Qui pour justifier le plagiat ? Qui ?
La nouvelle politique menée à l'égard des auteurs : un coup fatal porté à la création et à la culture !
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH183/Je_defends_les_auteurs-474d4.jpg)
Chacun peut écrire et mettre son texte à la disposition de tous, sans contrepartie et sans demander à être cité, de surcroît et si le cœur lui en dit. C’est sa liberté individuelle et il n’y a rien de plus beau que la liberté. Mais disposer à son gré du texte d’autrui, c’est une autre histoire. Où est la liberté, ici ? La liberté, de qui ? De celui qui ne fait pas le travail et qui s’approprie l’œuvre d’un autre en la faisant sienne ?
Quid de la liberté de l’auteur ?
La générosité, que certains mettent en avant pour justifier le partage et donc la diffusion des œuvres, a ses limites. Faire acte de générosité avec le travail d’autrui est une conception singulière de la générosité. Dans tous les cas, ce partage ne justifie pas que l’on ne cite pas ses sources.
Celui qui achète un livre est propriétaire du livre (l’objet). Il peut lire le livre ou le mettre religieusement dans sa bibliothèque sans l’avoir lu. Il peut en corner les pages ou l’annoter. Il peut le prêter, le donner ou (quelle horreur !) le jeter. Il peut même le mettre dans son congélateur. Je ne vois pas l’intérêt mais pourquoi pas ?
En revanche, il n’est pas propriétaire du texte ou des images (l’œuvre). Pour cette raison, il ne peut pas faire ce qu’il veut de l’œuvre, la reproduire, la diffuser, et encore moins s’en prétendre l’auteur. Car, en prenant de telles libertés avec l’œuvre, c’est, en plus de son gagne-pain, à la liberté de l’auteur qu’il porte atteinte.
Alors, rappelons-le sans détours : le plagiat, c’est du vol. Un vol d’autant moins excusable que rien ne peut le justifier.
On peut voler une pomme si l’on meurt de faim mais rien ne justifie que l’on vole l’œuvre d’autrui, que l’on retire le nom du véritable auteur, pire que l’on signe de son nom l’œuvre qu’on a volée.
Quand on reproduit le texte d’un autre, c’est qu’on lui reconnaît un mérite. Quand on reconnaît un mérite à quelqu’un, la moindre des choses, c’est de lui rendre hommage, en le citant. Si on est capable de recopier les mots d’un autre, on est capable de recopier son nom. Ne pas le faire n’est pas un oubli. C’est toujours un acte délibéré et volontaire qui vise à s’attribuer un mérite qui n’est pas le sien. L’acte est encore plus délibéré et volontaire, quand on met son nom en lieu et place du nom de l’auteur. Il n’y a rien de glorieux dans un tel acte.
Le plagiat, dans son sens historique, signifie « action de disposer d’une personne libre en la vendant ou l’achetant comme esclave ».
Tout est dit, il me semble.
Alors, qui pour justifier le plagiat ? Qui ?
Les juges.
En effet, aujourd'hui, en cas de plagiat, c’est-à-dire de reproduction illicite faite sans citer l’auteur, voire sans son autorisation si les emprunts sont importants, il suffit que les plagiaires mettent en cause la qualité de l'œuvre qu'ils ont pourtant copiée (sic !) pour que l'auteur plagié passe de victime à coupable. Si l’affaire arrive devant les tribunaux, les juges reprennent à leur compte la défense de pure mauvaise foi des plagiaires et ajoutent une condition à la loi : celle de « l’originalité de l’œuvre ».
Cette condition est normalement facile à remplir et à prouver. Pour la loi et le bon sens commun, le fait d’avoir écrit l’œuvre, et donc d’en être l’auteur, suffit à la rendre originale.
Mais pour les juges, c’est insuffisant.
Et, plus grave encore, les juges écartent, pour établir la preuve de l’originalité de l’œuvre : l’antériorité, les idées, l’angle inédit de traitement des idées, le style, la composition des phrases, le choix du vocabulaire, la spécificité du plan, les études universitaires de l’auteur (et donc son champ de compétences), le vécu de l'auteur, les commentaires des lecteurs (quand l'œuvre est publiée), la pensée qui est exprimée dans l’œuvre.
Dès lors, parce qu’ils refusent tous les éléments objectifs établissant l’originalité de l’œuvre, les juges demandent aux auteurs une preuve impossible à faire.
Alerté sur cette situation kafkaïenne pour les auteurs, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a défini la nouvelle règle qui devait s’appliquer désormais en cas de plagiat : pas de critères objectifs, pas de règles précises et établies, les juges n'ont plus à justifier leur décision autrement que par leur appréciation souveraine.
Alors, qui pour justifier le plagiat ? Qui ?
Les juges et… le ministre de la Justice !
Résultat : les auteurs peuvent être plagiés sans pouvoir se défendre et peuvent même être condamnés s'ils font valoir leurs droits devant les tribunaux.
On nage en plein délire. L'inversion des rôles est sidérante. L’auteur, victime de plagiat, devant supporter la charge d’une preuve impossible à faire, se retrouve sur le banc des accusés.
On sait ce qu'il en est de la criminalisation des victimes. On en vient inéluctablement à reprocher à la femme violée de porter des robes courtes, de sortir seule le soir, d'avoir un regard aguicheur, et autres énormités qui font passer le violeur pour... la victime de la femme violée.
On ne juge plus le viol, on juge la femme violée !
A l'identique, dorénavant, et du fait de la nouvelle politique menée à l'égard des auteurs, au lieu de juger le plagiat, on juge l'œuvre qui a été plagiée. Au lieu de juger le plagiaire, on juge l'auteur !
Face à ce péril, plus de 20 000 personnes, dont des milliers d’auteurs et créateurs, ont exprimé leur désaccord et leur indignation : https://www.change.org/p/le-gouvernement-trahit-les-auteurs-mobilisons-nous
Pour rejoindre le mouvement « Je défends les auteurs », vous pouvez écrire à l’adresse : [email protected]
Car, n’en déplaise aux juges et au ministre de la justice, sans auteurs, plus de culture !
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