Taiwan : les armes de l’indépendance
Pendant que se préparent les futurs Jeux Olympiques de Pékin en 2008, qui vont attirer naturellement une forte attention médiatique sur la Chine, ses voisins et l’Asie, les autorités taiwanaises préparent activement une « déclaration d’indépendance » à la manière américaine, cette indépendance initiée par George Washington par rapport aux frères anglais des colons des 13 premiers Etats-Unis d’Amérique...
Une « indépendance » comparable à celle des Etats-Unis d’Amérique face à l’Angleterre
La situation géostratégique et géopolitique en Asie connaîtra certainement en 2008 des modifications qu’il peut être intéressant d’anticiper, eu égard aux conséquences diverses que ces changements pourraient avoir sur le plan des relations internationales.
Ces évolutions sont déjà engagées et, partant de ce constat, il peut sembler nécessaire d’en comprendre les causes, d’en analyser les processus et de définir les options possibles pour le futur.
Un des facteurs politiques-clés, sis juste aux portes de la Chine, et qui sera bientôt éclairée par les projecteurs médiatiques, est la volonté d’indépendance politique absolue de Taiwan.
Taiwan est pour l’heure un Etat de facto existant comme tel, mais sans reconnaissance juridique par l’ONU, ni les principaux Etats du monde, attachés du fait de « leurs relations » avec le pouvoir chinois, à la conception actuelle de la dictature de Pékin selon laquelle Taiwan est une part de la Chine, qui, à terme, devrait revenir à ce pays.
Aujourd’hui, il est clair, et tous les sondages d’opinion publique à Taiwan le montrent avec force, que les habitants de Taiwan se sentent d’abord « Taiwanais », c’est-à-dire qu’ils s’autodéfinissent comme une nation, de culture chinoise et de langue mandarine, mais avec des valeurs et des aspirations différentes de celles qui prédominent en Chine.
C’est la raison pour laquelle, si l’on veut prendre une référence historique, un exemple analogue à ce qui se passe sous nos yeux, on peut comparer la volonté d’indépendance du peuple de Taiwan à celle des colons anglophones des Etats-Unis d’Amérique, volonté que George Washington a fédérée en une force politique et militaire.
C’est ainsi que le premier président des Etats-Unis d’Amérique a pu donner naissance à la nation américaine, contre la métropole et grande puissance de l’époque, l’Angleterre, de même culture et langue que les « rebelles » ou « patriotes » de la guerre d’indépendance américaine.
Une indépendance largement discutée et débattue
A l’évidence, le processus en cours à Taiwan vers l’indépendance du pays, ce qui se traduira par une claire insistance, ancrée dans la constitution à rédiger, sur le fait que le pays n’est pas une partie de la Chine et que celle-ci n’a aucun droit à faire valoir sur l’île et ses habitants, pose de multiples problèmes à beaucoup de capitales étrangères.
Son orientation politique actuelle génère, c’est le moins que l’on puisse dire, un embarras certain dans les pays de la région, y compris au Japon, mais surtout chez l’allié de toujours, les Etats-Unis.
Il n’est pas inintéressant d’observer que la marche de Taiwan vers l’indépendance officielle, mettant fin à l’actuel statut juridique et politique imprécis du pays, est très diversement appréciée tant au sein de l’administration Bush que dans les rangs du parti démocrate. D’autant qu’elle pose manifestement des risques de tensions militaires, voire même de confrontation violente, même si la Chine n’a aucun intérêt à briser son expansion économique actuelle par une guerre qui pourrait lui nuire aussi beaucoup sur divers plans.
Mais, nul n’ignore que les dirigeants de la dictature de Pékin sont parfois imprévisibles dans leurs réactions, comme les massacres de juin 1989 l’ont prouvé dans le passé.
Les divergences sur la question aux Etats-Unis ne recoupent pas les clivages politiques habituels comme cela est le cas sur l’Irak ou l’Afghanistan, mais des positions politiques et des appréciations sous-jacentes de ce qui serait positif ou non pour les intérêts américains. De même en Extrême-Orient, où la crainte de la Chine et de sa puissance tant économique que militaire ne crée pas forcément que des sentiments amicaux envers ce pays, et où Taiwan devenant un facteur de crise pour Pékin ne serait pas vue comme une mauvaise chose.
En résumé, l’indépendance de Taiwan et sa déclaration officielle de séparation totale d’avec la Chine sont des sujets de discussion dans les cercles de pouvoir, de Tokyo à Washington, et de New Delhi à Moscou, mais aussi à Pékin, chacun pesant et évaluant ses propres intérêts dans une telle perspective.
Les armes de l’indépendance et l’industrie militaire taiwanaise
Parmi les éléments de la discussion qui se mène dans les capitales citées vis-à-vis de la possible déclaration d’indépendance de Taiwan, qui s’appuierait de plus sur un vote d’approbation par voie de référendum populaire, conférant à ce processus la caractère de respect scrupuleux de la volonté populaire et un aspect démocratique indéniable, il y a la question des armements en rapide développement de Taiwan.
Depuis plusieurs années, et notamment après les affaires que tous connaissent des frégates et des Mirage 2000, qui ont valu aux autorités taiwanaises bien des déboires, des ennuis et des déceptions, une décision de principe avait été prise, afin d’assurer au préalable l’indépendance du pays en matière de défense et de sécurité, celle de promouvoir une véritable industrie nationale de production d’armements.
Le résultat concret en 2007, à moins d’un an des Jeux Olympiques de Pékin, est plus qu’explicite.
Depuis quelques jours, alors que l’activité diplomatique des autorités taiwanaises s’intensifie sur l’axe politique et diplomatique en vue de l’indépendance, on assiste aussi à la démonstration, par petites vagues successives, de la force attestée des industries militaires du pays.
On voit ainsi apparaître au grand jour des systèmes de missiles et d’antimissiles de très haute technologie, issus de la production nationale, mais aussi des blindés et des canons sans recul, des navires et des systèmes nouveaux autant que performants en termes de détection et d’antidétection, de minage et de déminage.
Les lecteurs ne doivent pas oublier que Taiwan, sur le plan de la recherche militaire, a l’avantage de s’appuyer sur une population ayant un haut pourcentage de citoyens versés dans les technologies de pointe, comme c’est aussi le cas pour un pays qui a suivi le même chemin industriel auparavant : Israël.
Certaines sources bien informées, mais requérant un anonymat nécessaire, indiquent que les progrès ont aussi été considérables dans le domaine aérien, dans celui des télécommunications et de la surveillance ciel et mer.
Mais, sur ces plans, Taiwan sort ses atouts militaires de sa manche avec une sereine lenteur, manifestant bien ainsi à chaque étape, aux fins de clarté pour tous, amis possibles et ennemis potentiels, que les armes de l’indépendance sont prêtes.
Par ailleurs, des informations de presse récentes soulignent une montée en puissance du budget de défense du pays (+ 15 %), des achats de matériel à des pays de la région (notamment des hélicoptères de fabrication japonaise), tandis que les pays européens comme la France sont de facto abandonnés.
Du côté américain, les autorités attendent un feu vert de la Maison Blanche pour l’achat d’avions de combat, mais l’administration Bush semble encore indécise sur le sujet.
Les Jeux Olympiques : un enjeu de taille en 2008 ou « qui gagne les J.O. peut les perdre »
A l’origine, quand Pékin avait été choisie comme ville olympique par le CIO, les responsables du pays avaient imaginé que tous les avantages en seraient pour eux.
Aujourd’hui, certains en Chine se demandent si leur scénario prévu ne pourrait pas se transformer en cauchemar politique et médiatique pour leur pays, du fait de ce processus d’indépendance de Taiwan pour 2008.
A l’évidence, la situation en Asie du Sud-Est en 2008 est lourde de tensions possibles de ce fait.
Les Jeux Olympiques de Pékin pourraient donc mettre la Chine au centre des attentions du monde, mais peut-être pas comme ses autorités dirigeantes l’avaient envisagé et prévu à l’origine.
Comme le dit un dicton aborigène taiwanais, que la France connaît aussi sous une forme proche : « Un petit grain de sable dur peut créer de grands problèmes à une grosse machine. »
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