Risque de confusion nucléaire dans le réacteur médiatique
D’aucuns ont été tentés de comparer le tsunami de 2011 au Japon avec le tremblement de terre à Lisbonne en 1755. A cette époque de doutes sur Dieu et de montée en puissance du rationalisme, Voltaire se fendit de quelques bonnes feuilles sur cet événement qui confirma la méfiance des philosophes à l’égard des contes de fée savants déclinés en théodicée. Un Dieu bienveillant, mon œil, zavez vu ce qui s’est passé à Lisbonne ! On image cette réplique tenue dans un salon mondain où d’improbables aristos déguisés anachroniquement en Bouvard et Pécuchet s’empressent de divertir la marquise hôtesse de ce boudoir philosophique en plein règne de Louis XV. Et le tsunami de 2011 ? Eh bien on prend les mêmes et on recommence mais pas dans le même contexte. Cette fois, les analystes et les bavards de la politique occupent le salon médiatique où, sous l’autorité du journaliste animateur, se déroulent d’interminables suites de commentaires censés informer le spectateur derrière son écran. Que penser alors de ces accidents dans les centrales japonaises ? Un 11 septembre du nucléaire ? Oui sans doute pour un Noël Mamère emboîtant le pas d’un Hulot pour réclamer un grand débat sur le nucléaire. Cela étant, il faut être carrément bouché pour prendre conscience que le nucléaire n’est pas sans risque, comme d’ailleurs n’importe quelle activité, sauf que l’énergie nucléaire peut occasionner des dispersions d’éléments hautement toxiques pouvant se disperser, comme en 1986 avec Tchernobyl.
Ce lundi 14 mars, Eric Besson annonce sur les ondes d’Inter qu’une catastrophe nucléaire majeure n’est pas à exclure, alors que dans le même temps, le directeur de l’agence nucléaire japonaise exclut un scénario à la Tchernobyl. Mais le premier ministre japonais laisse planer la menace d’une grosse catastrophe, contredisant le porte-parole du gouvernement japonais affirmant que la possibilité d’une fuite importante est faible. Les informations circulent-elles correctement ? D’où viennent les fuites médiatiques ? Besson s’est dit informé par l’AIEA qui reçoit ses infos des autorités japonaises. Le réacteur numéro 2 a son cœur en fusion alors que des explosions ont été entendues dans le réacteur numéro 3. Enfin, on ne sait pas, une dépêche de l’Express actualisée à midi annonçant qu’une fusion du réacteur numéro 2 n’est pas à exclure et que le réacteur 1 a subi aussi une explosion. De l’eau de mer serait injectée dans le réacteur numéro 2 car le système de refroidissement qui fonctionnait ne fonctionne pas en fait. Maintenant, les cartouches du réacteur 2 sont à l’air libre mais selon les autorités japonaises du nucléaire, les incidents sont bénins bien que les ennuis du réacteur numéro 2 soient sérieux mais l’enceinte du réacteur numéro 3 semble intacte et le système de contrôle est opérationnel. La température de l’eau dans le réacteur numéro 1 est stabilisée et c’est une bonne nouvelle déclare l’envoyé spécial de la Deux au JT de midi. Alors que le matin, le réseau sortir du nucléaire annonçait des mesures alarmantes, tandis que dans le même temps les autorités russes en extrême orient indiquaient des mesures conformes à la norme. Ce qui ferait des nuages radioactifs de facétieux ectoplasmes qui une année, ne franchissent pas la frontière française, alors qu’il ne pénètrent pas dans le territoire russe en 2011. Greenpeace annonce l’apocalypse dans peu de temps. Alors qu’il avait réagi promptement à la mort de François Nourissier, Nicolas Sarkozy qui sait tout sur tout ne s’est pas encore exprimé sur le refroidissement du réacteur numéro 2, pas plus que Ségolène Royal qui s’était rapidement émue du décès d’Annie Girardot. Les gens veulent savoir si l’incident est de niveau 4 comme le disent les Japonais ou de niveau 6 comme le dit depuis son bureau le président de l’autorité de sûreté nucléaire. Les Japonais demandent de l’aide à l’AIEA titre une dépêche mais en la lisant, on s’aperçoit qu’ils ont juste demandé l’envoi d’experts et le citoyen demande l’envoi d’un traducteur pour comprendre ce qu’il en est de ce magma en confusion d’informations. Il faut lire entre les lignes dit le présentateur de France Inter dans le journal de 18 heures.
Nul ne sait si un réacteur est en fusion mais les réactions sont en confusion, c’est certain, les rédactions aussi, de France Inter à BFM, en passant par Le Figaro et la Deux. Quant à notre ministre Besson, on le sent rusé comme une fouine, déclarant une possibilité de catastrophe non pas pour informer les citoyens mais pour échapper à un éventuel piège tendu par le non moins rusé Yann Barthès du petit journal. Admettons en effet que Besson annonce une situation des centrales japonaise sous contrôle et que trois jours plus tard, l’incident devienne majeur, on l’imagine aisément en invité de Denisot, supportant l’affront de Barthès moquant ses déclarations d’il y a trois jours. On comprend alors la subtilité de la communication ministérielle. Mieux vaut annoncer un pire qui a une faible probabilité de se produire, qu’annoncer une situation probablement sous contrôle. Besson ne rassure pas les citoyens mais il s’assure contre une fronde en cas d’incident nucléaire, événement pouvant lui valoir d’être éjecté avec du goudron et des plumes une horde d’écolos. Et le risque d’être fustigé par Mamère qui déjà fustige les lobbys nucléaires et joue les fustagités dès qu’il y a un prétexte pour s’indigner.
La tactique de communication de Besson est assez intéressante, marquant une relative défiance à l’égard d’une industrie potentiellement dangereuse, rappelant en ce sens l’attitude du ministre Bertrand face aux laboratoires Servier, eux aussi doucement fustigés par le pouvoir en place. Quant au citoyen, il peut cette fois afficher une défiance face à la crédibilité des informations et autres commentaires émis par les préposés à la communication de crise. La multiplication des déclarations, analyses et points de vue, ne contribue pas à éclairer les débats. La réalité est complètement noyée dans un tsunami d’informations toutes plus contradictoires les unes que les autres. Nous savons une chose, c’est que nous ne savons pas qui il faut croire. Le mieux étant de fermer le poste et d’aller prochainement observer la grande marée de coefficient 118. Quelques embruns marins sauront mieux refroidir les esprits en confusion qu’un peu d’eau de mer un réacteur en fusion
Si l’on devait tracer un parallèle avec Lisbonne en 1755, ce serait ma foi la perte d’une croyance mais cette fois, non pas la bienveillance de Dieu à l’égard des affaires terrestres mais la confiance dans les déclarations médiatiques. Le monde est industrialisé et nous en dépendons. Il faut le gérer honnêtement et avec une clarté que ne permettent pas toutes ces images et commentaires intempestifs à une époque où les firmes cherchent le profit, le journaliste l’audimat et les politiques le pouvoir. Il n’y a pas lieu d’accorder plus de confiance aux écolos qu’aux directeurs de l’énergie nucléaire.
14/03/11, 19 h 45
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