Sexualité, droit et démocratie
La loi Taubira et les débats qu'elle a provoqués auront au moins eu le mérite d’ouvrir les yeux de tous ceux qui, comme moi, considéraient que tout devait être mis en œuvre pour que le droit inaliénable de chacun à mener la vie sexuelle qu’il souhaite soit garanti, mais n’avaient pas une exacte conscience des véritables enjeux qui se cachaient derrière le Pacs et la reconnaissance publique du statut des partenaires homosexuels. Avec tous ceux qui s'opposent à l'affichage public d'une orientation sexuelle de nature privée, je revendique le droit d'être contre ce véritable changement de civilisation à l’œuvre depuis l’adoption du Pacs, sans faire l’objet des insultes et autres accusations injustifiées d’homophobie, d’ostracisme ou de passéisme dont tous les zélateurs de la pensée dominante nous abreuvent à longueur de tribunes et de commentaires sans répondre à aucun de nos arguments.
La sexualité, au sens biologique ou plus précisément physiologique du terme, est un ensemble de mécanismes ou de comportements ayant pour objet le rapprochement et l’union des sexes, pour moyens le désir ou le plaisir (et , chez l’être humain, le sentiment amoureux), et pour finalité la reproduction de l’espèce. En toute rigueur donc, lorsqu’elle est pratiquée par deux individus de même sexe, elle est une confusion des sens qui, prenant ses moyens pour une fin, la détourne de sa vocation biologique à perpétuer l’espèce, avec pour seule finalité la satisfaction d’un désir réciproque accompagné chez l’être humain d’un échange psycho-affectif qui fonde la relation amoureuse.
Sur le plan théorique ou conceptuel de la seule biologie, l’homosexualité est donc un dévoiement de la notion de sexualité, qui est détournée de sa vocation à assurer la reproduction de l’espèce, par confusion de ses moyens (amour, désir, plaisir) avec sa finalité. D’un point de vue purement rationnel, en dehors de toute considération à caractère moralisateur (physiologiquement parlant, l’homosexualité n’est ni bien ni mal, c’est juste une confusion des sens), le recours à la notion de sexualité pour désigner l’union de deux sexes identiques est seulement une confusion sur le sens de ce concept biologique essentiel pour la perpétuation des espèces, qui oublie sa finalité procréatrice. Stricto sensu, l’homosexualité est un détournement de la sexualité (et, chez l’être humain, de la relation amoureuse qui l’accompagne) de sa fonction biologique première consacrée au rapprochement des sexes et à la perpétuation de l’espèce.
Sur le plan humain en revanche, l’amour homosexuel est une liberté individuelle relevant de la vie privée et de l’intimité de chacun. Cette liberté imprescriptible doit être respectée sans aucune restriction autre que l’indispensable respect de celle du partenaire, ainsi que le respect absolu du caractère intime et privé des relations sexuelles. L’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît en effet des limitations à l'exercice des droits et à la jouissance des libertés de chacun, que la loi doit établir « exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique ». On peut toujours discuter de ce que recouvre exactement l'expression « justes exigences de la morale », mais la relation homosexuelle qui confond les moyens de la sexualité (amour, désir, plaisir) avec sa finalité première (procréation), ne satisfait indiscutablement pas aux exigences de la morale telles qu’elles sont notamment enseignées dans la plupart des grandes religions. Or, chacun en démocratie doit être libre de considérer (liberté de conscience) que la relation homosexuelle dont la finalité ne peut être procréatrice est contraire à de justes exigences de la morale. Cela impose à la relation homosexuelle une discrétion d’ensemble, à laquelle la relation hétérosexuelle n’est tenue que dans la manifestation de ses moyens car la dimension sociale de sa finalité justifie qu’elle puisse être rendue publique pour organiser et soutenir le renouvellement des générations.
Sur le plan social enfin, la relation amoureuse entre deux partenaires de même sexe est donc tenue, en raison de la nature même de sa finalité exclusivement sentimentale et sexuelle, à une certaine discrétion afin de préserver l’intimité inhérente à toute relation sexuelle. Si la République n’a pas vocation à s’occuper de valeurs morales, elle doit néanmoins se préoccuper d’établir par la loi, comme l’y invite la Déclaration universelle des droits de l’homme, « les limitations à l'exercice des droits et à la jouissance des libertés auxquels chacun doit être soumis en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale ». Les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR), qui ont valeur constitutionnelle, imposent de respecter la liberté de conscience de chacun et donc en particulier de tous ceux qui pensent que l’affichage public des pratiques amoureuses relevant de l’intimité de chacun ne satisfait pas aux justes exigences de la morale, et même tout simplement de ceux qui mettent la finalité biologique première de la sexualité parmi les justes exigences de la morale. Si elle doit impérativement respecter la sexualité de tous ses citoyens qui relève de la vie privée de chacun, la République, bien que résolument laïque, ne peut en aucun cas imposer à tous l’affichage public d’une sexualité ne satisfaisant pas aux exigences d’une morale enseignée par toutes les grandes religions représentées au sein de la société dont elle est censée être le ciment.
En particulier, aucune loi, dans l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'homme et le respect des principes à valeur constitutionnelle, ne peut institutionnaliser l’affichage public d’une relation amoureuse dont la finalité ne peut être que sexuelle. Sauf à reconnaître la vocation à fonder une famille de la relation homosexuelle, ce qui ne se peut que de manière artificielle (adoption ou procréation médicalement assistée), toute loi officialisant l'affichage public d'une telle relation ne peut donc être que contraire aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ayant valeur constitutionnelle. Ce n'est donc pas la loi Taubira qui aurait pu ou dû être invalidée par le Conseil constitutionnel, mais bien avant elle, la loi instaurant le Pacs, qui avait pour but de prendre en compte une partie des revendications des partenaires homosexuels aspirant à une reconnaissance publique de leur statut. Dans la mesure où les partenaires homosexuels n’avaient pas vocation à procréer et donc à fonder une famille, de simples contrats à caractère strictement privé auraient dû suffire à organiser leurs vies communes selon des modalités aussi variées, que la diversité des situations et des motivations qui amènent à décider de vivre en commun peut être vaste.
La loi Taubira qui a donné aux homosexuels un accès de principe à l’adoption en leur ouvrant le mariage est d’une certaine manière plus claire : elle reconnaît à la relation homosexuelle une vocation, certes artificielle mais néanmoins bien réelle, à fonder une famille. Compte tenu toutefois des difficultés inhérentes à l’adoption et du faible taux de satisfaction des demandes de candidats à l'adoption, cette vocation restera toujours dans ces conditions bien abstraite. Pour qu’elle puisse se traduire pleinement et concrètement dans les faits, il faudra très vite ouvrir aux homosexuels (hommes comme femmes) la procréation médicalement assistée.
Au-delà du fait que l’affichage public d’une relation amoureuse n’ayant pas vocation naturelle à favoriser le renouvellement des générations - qui conduit de facto à sortir une pratique amoureuse de la stricte intimité à laquelle devraient être tenues toutes les pratiques sexuelles - ne satisfait pas aux justes exigences de la morale la plus élémentaire, le Pacs a ainsi enclenché une machine infernale qui de mariage en PMA aboutira inéluctablement à l’instauration de la gestation pour autrui. Les mensonges qui ont émaillé ce processus infernal, ceux d’Élisabeth Guigou en 1998 devant la représentation nationale (« il n'est pas question, ni aujourd'hui ni demain, que deux personnes physiques du même sexe, quel que soit leur sexe, puissent se marier… Je soutiens, comme de nombreux psychanalystes et psychiatres, qu'un enfant a besoin pour sa structuration psychique, sociale et relationnelle d'avoir face à lui pendant sa croissance un modèle de l'altérité sexuelle, un référent homme et un référent femme »), comme tous ceux des défenseurs de la loi Taubira qui refusent d’avouer l’issue inéluctable du mécanisme implacable qu’ils soutiennent, sont une insulte à la démocratie.
Le seul moyen d’enrayer le processus implacable et liberticide en cours, qui nous conduit tout droit au meilleur des mondes imaginé par Aldous Huxley, c’est de ne pas reconduire les politiciens qui l’ont enclenché, prolongé ou laissé passer, et les remplacer par de véritables hommes d’État suffisamment clairvoyants et courageux pour défaire ce Pacs dont l’inconstitutionnalité est à l’origine d’un déni de démocratie sans précédent qui nous enferme dans cette machine infernale impossible à stopper démocratiquement autrement qu’en s’attaquant à sa source. Compte-tenu du paysage politique actuel dans notre pays, j’ai bien peur malheureusement que ce moyen soit tout-à-fait hors de notre portée.
Ce constat bien pessimiste, mais malheureusement je le crois, plutôt réaliste, contredit en partie mes réflexions précédentes qui considéraient le Pacs comme un fait acquis et irréversible et tentaient, malgré tout et bien inutilement comme l’histoire nous l’a montré, de m'opposer à ceux qui voyaient dans le mariage pour tous une avancée en termes d’égalité et de liberté. J'étais probablement victime de cette propagande que je dénonçais pourtant dans un article précédent sur la dictature de la pensée dominante. Ce véritable terrorisme intellectuel m'empêchait sans doute inconsciemment de penser l'homosexualité dans tous ses aspects tant biologiques qu'humains, jusqu'à en tirer les conclusions qui s'imposent sur le plan social, sans craindre les accusations d'homophobie qu'une remise en cause du Pacs ne pouvaient manquer de faire redoubler (crainte de me brouiller durablement avec certains de mes proches, de mes amis ou de mes relations, qu'ils soient homosexuels ou non ?).
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