Rama Yade soutient Gims : Les enjeux d’une réécriture de l’histoire selon la couleur de la peau
Rama Yade a pris la défense de Gims sur Twitter, moqué pour ses élucubrations à caractère historique, selon lesquelles les Égyptiens avaient découvert l’électricité (1). Si elle concède « qu’il n’y avait peut-être pas l’électricité sur les pyramides », elle y voit une bonne intention, celle de vouloir réparer une histoire où l’Africain n’aurait pas la place qui devrait lui revenir. Elle considère qu’à travers les moqueries qui ont suivi cette énormité, on a contesté l’idée d’un « leadership africain » qu’il aurait ainsi défendu, qui correspondrait à une réalité cachée, laissant planer l’idée d’un « racisme d’atmosphère ». Rappelons-nous qu’elle a, dans un entretien accordé en novembre 2021 à l’Express (2), dénoncé « un racisme structurel » de la France. Être solidaire de Gims, explique-t-elle, « Je le fais pour nos enfants, pour qu’ils n’aient pas à raser les murs et qu’ils marchent la tête haute ». Elle ajoute, « Tu as juste voulu corriger une injustice, réparer les Africains dans leur dignité d’hommes ». Il faudrait ainsi chercher ce qui revient à chacun selon sa couleur de peau dans l’histoire, pour trouver le sens à donner à la notion de dignité humaine ? Cela justifierait-il même d’inventer, si cela peut renforcer la fierté de la « race » ? La volonté de faire une Cléopâtre noire, dans le docu-fiction controversé diffusé sur Netflix, rejoint ces enjeux d’appropriation identitaire (3).
Rama Yade invite à investir « une vision panafricaine mettant en lumière la contribution des cultures et des civilisations africaines à l’humanité » avançant que, « l’une des époques les plus brillantes de l’humanité a commencé en Afrique ». Le « panafricanisme » est une idéologie née dans le contexte du colonialisme, qui vise à unir les Africains et les descendants d’Africains hors d’Afrique dans un même sentiment de fierté pour le passé et les valeurs africaines, invitant à une sorte de nationalisme racial.
Chacun selon sa couleur de peau ou une humanité fondée sur un même homme ?
Une lecture qui oppose les individus selon leurs couleurs, conçues comme des rapports à des histoires qui colleraient à chaque communauté en concurrence avec les autres… C’est bien d’ailleurs le sens de son soutien aux « déboulonneurs de statues » qui pour elle « ne font pas de la cancel cuture (une censure sélective de l’histoire et de la culture au nom de la lutte contre le racisme) au contraire, « ils ont réhabilité l’histoire, la totalité de l’histoire qu’ils connaissent bien, eux, au moins », parlant à ce propos de « mémoire sélective de certains de nos dirigeants » qui auraient « voulu (la) dissimuler ». Une histoire officielle à relents racistes s’emploierait ainsi à effacer un rôle majeur à attribuer à l’Afrique ? Il y a eu la Mésopotamie, Sumer et Babylone, l’Egypte, ces premières grandes civilisations, dont personne ne songe a priori à effacer leur place dans l’histoire. Pas plus, qu’à les prendre pour modèle des grandes découvertes scientifiques qui viendront bien après, dans une expérience humaine qui est celle du développement de l’Homme de civilisations en civilisations.
Rama Yade s’est faite depuis peu avocate du « wokisme » (2), qui consiste dans une défense inconditionnelle de « minorités » supposées opprimées en France, discriminées en raison d’une couleur de peau ou d’une religion, et d’un pseudo-héritage raciste du colonialisme, revendiquant un droit à la reconnaissance et à la réparation. Ce qui correspond parfaitement avec cette lecture qu’elle fait des déclarations fantaisistes de « l’historien » Gims.
N’est-ce pas du côté de ce schéma intellectuel qui sépare, qui oppose, par le retour de la race dans le débat public, qu’il faudrait reprendre le fil ? N’y a-t-il pas une seule histoire de l’humanité, et donc, un seul homme qui s’est historiquement construit ? N’est-ce pas cela qui ressort de l’évolution, passée par diverses expériences, étapes, par-delà les ruptures et les continuités, les contradictions parfois terribles finalement vaincues, dont l’abolition de l’esclavage, et pas qu’occidental qui n’en a été qu’un épisode, l’épreuve mondiale du nazisme, et encore l’effondrement du système colonial ? Ne faut-il pas regarder le point d’arrivée, celui de la conquête du principe universel des Droits de l’homme, de la citoyenneté, et de la libre disposition des peuples, comme modèle commun à l’humanité, pour se faire une idée de la nature de l’Homme ? N’est-ce pas cela à quoi il faudrait s’accrocher, comme première victoire de tous dans cette histoire en marche avec des buts encore à réaliser, sur lesquels pèse bien plus « la mondialisation » avec ses déséquilibres et ses inégalités, que des considérations de couleur de peau ?
Une vision des cultures au service de revendications raciales qui divise
On parle de reconnaissance de la « diversité culturelle » comme composante essentielle des droits humains, les cultures vues comme des espèces en voie de disparition, à valoriser et à protéger, et cela, jusqu’aux instances de l’ONU. L’assignation ad vitam aeternam à une culture ou une religion, serait-ce cela la liberté ? Certes, il y a des populations menacées, justement en raison d’être réduites à l’état de minorités souvent que l’on rejette, comme les kurdes. Mais, au nom du respect des « cultures », on en vient du coup à faire dans le relativisme culturel, mettant toutes les cultures sur le même plan comme si cela ressortait d’un enjeu de fierté, alors que certaines portent bien en elles des traditions contraires aux Droits de l’homme, telle l’inégalité entre les sexes. Cette vision des cultures, qui les considère comme immuables, élimine la possibilité d’évoluer, de se mélanger, et ainsi pour l’individu de disposer de son libre choix pour le faire. L'un des principaux acquis de l’Homme pourtant, souvent réprimé, qu’il faut d’abord protéger par des lois. On voit comment ce relativisme peut alimenter l’utilisation de la couleur de la peau identifiée à une communauté culturelle pour porter partout la querelle.
Toutes les cultures ne se valent pas selon tel ou tel domaine, car certaines au gré de leurs vicissitudes ont été plus loin que d’autres, comme concernant l’amélioration de la condition humaine, de l’émancipation, de la liberté, souvent grâce à des révolutions, par l’action des peuples eux-mêmes. Loin de renvoyer les hommes aux divers degrés de développement de leurs sociétés pour les hiérarchiser, cela renvoie à leur possibilité d’une convergence par la mise en commun du meilleur de l’évolution, car tous ont dans l’ordre de leurs facultés de se rejoindre sur le point désiré le plus haut, comme membres d’une même et unique espèce humaine. Ne serions-nous pas justement au moment où le grand dessein de l’Homme serait d’accomplir cette merveille ?
Qu’y a-t-il donc à espérer dans la promotion d’un nouvel antiracisme qui n’est plus celui de la lutte pour l’égalité, mais qui a retourné les différences sur lesquelles hier on discriminait en « fiertés », pour revendiquer le statut de minorité et des réparations ? D’où, certaines pratiques admises, comme faire payer les blancs à l’entrée d’un événement, telle le Pride BLACK AND BROWN QUEER TRANS CENTERED, PRIORITIZED, VALUED, EVENT (Noir et Brun Queer Trans Centré, Priorité, Valorisé) à Seattle (USA) en juin 2021, « jusqu’à 50 dollars en « réparation », pendant que cela est gratuit pour BLACK AND BROWN Trans and Queer COMMUNITY" (4). Un morcellement du peuple inespéré pour les tenants de l'ordre injuste actuel, la lutte des races tirant un trait sur la lutte des classes.
Un Homme maître de son destin à condition de ne faire qu’un
Cette vision qui justifie, par le biais de bonnes intentions supposées, un discours manipulant l’histoire au nom de telle ou telle couleur de peau s’identifiant à l’idée de « race », n’a rien d’un idéal humaniste, elle ne fait que reproduire ce qui a amené dans l’histoire certains de nos plus grands drames. Il y a encore bien du travail pour arriver à améliorer la situation de nombreux peuples en généralisant l’héritage de cette histoire. Qu’il y a-t-il de mieux que cet homme qui conçoit la succession des événements comme résultant de ses actes, agent de son destin, avec le politique comme levier, et pour finalité la réalisation du bonheur collectif ? Relevons donc ce défi, qui invite, en lieu et place de la confrontation selon la couleur, à un idéal de fraternité dont la réalisation dépend de l’idée que l’on se fait de la nature de l’Homme. N’est-ce pas la meilleure façon de réparer les mémoires que de se traiter en égaux, dans cette perspective de progrès par-delà les divers chemins des cultures et de l’histoire ? Sans aucun doute, à condition de faire, il est vrai, acte révolutionnaire.
4 - Seattle pride event to charge white people up to $50 in ‘reparations’, by Jackie Salo, New York Post, June 22, 2021. https://nypost.com/2021/06/22/white-people-to-be-charged-50-in-reparations-for-seattle-pride/
Guylain Chevrier
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