S O S Agriculture
Dans nos pays civilisés, le nombre des agriculteurs est ridiculement bas. Les ploucs, les bouseux, les culs-terreux, les terriens, ont bien compris, dans les années soixante, que leur pauvre métier ne méritait aucune considération. Ils se sont saignés pour envoyer leurs enfants à l'école, tout contents, ceux-ci sont arrivés en ville en masse, et, au final, se sont logés dans des cages pas plus grandes que celles qu'avaient encore leurs poules.
L'enfer de Turin pour les italiens du sud, était un paradis, avec l'eau au robinet, la douche et les boutiques où ils n'achetaient rien mais qui les faisaient rêver.
Idem chez nous ; il était si fort l'appel du large de la ville ! Quelques années plus tard, on revenait à l'appel de la forêt. Mais ce n'était pas les mêmes. Le retour à la terre dans des régions désertées, ce sont les gosses de la ville qui le firent.
La dévalorisation des activités manuelles admise par une société toute entière signe sa fin. Probablement que tous ceux qui font de la « com' », des audits, des projets, des études (en bureau) se prennent pour des intellectuels supérieurs, mais comme c'est loin d'être le cas, on est tombé bien bas en bradant notre capital savoir-faire, ouvriers, artisans et paysans. Nous ne l'avons pas bradé, que dis-je, nous l'avons dédaigné, ignoré, oublié. Perdu. Il ne nous reste plus que des employés ! Ou des « créateurs » !
Voici ce que dit Philippe Desbrosses :
« Les jeunes néoruraux sont ceux qui sauveront l'agriculture ; ils revalorisent le bien collectif et l'échange. Le monde paysan a trop oublié la solidarité. Autrefois, les paysans qui amélioraient leurs plantes étaient heureux de partager. Aujourd'hui, tout le monde essaie de déposer des brevets sur les nouvelles semences à l'Institut national de la propriété industrielle. La mutualisation des installations est une autre piste à explorer, ne serait-ce que pour prendre des vacances et des week-ends. C'est très important pour que le nombre de paysans puisse augmenter rapidement. Malheureusement, pour un changement rapide de modèle, je ne vois qu'une crise brutale de l'approvisionnement alimentaire. »
Voici le texte vain que j'ai fait passer à mon groupe politique :
« S’il n’y avait qu’un seul combat à mener, ce serait celui de l’agriculture ; à lui seul, il résume la barbarie, la pollution, l’insanité, l’esclavagisme, l’exploitation, l’indignité humaine.
_ L’agriculture est assujettie aux grands groupes agroalimentaires et chimiques qui symbolisent à eux seuls l’infamie des temps modernes.
_ L’agriculture représente la part la plus importante de la pollution
_ Elle représente l’exploitation nord-sud
_ Elle est responsable de la « mal-bouf » et du déficit de la Sécurité sociale
_ Elle représente l’esclavagisme, des agriculteurs, des employés (émigration, exploitation, mondialisation, etc.) des abattoirs, des élevages, des exploitations…
_ Elle représente la laideur de nos paysages
_ Elle représente, surtout, l’indignité de l’homme face aux êtres vivants qui ont autant le droit que lui d’être, et d’être heureux sur cette planète
RIEN D’AUTRE N’EST COMPARABLE A SON IMPORTANCE .
Engageons-nous ; ENGAGEONS-NOUS .
1 A supprimer d’ici cinq ans toute exploitation hors-sol, tout élevage en batterie ; multiplions le nombre d’élevages par cent et diminuons le nombre de bêtes par deux.
2 Donc, engageons-nous, individuellement, à diminuer notre consommation de viande par au moins deux.
3. Les produits de ces élevages, répartis sur tout le territoire français, seront vendus localement.
4. L’Allemagne nous dépasse en productivité ? Laissons-la faire ; elle le fait par des moyens encore plus indignes que les nôtres, si cela est possible ; le peuple allemand ne sera pas plus longtemps que nous dupes de ce mirage et , lui aussi, voudra revenir à des normes moins barbares (barbares pour les animaux, bien sûr, mais barbares pour les hommes, pour le sol, pour l’eau pour l’air…)
5. Dispensons-nous de manière urgente de tous ces hectares de monoculture ; construisons des haies et pratiquons l’agroforesterie (haie de peupliers ou d’eucalyptus en milieu de parcelles de quatre hectares au plus).
6. Comme les directives de la PAC ne dépendent pas que de nous, gageons que nous pourrons garder les aides aux agriculteurs et que pour compenser le surplus de travail, nous organisions un contingent de main- d’œuvre gratuite : stagiaires des lycées agricoles et des étudiants en agronomie, posons ce travail comme prioritaire dans le travail obligatoire des jeunes délinquants et organisons un service civil (obligatoire ou basé sur le volontariat, tout cela dans le premier temps de la mise en place d'un nouveau système).
7. Imposons l’enseignement des principes de l’agriculture biologique et respectueuse de l’environnement dans les lycées agricoles et dans les écoles d’agronomie. Et supprimons l'autre enseignement qui ne consiste qu'à donner les doses idéales de toxiques à mettre dans le sol.
8. les éleveurs (de porcs, de poulets surtout mais aussi de vaches, canards, etc.) seront en pluriactivité ; on encouragera la culture du lin, de la cameline, du tournesol, et l'élevage extensif.
9. Les oléagineux plantés actuellement ne sont pas mellifères : revenons à des espèces mellifères et encourageons la collaboration entre agriculteurs, apiculteurs et éleveurs ; au niveau local en priorité. (le colza mellifère est une plante si attractive à une époque optimum, début du printemps, pour favoriser la multiplication des ruches ; le miel de colza étant peu intéressant au niveau gustatif, il serait dans un emploi optimum pour l’essaimage). Envisageons même une transformation en sucre pour utiliser les excédents.
9. Enfin, et surtout : interdisons toute culture pour les agro-carburants.
Ainsi, nous espérons rendre leur dignité et leur indépendance aux paysans. ( être propriétaire de ses semences !)
Nous voulons rendre la vie aux sols, la pureté à l’eau.
Nous espérons créer des emplois et susciter des vocations.
Nous espérons impliquer tout le monde, tout ce monde concerné par ce (parce) qu'il mange.
Nous voulons couper l’herbe sous les pieds des multinationales.
Nous voulons couper l’herbe sous les pieds des magnats de la grande distribution, puisque nous n’en sommes pas encore à devoir couper des têtes.
Pour ce faire, il nous faudrait mettre en place une commission ; se faire aider par les compétences de la Confédération paysanne et certaines têtes pensantes (Bourguignon, et d’autres).
Être formés par eux pour pouvoir ensuite faire un travail de fourmi dans chaque commune ou communauté de communes.
En outre, à un niveau plus électoraliste, ne pas hésiter à mettre en avant ce programme qui ne manquera pas de nous donner les voix de centaines de milliers de personnes dont la lutte première concerne les animaux ; ces gens sont apolitiques, donc vus de droite, mais je gage qu’il y a une énorme majorité d’entre eux qui ne votent pas ! Prenons aux abstentionnistes, au moins ces voix-là !!
Nous importons quarante pour cent de nos huiles alimentaires (alors que nous pourrions être excédentaires) et nous ne produisons que dix pour cent de notre consommation bio !
Cherchez l’erreur !
Il y a du travail dans les huileries à créer, dans les minoteries… rien que dans le Languedoc-Roussillon, nous pourrions être excédentaires en huile de pépin de raisins, olive, colza et tournesol, lin et cameline !!!
Indépendamment de résultats électoraux, évidemment, engageons-nous dans ce travail de transformation profonde, essentielle et urgente.
Il y a évidemment beaucoup d’autres sujets à explorer en ce qui concerne l’agriculture, et que je n’ai pas soulevés ici, dans cette synthèse extrêmement sommaire. Néanmoins, le problème du foncier devra être explorer à fond : la montée des petits seigneurs locaux (souvent étrangers aux lieux), donc le retour de la féodalité devra être examinée avec soin.
Tant que nous attendrons la bonne volonté des politiques et la manne généreuse des fonctionnaires européens, rien de tangible ne se fera ! Les subventions vont encore en masse aux exploitants de porcs bretons, à moins que ce ne soient les exploitants qui soient bretons !!! L'argent va presque exclusivement aux pollueurs.
Mais il n'y a aucune interdiction à travailler autrement ! Aucune. »
…
J'ai envie de détailler une idée, qui n'est pour moi qu'une idée de bon sens...
Il y a des tas de terres récupérables en France pour des projets coopératifs ; certes il s'en trouvera plus en Marne, ou Haute-Marne, Corrèze, Creuse ou Cantal, Haute-Loire , etc, qu'en Languedoc-Roussillon, Poitou-Charente,etc. Quoique les pays désertés se remuent pour créer des aides et des offres vers la culture et l'élevage bio, on pourrait imaginer un mouvement, incité par la nécessité, autonome, qui ne demande rien aux politiques.
Une coopérative pourrait se créer sur fonds levés chez les futurs consommateurs ; citadins, ruraux, nantis aux accents écolos, avec une mise de cent euros minimum sans volonté de spéculation. Le projet pourrait être mené à petite, moyenne ou grande échelle, « petite » me semblant être le plus naturel pour un début ! Cinq ans pour passer d'une terre de culture intensive ( qu'on a le culot d'appeler « traditionnelle sans jamais nous dire de quand date cette « tradition » !!) à une culture bio, mais en refusant de la labelliser ; puisqu'il est question dans ce projet de bouder les clivages et autres couillonnades (labels) imposés ! Et surtout d'éradiquer la culture intensive.
Les fonds locaux ou régionaux des volontaires devront suffire à l'acquisition ou à la location de terres ; aucun agriculteur en installation, dans le cadre de cette coop ne dédaignera les aides mais en prenant soin de refuser celles qui le lieraient pieds et poings ! À l'acquisition de matériel ( il faut savoir aujourd'hui que les aides aux jeunes agriculteurs ne « s'offrent » que s'il y a acquisition de matériel neuf !!!) ; là au contraire, débrouille, occasion, prêt ou location seront les bienvenus pour débuter : faire « à l'économie » comme seuls savent le faire les vrais paysans. La main d' oeuvre sera cherchée auprès de volontaires aux projets avec toute latitude de statuts, d'heures données, de salariés partie prenante ( avec risques et périls) du projet. Bien entendu, les cultures ne seront pas que des cultures maraîchères mais aussi céréales, légumineuses, oléagineux et fourrages.
Dans une région donnée, les coopératives s'organiseront pour créer- ou récupérer- les minoteries, les moulins à huiles, les silos de stockages,etc.
Les coopératives communiqueront entre elles, de près en loin, pour une efficacité maximum : d'abord répondre aux besoins locaux et en premier lieu aux besoins des coopérateurs, puis échanges et ventes à l'extérieur.
Les départements désertés auront bien évidemment un potentiel de logements, en location ou vente à des prix abordables où trouveront à vivre tous les acteurs de ces projets.
Cela existe déjà, bien sûr, à toute toute petite échelle : il faudrait juste un petit choc pour que la mayonnaise prenne ! Un projet est toujours porté par un rigolo qui veut réaliser son rêve et c'est fou comme, quand l'idée est bonne, elle peut faire boule de neige !
Il y aura bien dans les prochaines années, des gens assez conscients de la déliquescence de notre société pour avoir envie de sortir de la passivité mortifère, de l'entreprise capitaliste qui bien que libérale n'en compte pas moins sur les aides de l'État ou de l'Europe ( or tout va changer ! On n'en parle pas, mais la PAC se renégocie cette année !).
« Terre de liens » fonctionne un peu sur ce principe – pour une part de cent euros, vous êtes propriétaire ( fictif en fait, bien que vous puissiez récupérer votre argent)- de quelques mètres carrés de terre agricole sauvée de la culture merdique ( traditionnelle me blesse la bouche et les oreilles !) et prêtée à des agriculteurs, sans terre ni sous, au départ. Mais Terre de Liens fonctionne encore trop, à mon avis extrême- sur le respect des données libérales, bancaires...
Je rêve de régions réhabilitées, habitées de nouveau par des jeunes ou de moins jeunes pleins de projets et d'idéal de partage et de liens, comme nous le fîmes au début des années soixante dix pour repeupler les Cévennes, la Haute-Provence, le Minervois, les Corbières, les P O,etc...
Ces villages moches de mort redeviendraient beaux de vie !
On peut noter, avec tristesse ou colère, que dans les programmes politiques, l'Agriculture est abordée timidement ou carrément oubliée !
La bibliographie sur ce sujet est énorme, je n'en citerai que quelques-uns :
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le petit texte de Philippe Desbrosses est extrait du Hors-Série de Politis de novembre/décembre 2012 : « Économie verte : La Nature à vendre ».
-
De Laurent Levard aux éditions Bruno Leprince : « Pour une nouvelle révolution agricole »
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De Fabrice Nicolino aux éditions Pluriel : « Biocarburants, La Fausse Solution »
-
Du même aux éditions Babel d'Actes Sud : « Bidoche, L'industrie de la viande menace le monde »
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….......................
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