Roland Dumas : « En Syrie la France a perdu la face »
Enfin une voix qui détone dans l'unanimisme de la pensée unique. Une voix orpheline et solitaire dans les médias assourdissants et expéditifs. Ne faisons toutefois pas la fine bouche, surtout que même après la victoire de la Syrie à Qousseir, rien n'est acquis pour elle. Espérons que d'autres trouveront le chemin de Damas, il y va de la sécurité d'un peuple et de son existence en paix.
C'est à l'occasion de la sortie de son livre "Dans l'œil du Minotaure - Le labyrinthe de mes vies" (Le Cherche Midi), accordant une interview au média Corsematin que Roland Dumas a eu l'occasion d'évoquer la Syrie et la politique française vis-à-vis d'un pays souverain.
A la question "Pourquoi l'action de Laurent Fabius au Quai d'Orsay ne vous convient-elle pas ?"
Roland Dumas a répondu "Je ne suis pas du tout pour cette orientation donnée à la politique étrangère au nom de la France. C'est une position marquée par le suivisme à l'égard des États-Unis et de l'État d'Israël. Une position de va-t-en-guerre qui ne sied pas d'ordinaire à la tradition politique de la France qui est plutôt une recherche de la paix et de la défense de la paix."
et la question concernant plus précisément la Syrie "Est-ce que la France agit comme il se doit face à la crise en Syrie ?"
Roland Dumas précise que "En Syrie, la France est très maladroite. Elle fait un faux calcul. Il faudrait d'abord tenir compte des positions respectives des États dans la région. On ne peut pas non plus écarter la Russie qui n'abandonnera jamais la Syrie où elle a des intérêts légitimes. On donne des armes aux rebelles, immédiatement les Russes envoient des armes au gouvernement légitime et envisagent d'envoyer des avions. On va tout droit à la guerre. Aujourd'hui, la France est malheureusement traitée par le mépris. Elle était au début sur une position très dure, affirmant qu'il n'y aurait pas de conférence tant que Assad serait au pouvoir. Assad est au pouvoir, il ne part pas, la conférence a lieu et la France a perdu la face"
Comment évoluera la politique étrangère de la France au vu des derniers changements ?
-L'émir du Qatar, le fer de lance des révolutions arabes et notamment dans le déferlement des djihadistes en Syrie, il vient d'être évincé au profit de son fils "Le prince héritier de Qatar, cheikh Hamad bin Khalifa al-Thani, a chassé hier du pouvoir son propre père, l'émir cheikh Khalifa bin Hamad al-Thani, alors que ce dernier se trouvait en visite privée à Genève (Suisse)." Le pouvoir est hériditaire dans l'émirat, et aussi les méthodes de passation du pouvoir.
-C'est la débandade chez les djihadistes étrangers en Syrie. La France et le Royaume uni ont fermé les yeux sur le terrorisme en Syrie, ils y ont même contribué. Et ils devront gérer des centaines de djihadistes de retour au bercail.
-Les Frères musulmans sont en perte de vitesse au profit des salafistes, que ce soit en Tunisie, en Egypte ou au Liban. Quel impact cette tendance aura sur les affaires internes françaises ? Personne n'aborde le sujet. Aurons-nous des revendications plus radicales que celles des frères musulmans aséptisés au goût des salafistes. Ces derniers leur reprochent leur afichage de l'adhésion au jeu démocratique, de prendre des chemins tortueux de la démoratie pour islamiser les sociétés ? Comment y répondre si des troubles sociaux s'ajoutent aux troubles économiques liés à la dégradation du tissu économique et les conséquences qui en découlent : la diminution du pouvoir d'achat des Français et l'augmentation du chômage ?
Voilà donc des questions et tant d'autres auxquelles il faudra répondre et y faire face.
http://www.corsematin.com/article/roland-dumas-en-syrie-la-france-a-perdu-la-face.1022059.html
https://www.youtube.com/watch?v=Nk40tTfwo94
https://www.youtube.com/watch?v=B9Tu1NHzd5g
https://www.youtube.com/watch?v=SCMNQ_P2S9o
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