Réforme fiscale – électoralisme contre universalité : la taxe d’habitation

La taxe foncière (payée par les propriétaires) et la taxe d'habitation (payée les occupants) sont spécifiquement affectées au financement des collectivités locales, les 4 étages du mille-feuille administratif : communes, communautés, départements, régions. Une personne propriétaire de son propre logement paient ces deux taxes.
Des transfert de compétences entre l'état et les collectivités locales ont eu lieu sans transférer l'équivalent en terme de « dotation », ayant conduit à une très forte hausse de ces taxes, assises sur les caractéristiques de l'habitation et/ou du terrain (réf 1). Les barèmes sont très différents selon les communes, en fonction de leurs autres sources de financement (industrie, commerce .) et de la politique sociale et d’aménagement, cet impôt est de ce fait parfois qualifié d' « injuste ».
Actuellement, des exonérations ou réductions sont accordées aux ménages modestes, et en fonction de critères familiaux (réf 1bis)
Lors de la préparation de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron et son mouvement « En Marche » ont mis en place une sorte de bourse aux idées pour le programme, d'où résulte le caractère hétéroclite de la politique fiscale. Il s'agissait notamment de trouver des contreparties pour certaines catégories de population en regard des augmentations (CSG...) et pour sembler équilibrer les avantages accordées au plus riches (baisse des prélèvements sur les grosses fortunes et revenus financiers).
La facilité pour l'état, c'est de faire porter les réductions de budget sur les collectivités locales, donc la Taxe d'Habitation a été visée par une proposition électoraliste et improvisée d'en exempter 80% des contribuables (certains l'étaient du reste déjà auparavant). Cela sans aucune concertation avec les représentants des collectivités locales, ce qui ne s'était jamais vu, et en rayant le principe de « recettes affectées »puisque les réductions sont supposées être compensées par des dotations de l'état, dont absolument personne ne peut avoir l'illusion qu'elles seront suffisante ni pérenne. Il y a une forte opposition des élus locaux et du Sénat qui les représente, contre la mise en cause de cette recette directe. Présenter cela comme une contrepartie à la hausse de la CSG est un improbable mélange des genres (impôt local contre charge sociale).
Le projet « ni fait ni à faire » qui concentre un impôt, qualifié d'injuste par les promoteurs de la réforme, sur 20% des contribuables, pour financer les services apportés par les collectivités locales à l'ensemble des habitants, contrevient au principe d'"universalité de l’impôt" (réf 2 et 2bis). En effet, si des exemptions et réductions sont justifiées pour les ménages les plus modestes, exempter 4 ménages sur 5 n'a pas de sens, du reste le ministre de l'économie a déclaré (sur BFM TV) qu'il était partisan de la suppression totale de la taxe, mais elle n'est pas prévue au programme. Décorréler le financement par rapport à la dépense conduit à une déresponsabilisation : exigences de prestations sans participation à leur financement.(Réf 3)
Par ailleurs, pour ceux qui ont des revenus non déclarés (ce dont on ne parle jamais) la taxe d'habitation qui dépend notamment de la taille du logement peut constituer d'une certaine manière une taxe sur le train de vie réel.
Rappelons que l'un des problèmes de la fiscalité en France est la faible proportion de ménages effectivement assujettis aux impôts directs (45% des contribuables seulement paient l'Impôt sur le Revenu), la mesure en question aggraverait encore davantage la concentration des prélèvements sur un petit nombre (diplômés, indépendants, cadres retraités...) qui ne bénéficient pas des effets des réductions accordées au quelques pourcents les plus fortunés (suppression de l'ISF sur les capitaux financiers, impact maximum de la flat tax pour les revenus financiers...).
La diminution de recettes pour les collectivités locales serait partiellement compensée par des dotations de l'état donc par l'impôt direct ... que paient ces mêmes catégories. Comme cette compensation ne sera que partielle (les dotations de l'état diminuent dans le cadre de la réduction des déficits publics), la taxe d'habitation et la taxe foncière seront inéluctablement augmentées, ... encore une fois pour ces mêmes contribuables effectifs (*).
Cette atteinte à l'universalité et l'équité de l'impôt sera probablement retoquée par le Conseil Constitutionnel (Ref 4 et 4bis), qui, on s'en souvient, avait il y a quelques années rejeté la tranche de 75% de l'IR pour les plus riches pour des raisons d'équité (excès de prélèvement).
Il existe une solution équilibrée pour un financement réellement universel, du reste partiellement prévue pour les régions, à savoir affecter une part de TVA aux collectivités locales, en complément d'un prélèvement local de base avec un barème commun à l'ensemble du pays, sur des critères réactualisés. Les barèmes de la taxe foncière seront à revoir par ailleurs, mais ceci est une autre question.
(*) Notons entre parenthèses que souvent, en France, les mesures électoralistes consistent à séduire des électeurs d'autres courants d'opinion, à l'exclusion de ceux qui ont élu le gouvernement en place, ce qui est généralement sans effet sur les premiers mais dissuade les seconds de reconduire leur vote, d'où les alternances systématiques.
Réf 1 : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F42 (taxe d'habitation)
Réf 2 : « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » article 13
Réf 2bis : Cercle des Fiscalistes : « L'universalité de l'impôt » http://www.lecercledesfiscalistes.com/publication/luniversalite-de-limpot/454
Réf 3 : http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-taxe-d-habitation-une-reforme-en-question-748147.html
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