S. Royal, la communication vers le bas
Il est indéniable que S. Royal a de l’intuition pour la communication. En tout cas, la première période de sa campagne électorale, celle qui devait la voir désignée par le PS, l’a montré. Mais depuis décembre 2006, on dirait que quelque chose s’est cassé. Au-delà de ses « bourdes » désormais célèbres, on peut envisager également d’autres explications.
Arnaud Montebourg en tête, les socialistes commencent à tacler la presse et les journalistes. Comme s’il y avait un « acharnement » ou un complot anti-Royal. Certes, les patrons de deux grands groupes de presse, Bouygues et Lagardère, sont des amis de Sarkozy. Certes, les directeurs de l’audiovisuel public, nommés par le CSA, ont des sensibilités de droite. Mais nul ne peut ignorer que durant tout le dernier semestre 2006, Ségolène Royal a bénéficié d’une couverture presse, droite et gauche compris, exceptionnelle, avec de nombreuses couvertures dans la presse magazine et de nombreuses interviews à la télévision ou radio, alors que ses challengers en étaient réduits à un rôle de figurant. Qu’on se souvienne, par exemple, de la couverture du Journal du dimanche (groupe Lagardère) du 12 novembre, précédant le vote du PS. On y voit la photo de S. Royal occupant une bonne moitié de l’espace photographique, alors que DSK et Fabius sont en médaillon ! C’est peu dire que François Mitterrand avait partie autrement plus difficile à gagner en 1981, alors que toutes les chaînes de télévision étaient pieds et mains liés avec le gouvernement.
« Bonne cliente »
L’an dernier, Ségolène Royal faisait figure de « bonne cliente », comme on dit dans notre métier : spontanée, nouvelle, jolie, directe, bousculant le jeu des « éléphants » du PS... Mais après son investiture, le miracle s’est rompu. Peut-être faut-il faire remonter la genèse de ce malaise entre Ségolène Royal et la presse à septembre 2006. Alors qu’elle était en déplacement au Sénégal, elle a rudoyé un journaliste comme une cheftaine d’école : « le respect ! ». Le film de cet épisode s’est progressivement répandu à la télévision, dans plusieurs émissions et surtout, dans toute la profession. Elle oubliait que s’il existe une profession où l’on est habitué à se contredire, à se couper la parole, à s’échanger les arguments d’une manière vive, c’est bien (en dehors des politiques !) celle de journaliste. Du coup, la seconde face de « la dame aux deux visages », ainsi que l’ont décrite deux journalistes, occupait soudainement tout l’écran. Il est pour le moins curieux que les journalistes parisiens, notamment ceux de gauche comme ceux du Nouvel Obs ou de Libération, n’aient pas enquêté davantage sur S. Royal avant la primaire du PS. Il suffisait de venir passer un ou deux jours à Poitiers, de rencontrer ses collaborateurs et les élus proches d’elle, voire de lire deux ou trois ouvrages parus sur la présidente de Poitou-Charentes, pour tout savoir de son autoritarisme comme de son manque de conviction profonde. Aujourd’hui : renversement complet de tendance. Il suffit d’aller sur un blog comme celui de Claude Askolovitch, du Nouvel Observateur, pour s’apercevoir de l’ampleur de la déception... Désormais, l’engouement médiatique pour S. Royal semble se retourner contre elle, comme si à trop vouloir s’approcher des médias, elle s’était brûlé les ailes.
100 propositions et moi, et moi...
Une deuxième erreur commise par Ségolène Royal fut son discours de Villepinte. Le lendemain, toute la presse, même celle de droite, expliquait que l’examen avait été réussi. Avec ses « 100 propositions » pour un « pacte - quel affreux terme ! - présidentiel », Ségolène Royal voulait imiter notamment l’un de ses plus fameux mentors, François Mitterrand qui, en son temps, avait avancé 110 propositions. Mais ce faisant, la candidate socialiste a oublié l’essentiel. La première arme de la communication, c’est ce qu’on appelle un « axe » : il s’agit d’une ou de deux idées qui « positionnent » un candidat vis-à-vis des autres. C’est ce qui « marque », au sens propre comme au sens figuré, une personnalité. Tout étudiant en marketing ou en communication apprend ce principe essentiel.
Avant de formuler ses 110 propositions, Mitterrand avait choisi un axe fort, qu’il martelait sans cesse avec deux idées ! Giscard est le candidat « sortant » qui a fait augmenter le chômage, avec moi le chômage baissera... Les 110 propositions ne sont venues que bien après, pendant la campagne officielle. Ironie de l’histoire : parmi ces 110 propositions, une bonne partie, 90 % a-t-on dit, furent réalisées sauf... celles qui se rapportaient à une baisse des chômeurs ! De la même manière, J. Chirac avait choisi l’axe de la fracture sociale en 1995 et celui de la sécurité en 2002.
Mais Ségolène Royal ? Si ce n’est le fait qu’il s’agit d’une femme, qu’elle soutient une forme de démocratie participative, quel grand axe retenir ? Est-elle socio-démocrate à l’image d’un DSK ? Socio-écologiste ? La candidate du service public ? Nul ne le sait. Et Sarkozy ? Il n’a pas véritablement défini d’axe de communication pour la simple raison qu’il n’en avait pas besoin : tout le monde sait, malgré son bilan plus que mitigé, que c’est le candidat qui veut lutter contre l’insécurité ainsi que baisser les impôts. Les principales idées de Sarkozy sont déjà dans toutes les têtes avant même qu’il les ait énoncées, poste ministériel aidant.
A l’heure où j’écris cet article, j’ignore encore tout de la prestation de S. Royal sur TF1. A deux mois des élections, rien n’est sans doute encore irrémédiablement perdu. N. Sarkozy n’est pas à l’abri d’une erreur. Mais la tendance des sondages est plus qu’inquiétante. Finalement, celui qui risque de tirer les marrons du feu, c’est bien évidemment François Bayrou. Si S. Royal continue sa baisse dans les sondages, il ne peut que monter, voire être au second tour. En désignant la présidente de la région Poitou-Charentes comme candidate plutôt que DSK, qui avait déjà axé son programme sur la social-démocratie, les socialistes ont offert à François Bayrou un joli boulevard.
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