Quota et parité, oui, mais...
L’idée de quota pour les femmes m’est pénible, non pas parce que je suis un homme, mais parce qu’elle est désobligeante envers les femmes ; cela sous-entend, pour beaucoup, que les femmes ne sont pas assez capables par elles-mêmes, donc aidons-les en leur donnant un quota que les hommes devront respecter. Ce n’est certes pas mon avis, mais alors, pourquoi cela devient-il gênant ?
D’abord, il n’a jamais été démontré que les femmes votaient pour les femmes. De plus, si les hommes, en majorité dans une assemblée démocratiquement élue, sont capables de vouloir donner une loi ou même de changer la constitution pour donner un quota de femmes, pourquoi alors, sans loi, n’agissent-ils pas concrètement pour montrer leur volonté en inscrivant d’eux-mêmes sur leurs listes des femmes, non pas parce qu’elles sont femmes mais pour leur compétence, au même titre que les hommes. S’ils sont capables de bousculer la constitution, pourquoi ne pas agir spontanément, plutôt que de faire voter une loi, si ce n’est pour faire semblant de montrer un intérêt auquel ils ne donneront pas suite ?
D’ailleurs, cela implique une discrimination ; qu’elle soit positive, j’en doute, car si on établit une séparation, on se porte en juge avec quelque supériorité pour dire à l’autre : « Mon pauvre tu n’y arrives pas de toi-même, alors nous sommes obligés de t’aider ». Je ne comprends pas que des féministes soient favorables au quota, car ainsi elles devraient leur poste au bon vouloir d’une loi votée par une majorité d’hommes. Il est à mon sens plus glorieux de combattre pour obtenir sa place, plutôt que de se la faire octroyer par une loi reconnaissant une différence, comme si la compétence personnelle était mise en doute. De plus, le quota est dangereux, car il ouvre une brèche dans laquelle beaucoup vont s’engouffrer. En effet, si on reconnaît la femme comme différente de l’homme, il conviendrait de définir exactement sur quelle différence on va se fonder... sur le physique bien sûr, car je ne vois pas d’autres différences, nos cerveaux étant identiques, la femme n’étant ni meilleure ni pire que l’homme.
Alors, que ce soit par loi ou par changement de la constitution, d’autres vont venir revendiquer leur différence. Ainsi, au même titre, aux USA, les noirs vont demander qu’on reconnaisse leur différence physique, puis viendront les Africains du Nord, ceux qui, dans notre pays, bien qu’étant Français, subissent parfois des discriminations dues à la couleur de leur peau. Nous auront aussi ceux d’origine asiatique, ceux de l’Inde et de Madagascar, etc., chacun pouvant revendiquer une différence physique réelle.
Pourquoi ne leur reconnaîtrions-nous pas aussi leur différence ? Car pour un pays aussi multi-ethnique, il apparaît que l’Assemblée est un peu pâle de peau. Alors commence à se poser le problème du pourcentage : les femmes, à peu près 50% de la population, ensuite il faudra déterminer le pourcentage de personnes à peau noire, à peau un peu moins noire, ceux d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ceux d’Asie, d’Inde, du Pakistan, chacun demandant à ce que l’on reconnaisse sa différence physique, puisque l’acceptation de l’autre serait dans la reconnaissance de sa différence.
Faisons un peu de fiction : prenons une représentation plus exacte de la population française, et rassemblons-la dans un immense amphithéâtre. Alors, j’aperçois tout d’un coup notre assemblée, un peu plus colorée, et si j’osais, je dirais même que notre Assemblée sera plus représentative lorsqu’elle ressemblera à ce qu’on trouve dans le métro, c’est-à-dire ce mélange des genres et des gens.
Mais, eh oui, je n’allais pas vous laisser avec ce problème aussi simple, il y a un mais, car il y aura bien quelqu’un qui demandera : « Je suis une femme de couleur noire, dois-je être comptabilisée dans le quota des femmes ou dans celui des personnes à couleur de peau noire ? » Silence dans l’Assemblée, on réfléchit on délibère, la personne qui a posé la question se tait, attend patiemment ; après délibération on lui répond que c’est la couleur de sa peau qui apparaît en premier. Mais la femme noire ne veut pas, elle est femme et veut qu’on la reconnaisse en tant que telle, car si dans la rue elle est vue d’abord comme « une noire » parmi les siens, dans sa famille elle est avant tout une femme.
Alors, délibération, certains indiquent qu’il faut appliquer le pourcentage de femmes dans la catégorie noire. Donc, reprise des calculs, et chaque groupe se retrouve divisé en deux : hommes et femmes. Enfin, tout est réglé ou presque, lorsque la même femme noire lève la main ; on lui donne à nouveau la parole. « Lorsque je voterai, mon vote sera pris en compte comme femme, ou comme personne noire ? » Peu importe, lui réplique le délégué de l’Etat, vous allez être affiliée à un parti... Silence dans la salle, on avait oublié qu’il y avait aussi des partis politiques... Mince, se dit le délégué, il faudra respecter au sein de chaque parti le nombre et pourcentage de chacune des catégories, sinon ce ne sera plus démocratique. On verra cela plus tard, se dit-il, pour l’instant, on détermine le pourcentage de chacune des catégories dans la population.
Soudain, dans la catégorie blanche, vous savez, ceux qui étaient toujours majoritaires et qui ne voulaient pas laisser de place aux femmes, plusieurs hommes lèvent la main, et un homme, plus bruyant que les autres, prend la parole (il n’attend pas qu’on lui donne l’autorisation de parler, c’est normal, il a pris de mauvaises habitudes puisqu’avant, lui et ses camarades régnaient en maîtres sur l’Assemblée) : « Nous faisons certes partie de la catégorie hommes et blancs, mais je revendique une sous-catégorie au sein de notre groupe, celle des barbus, car nous sommes nous aussi jugés sur notre physique, et avec tous les a priori que les gens ont sur les barbus ».
Le délégué de l’Etat se gratte la tête et fait appel à un collègue plus apte que lui aux calculs, afin qu’il fasse les schémas, au tableau, des ensembles et sous-ensembles, et les calculs pour chacun des groupes. Ainsi le débat est relancé sur les sous-groupes au sein des groupes. Un nouvel homme de la catégorie des blancs prend la parole (décidément, ils ont vraiment pris de mauvaises habitudes, on voit qu’ils étaient au pouvoir depuis des décennies) : « Voilà, je revendique le sous-groupe des homosexuels ». Murmures dans l’assemblée, mais tous sont d’accord, sauf une personne qui lève la main, une femme d’origine asiatique, qui demande s’il faut se déterminer,, car si l’on n’est pas homosexuel, on doit être marié, ou célibataire ? Consternation, questions, car effectivement, si certains se déterminent homosexuels, c’est qu’il y a d’autres catégories ; pour le choix des électeurs, il faudrait le savoir, ainsi donc est formé le sous-groupe mariés et le sous-groupe célibataires, mais ils sont facultatifs.
Puis, une femme blanche demande à ce que soient formés les sous-groupes couleurs de cheveux, car étant rousse, elle subit une discrimination, est victime de quolibets et d’histoires sur les rousses ; elle est aussitôt soutenue par sa voisine, qui est blonde, et qui veut aussi former le sous-groupe des blondes, car c’est insupportable de voir la discrimination dans les médias sur les blondes. Une femme noire demande à créer le groupe des femmes de plus de cent kilos, car la discrimination physique sur les grosses est insupportable, même dans les administrations on subi des pressions, alors il faut montrer que nous pouvons être une force électorale et représenter les femmes ayant une surcharge pondérale importante.
Ainsi, à force d’égalité de traitement, notre petite assemblée génère le fait que chacun, en créant son groupe distinctif et physique, s’éloigne de son voisin. Chaque groupe politique devra être représenté par des hommes et des femmes à 50% pour chacun, puis, à l’intérieur de chaque sous-groupe, des blancs, noirs, jaunes, rouges, multicolores bref toutes les ethnies, puis à l’intérieur de chacune des ethnies les mariés, célibataires, homosexuels, divorcés, libres.. et parmi ceux-ci les gros, maigres, anorexiques, et parmi ceux-ci les barbus, moustachus, imberbes, etc., et parmi eux les couleurs des cheveux... Bref, cela devient ingérable, et notre représentant de l’Etat a une idée : puisque qu’ils se veulent en démocratie, laissons-les se débrouiller pour quantifier les pourcentages de chacune des catégories et sous-catégories et sous-sous... catégories.
Il les laisse se démêler avec ce qu’ils viennent de créer, et revient quinze jours après, constatant que rien n’a avancé, car ils ne savent pas comment résoudre le problème suivant : à chaque élection, il faut déterminer à nouveau toutes les catégories, et surtout trouver des candidats pour chacune d’elles, car si une loi est votée et qu’une catégorie n’a pas été représentée, cela provoquera d’interminables débats pour une annulation. Si la solution n’est pas viable sur le terrain, il serait judicieux de l’appliquer sur papier, rien que pour voir ce que chaque ethnie, catégorie et sous-catégorie représenterait en pourcentage de la population, cela serait sûrement très instructif et casserait bien des clichés classiques sur la population française et sur celle d’origine étrangère.
Bien souvent l’on voit la droite s’opposer à la gauche et inversement, mais ici, avec chaque catégorie, chacun devra prendre des décisions plus affinées, en fonction de la catégorie de groupe, et l’on comprendra que plus les personnes auront un profil affiné, plus cela créera de moyens de conflits et d’opposition. Je n’aime pas parler spécialement de ma vie, mais je vais faire une exception : pendant ma scolarité, il y trente-cinq ans, je résidais à Rouen, et mon parcours scolaire, qui importe peu ici, m’a amené dans une classe particulière, en effet nous étions multi-ethniques ou multi-culturels, il y avait un Espagnol, une Portugaise, une Italienne, un Marocain, un Algérien, un Africain noir, un Kabyle (il se présentait comme cela et refusait d’être affilié à un pays), une Anglaise, notre classe étant composée de 15 élèves, cela fait déjà plus de 50% d’étrangers, ensuite il y avait un Breton, une fille de l’Est, une du Sud, deux Normandes et deux Normands, dont moi ,juif de surcroît, trois des élèves étaient musulmans, trois catholiques ferventes, deux croyants mais sans plus et deux indécis et quatre totalement opposés à toute religion.
Eh bien, dans cette classe, nous nous « engueulions », certes, mais jamais -et je peux vous l’affirmer- jamais, il n’y eut de phrase ou de quolibet malfaisant ou raciste entre nous, et si certains s’insultaient pour une raison ou une autre, comme cela peut-être le cas chez les adolescents, aucun n’aurait eu l’idée d’une visée raciste. Nous acceptions l’autre, un point c’est tout. D’ailleurs, que l’on soit juif, musulman, ou catholique, cela n’entrait jamais en ligne de compte, et celui qui était élu représentant de la classe, représentait la classe et non sa communauté, son pays d’origine ou sa religion, tout cela n’ayant rien à faire en ce lieu où nous étions.
Qu’est-ce qui fait que maintenant, chacun a du mal à accepter la différence de l’autre, alors qu’il cultive et revendique de plus en plus fort la sienne ? Il serait plus sage et plus intelligent que chaque catégorie se batte pour arriver à imposer ses représentants, par exemple, et ce n’est pas un mot d’ordre de grève que je lance mais une hypothèse de travail, plutôt que de vouloir une loi pour les femmes, et vu que les politiques mâles rechignent à accepter les femmes, si tout à coup ces femmes se rassemblaient au nom de leur particularité féminine et décidaient de faire grève, cela deviendrait catastrophique. Car si elles représentent 50% -plus ou moins- de la population, c’est, je pense, 80% des entreprises et de l’administration qui sont bloquées.
Alors, messieurs, si vous ne reconnaissez pas le rôle qualitatif de la femme, elle pourra vous le faire payer en vous montrant son rôle quantitatif dans la société, car ôtez toutes les femmes ayant des postes clés, des dirigeantes, des chefs de services, puis celles des standards et accueils, les infirmières, les avocates, juges et greffières, les femmes des secrétariats, guichets, et de tous ces postes sous-payés et offerts aux femmes - bien que du point de vue du sous-payé et des postes précaires, on arrive vers une égalité de sous-traitement - bref, toujours est-il que les femmes, si elles doivent se déterminer uniquement du point de vue de leur sexe, sont une force considérable. Alors, messieurs, arrêtez de ne pas voir plus loin que le bout de votre ... (nez, bulletin de vote, etc., chacun pouvant remplacer les "..." par le mot ou nom qui lui plaira).
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