala » ?? 

    Jusqu’à preuve du contraire, c’est encore la raison et la réflexion qui sont les meilleurs instruments pour élaborer les décisions et les actions. 
    Il n’y a pas de crimes de raison, ni de réflexion, alors qu’il y a des crimes par amour,
     non ? 

    Laissez au coeur sa fonction vitale organique, et servez-vous plutôt de votre cerveau (où se situent, entre autres, les émotions, les sentiments, la réflexion) ; ça vous évitera des discours et des formules aussi creux et gnan-gnan... 




    • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 16 novembre 2010 11:26

      Il y a un auteur qui écrivait : « On ne voit bien qu’avec le coeur ». C’était Saint-Exupéry dans Le petit Prince. Sans doute un imbécile lui aussi...


    • sisyphe sisyphe 16 novembre 2010 11:59

      Par Armelle Barguillet Hauteloire (xxx.xxx.xxx.251) 16 novembre 11:26

      Il y a un auteur qui écrivait : « On ne voit bien qu’avec le coeur ». C’était Saint-Exupéry dans Le petit Prince. Sans doute un imbécile lui aussi...


      Et d’une, je n’ai jamais parlé « d’imbécile »

      Et de deux, Saint Ex emploie cette expression dans un conte pour enfant, au cas où vous ne l’auriez pas saisi ; il s’agit d’une parabole poétique (c’est le renard qui dit ça).

      Par ailleurs, il ajoute : « l’essentiel est invisible pour les yeux » ; or, les yeux, ce n’est pas la raison, c’est la seule perception..

      Par ailleurs, le « coeur » comme vous dites est parfois très mauvais conseiller : l’amour est souvent le corollaire de la haine.. (ne dit-on pas qu’il « rend aveugle » ?) 

      Bref, jusqu’à présent, pour faire fonctionner l’intelligence, on n’a rien trouvé de mieux que la réflexion, l’analyse, la conscience...(science sans conscience n’est que ruine de l’âme) 

      Alors, d’accord pour la compassion, l’empathie, mais, pour moi, le sentiment de la nécessité de la justice est une motivation bien plus positive que celle du « coeur » , qui conduit souvent à des comportements erratiques.. (passions, crimes passionnels, sentiment d’appropriation, etc...) 

      Tenez, juste une chanson...


    • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 16 novembre 2010 12:12

      Je n’ai jamais écrit qu’i ne fallait agir que sous l’emprise du coeur. Cessez de me faire de faux procès.J’ ai écrit le coeur est souvent, ce qui signifie pas est toujours et  que, face à un menteur, il est parfois préférable de biaiser afin de ne pas l’enfoncer davantage dans son mensonge. L’homme est par définition un être raisonnable mais le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas et qui peuvent se révèler justes et sensibles. La passion est tout autre chose et rarement bonne conseillère.


    • sisyphe sisyphe 16 novembre 2010 12:18

      mais le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas et qui peuvent se révèler justes et sensibles. 


      qui peuvent se révéler également fausses et injustes... 

      donc, impossible de s’y fier. 

    • Gabriel Gabriel 16 novembre 2010 10:41

      Attention aux sentiments extrêmes car passion ne rime pas avec raison. Chaque fois que vous analyserez une situation avec vos tripes, même si l’intention de départ est bonne, vous risquez d’orientez donc de faussez le jugement. Ne pas tomber non plus dans l’indifférence mais cultiver et acquérir tant que faire se peut l’impermanence qui est à l’indifférence ce que la compassion est à la pitié. De plus, si je vous montre une fleur de cerisier et que je vous dit voilà un fruit, aurais je menti ? Non, j’aurai simplement précédé la vérité d’une saison. Voyez vous, mensonge et vérité ne sont pas choses aisées et seul une attitude détachée tout en étant compassionnelle peut éventuellement espérer s’en approcher.


      • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 16 novembre 2010 10:57

        C’est ma conviction également, Gabriel.


      • Gabriel Gabriel 16 novembre 2010 10:43

        Orientez et faussez « ER » évidement, mes excuses.


        • Francis, agnotologue JL 16 novembre 2010 10:53

          Bonjour,

          Bonjour Armelle, que de questions soulevées, inégales !

          En vrac, vous écrivez : « Jamais un mot ne sera l’expression idéale de la réalité. Les concepts ne renvoient pas à une chose existante », renvoie à cette citation : « Dire détruit toujours un peu ce qui était à dire" (Brice Parrain)

          Vous dites :« Le silence lui-même est trompeur » et Yevgeny Yevtushenko, dissident soviétique  : « Lorsque la vérité est remplacée par le silence, le silence devient un mensonge »

          Je lis : « le mensonge rend impossible la communication vraie. A partir du moment où l’on ment, on contredit la possibilité de communiquer. » Cela renvoie bien évidemment à l’obscurantisme, là a novlangue, aux oxymores et aux sophismes.

          L’obscurantisme c’est le mensonge de l’autorité : autorité politique, médiatique, religieuse, de l’expert, du mandarin, … et le discours est d’autant plus obscurantiste que l’autorité est incontestée.

          Quant à la vérité, je la définirais volontier comme suit :

          la vérité n’est pas le contraire d’un mensonge ou d’une contre vérité mais le contraire de tous les mensonges. En contrepartie, tous les mensonges, toutes les contre vérités sont contraires à la vérité. De sorte que la vérité ne pouvant se contredire elle même est unique, cependant que les mensonges comme les contre vérités se contredisent à qui mieux mieux entre eux.

          Et j’ajouterai que c’est pour cela que Jean Rostand a dit : « Le mensonge est dominant, la vérité est récessive. Parole de biologiste »

           

           


          • Francis, agnotologue JL 16 novembre 2010 10:56

            «  Les éditocrates ou les prescripteurs d’opinion  », s’érigent en prétendus « briseurs de tabous », en courageux pourfendeurs du « politiquement correct » et de la « pensée unique », alors même qu’ils sont les plus éminents représentants du conformisme intellectuel et politique le plus étroit. De fait, par une permanente réinterprétation des mêmes psaumes, par la récitation, jour après jour, des mêmes vraies-fausses évidences, par le développement obsessif des mêmes clichés mensongers, ils fabriquent, en permanence, du consentement : ils entretiennent un public captif dans la résignation, dans l’acceptation passive d’un système où le salarié ne trouve pas forcément son compte, mais dont eux-mêmes n’ont, certes, guère à se plaindre. Pour ce faire, ils biaisent continuellement la réalité, la tordent et la contrefont au besoin, pour mieux la faire entrer dans leur cadre idéologique : les éditocrates tiennent le fait vrai pour quantité négligeable. Mais ils sont leurs propres arbitres et jouissent par conséquent d’une totale impunité. Ils peuvent donc, très librement, raconter n’importe quoi, se ridiculiser même, lorsque, découvrant soudain les menus travers du capitalisme financier, ils font mine de brûler – à très petit feu, il est vrai – ce qu’ils ont toujours adoré : jamais cela ne les disqualifie. Puis ils ont pour eux cet atout, qui les protège des affres du doute : ils ne connaissent pas la honte. De sorte qu’ils continuent à « donner le la » du prêt-à-penser médiatique.


          • Ariane Walter Ariane Walter 16 novembre 2010 11:02

            @ L’auteur
            Sujet extrêmement complexe que vous n’éclaircissez pas car on pourrait vous reprendre sur toutes vos phrases.

            Le silence lui-même est trompeur.

            Sauf quand il est clair. un regard vaut parfois tous les mots.

            Jusqu’à l’âge de 5 ans, l’enfant ignore le mensonge et n’éprouve aucune sorte de culpabilité pour la simple raison qu’il n’est pas enclin à l’envie, à l’orgueil, ces désirs et tentations coupables qui incitent au mensonge. Il n’a pas pris conscience que l’on peut à volonté et, en alternance, choisir le bien ou le mal, le vrai ou le faux.

            L’enfant qui brame dans son lit pour faire croire qu’il a faim alors qu’il veut simplement qu’on le prenne dans se bras, sait instinctivement ce qu’est un mensonge. le mensonge fait vivre et survivre.Je prends un exemple extrême mais dire qu’un enfant ne connaît pas le mensonge et la ruse qui sont inhérents à la survie, me paraît énorme.

            Parce que le mensonge rend impossible la communication vraie. A partir du moment où l’on ment, on contredit la possibilité de communiquer.

            Vous êtes enfantine. la vie est beaucoup plus complexe et certains mensonge nous amènent, plus que des vérités au creuset de la paix et des compréhensions.

            je ne vous avais pas notée en modération car j’ai du mal à suivre votre pensée.

            je veux donc avouer, très sincèrement, que je préfère les exposés plus clairs. ce qui fait ,peut-être, que je vous comprends mal.
            bonne journée.


            • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 16 novembre 2010 11:52

              Si le bébé pleure, Madame, c’est par besoin de tendresse, rien à voir avec le mensonge. C’est déjà le coeur qui parle.


            • sisyphe sisyphe 16 novembre 2010 12:05

              Par Armelle Barguillet Hauteloire (xxx.xxx.xxx.251) 16 novembre 11:52

              Si le bébé pleure, Madame, c’est par besoin de tendresse, rien à voir avec le mensonge. C’est déjà le coeur qui parle.


              Au lieu de vous en tenir à des bluettes, je vous conseille quand même de vous informer un minimum en psychologie, et de ne pas tout réduire à cette notion simpliste de « coeur », qui veut tout et rien dire...


            • alberto alberto 16 novembre 2010 11:28

              Armelle :

              En amour ou en affaires est-ce mentir que de séduire ?

               smiley


              • Arno_ Arno_ 16 novembre 2010 11:30

                Quel fatra de pensées... Presque toutes les assertions faites ici peuvent être contredites.

                Psychologie de comptoir, pensée kleenex, morale a deux balles (l’amour...), opposition classique du coeur et de la raison. Style ampoulé.

                Pire que le mensonge : le manque de clarté, la confusion, parler pour ne rien dire.

                Allez, rattrapez-vous, écrivez nous un beau mensonge.


                • LE CHAT LE CHAT 16 novembre 2010 11:45

                  Woerth tiendrait pas un minute face à ce type  ! smiley


                  • sisyphe sisyphe 16 novembre 2010 12:14

                    Puisque vous aimez les citations, je vous propose celle-ci, de Françoise Sagan : 


                    Aimer, ce n’est pas seulement aimer bien, mais c’est surtout comprendre.


                    • easy easy 16 novembre 2010 12:23

                      Bonjour Armelle,

                      La vérité est un mythe et chacun le sait qui ne l’exige qu’en tant que procureur, qui ne prétend l’offrir que s’il se sent soupçonné.

                      Hormis ces situation, dans l’ordinaire des moments, chacun s’en tient au modus vivendi qui consiste à ne surtout pas évoquer la vérité (Alors que les philosophes et religieux la posent comme essentielle de la relation et de la connaissance, la vérité est rarement évoquée dans la vie courante).

                      « Il est frais votre poisson, là ? » est déjà une question qu’on évite de poser
                      et on dit encore moins souvent, après la réponse affirmative du poissonnier, « Vous êtes sûr de me dire la vérité ? » . Car à ce niveau là de la conversation, la relation est devenue pourrie et ces deux là ne se fréquenteront plus.

                      Sur quelque sujet que ce soit, une personne qui aurait constamment à la bouche « Dis-moi la vérité » sera infréquentable.


                      Il y a donc une valeur d’urbanité bien plus grande dans le mensonge que dans la vérité ; une valeur au sens où le menteur sacrifie quelque chose de lui quand il ment par compassion, par respect, pour faire plaisir.
                      « Je vous trouve ravissante dans cette robe »
                      Vérité ou mensonge ?
                      Si l’auteur le pense vraiment, il ne sacrifie rien de lui. S’il ment, en ne disant que la partie la plus urbaine de ses pensées, il sacrifie quelque chose et c’est méritoire. Et bien dans le cadre urbain, le plus courant des cadres donc, c’est constamment que nous nous mentons mutuellement, ne serait-ce qu’en évitant de dire à ceux qu’on croise qu’on les trouve laids.


                      Le mari qui a une maîtresse mais le cache à sa femme sacrifie aussi quelque chose de lui. Et ce sacrifice le mine au point qu’il va probablement commettre des lapsus révélateurs de la vérité.
                      Il va chercher à lâcher de ce lest qui le plombe.

                      Une autre vérité est très délicate, c’est celle de l’amour passé. Après avoir divorcé dans la fureur et les mots d’oiseaux, il est quasiment impossible, même pour un écrivain, de raconter la magnificence de l’amour originel. A la rigueur, on peut reconnaître que « Oui je l’avais aimé » mais on le dira vite, on ne parvient pas à faire long sur cet amour qui était pourtant énorme. On ne peut plus dire la vérité sur ce sentiment passé et inversé depuis, même in petto. Même à soi, on ne peut plus la dire et il ne nous reste que des décombres du genre « Agggrrrr, mais comment j’ai pu m’enticher d’une poufiasse pareille ! »
                       
                      Autre partie délicate. Quand après un divorce, on se remet avec une autre personne. Il est convenu de lui dire qu’avec elle, cette seconde personne, c’est mieux. Bin voyons. C’est une convention sine qua non. Si on ne dit pas ça, si on ne fait pas entendre ça d’une manière ou d’une autre, on va donner à penser qu’on n’a pas pansé ses blessures, qu’on reste à regretter la première et cette seconde relation ne pourra pas tenir.

                      Tout ça, nous le savons tous. Ce qui fait que nous n’évoquons jamais la vérité (sauf à l’exiger des gosses et de ceux qu’on cherche à condamner)



                      • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 16 novembre 2010 13:00

                        Merci, easy, de ce commentaire intelligent et subtil qui apporte un plus à l’article, ce qui est constructif. On ne peut en une page faire le tour d’une question aussi complexe, mais on peut poser le postulat, ce que j’aime faire, afin d’inviter au dialogue dans la mesure où il est courtois et pertinent. Mais cela semble impossible avec un certain nombre de lecteurs d’AgoraVox qui ne savent brandir que l’invective et l’insulte.


                      • jack mandon jack mandon 16 novembre 2010 13:37

                        Bonjour Armelle,

                        Qu’est ce que la vérité disait Pilatus,

                        Camus nous dit

                        « La vérité, comme la lumière, aveugle.

                        Le mensonge au contraire, est un beau crépuscule qui met chaque objet en valeur »

                        « La chute »


                        • Arno_ Arno_ 16 novembre 2010 14:53

                          Aujourd’hui, activité enfilage de perles...

                          Aaaaah... si Armelle n’existait pas... elle n’aurait personne pour ne pas être d’accord avec elle. Verite ou mensonge ? Amour de la vérité ou alors vérité fille de l’amour ? A moins que le mensonge ne soit l’indispensable repoussoir nécessaire a l’amour de la vérité vraie ?

                          La maïeutique nous aidera-t-elle a résoudre ce troublant paradoxe ? Ptet ben qu’oui, ptet ben qu’non. La graphologie plutôt ? Ou la psychologie introspective ?

                          Ma foi... on se marre bien finalement avec les pseudos-sciences, la philosophie pour les nuls et les articles de psycho pour magasines féminins.


                          • Nestor 16 novembre 2010 15:14

                            Salut !

                            Mentir c’est se tromper à soi-même puisque l’on est conscient de notre mensonge !

                            Mais aussi ...

                            Mentir c’est aussi être fidèle ... L’or de mon interrogatoire fait par mes ennemis, je ne leur ai pas livré les Noms de mes fréres d’armes, j’ai préféré souffrir puis mourir dans mon mensonge que de vivre dans la vérité et la douleur !


                            • L'enfoiré L’enfoiré 16 novembre 2010 19:29

                              Armelle,
                               Le mensonge est utile et nécessaire.
                               Parleriez-vous de cordes dans une maison de pendu ?
                               « Bons sens ne sauraient mentir »
                               Le mensonge a beaucoup de forme.
                               Tout dépend à qui il profite.
                               smiley


                              • Radix Radix 16 novembre 2010 21:30

                                Bonsoir

                                Le titre de l’article comporte une faute.
                                En effet vous n’auriez pas du écrire « le mensonge » mais « les mensonges » !

                                On peut mentir pour se protéger, pour protéger l’autre, par lâcheté, par timidité... Et tant d’autres raisons qui sont parfois très respectables.

                                Parfois on peut même mentir par amour !

                                Mentir est l’essence même du langage, le jugement ne doit pas s’appliquer au mensonge, mais sur les raisons qui l’ont motivé !

                                Radix

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