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Accueil du site > Tribune Libre > Tchétchénie : paix et spectaculaire développement

Tchétchénie : paix et spectaculaire développement

Il y a quelques années, au milieu des années 1990, le nom « Tchétchénie » accompagnait souvent les informations internationales dans de nombreux pays, dont la France. On y voyait la capitale, Grozny, en ruines et des images de combats acharnés entre troupes russes et insurgés tchétchènes, présentés comme des islamistes fanatiques. Puis, curieusement, depuis quelques années, la Tchétchénie a disparu subitement des actualités.

Une bonne raison pour y revenir en cette fin 2007 car il y a du nouveau, et du nouveau très instructif, en Tchétchénie...

La paix de retour en Tchétchénie : un événement majeur passé sous silence

Rappelons-nous : en 1995, les reportages tournés dans cette ville détruite faisaient penser à Stalingrad en février 1943 ou Berlin en mai 1945 : des montagnes de ruines et une population exsangue, désespérée. Le pays lui-même était ravagé, son agriculture anéantie, son industrie liquidée.

Ceci était le résultat d’un long conflit entre, d’un côté des rebelles tchétchènes, rassemblés autour de chefs de guerre locaux et souvent présentés comme des partisans d’un Etat islamiste, de l’autre, les troupes russes envoyées par Moscou.

Sous l’ère Eltsine, les troupes russes, mal équipées, sous-ravitaillées, souvent démoralisées par le contexte de leur action et la situation difficile que vivaient en Russie leurs familles, subissent pertes et revers, sans parler d’une corruption endémique. L’image qui venait à l’esprit était que l’armée russe s’enfonçait dans un nouveau conflit de type afghan qu’elle ne pouvait gagner.

Quand Poutine accède au pouvoir en 2000, les choses changent rapidement après avoir assuré son autorité sur l’Etat et sur les « oligarques » : envoi de troupes d’élite, réflexion tactique et stratégique approfondie, action politique étayée et relayée par l’action militaire, ravitaillement amélioré et définition d’une ligne de conduite qui se résume en deux principes : utilisation combinée de tous les moyens de destruction disponibles contre l’adversaire et position permanente de main tendue et de pardon assuré à ceux qui veulent faire la paix.

Certes, certaines phrases de Poutine, célèbres sur le plan médiatique, ont exprimé crûment cette stratégie globale. De fait, violence maximale il y a eu, mais résultat politique indéniable il y a aussi à l’arrivée.

Aujourd’hui, les soldats russes de Poutine et leurs alliés tchétchènes, dirigés par le président Ramzan Kadyrov, contrôlent la quasi-totalité du pays et les derniers groupes rebelles, isolés, disloqués, pourchassés, sont sans influence sur les processus en cours de renaissance économique, démographique et politique en Tchétchénie.

La majorité des anciens chefs révoltés ont fait allégeance au régime du président Zadyrov et se sont intégrés, pour s’enrichir au sein du boom économique, dans le société civile. Les menaces d’un Etat islamiste aux frontières méridionales de la Russie sont écartées, et cela avec, les observateurs l’ont aussi noté, la bienveillante passivité du régime islamique de Téhéran. La diplomatie russe a su, à l’évidence, se montrer fort convaincante en Iran.

La guerre en Tchétchénie est donc terminée de facto. Et cela, dans le Caucase, une région stratégique vitale, pour les intérêts politiques et économiques
- pétrole et gaz, production et transport - de la Russie.

Une renaissance économique d’une surprenante rapidité

Quiconque a été à Grozny voici dix ans et y revient en cette fin 2007 ne peut en croire ses yeux tant le changement est spectaculaire autant que rapide.

Trois ans après les plus terribles combats et attentats de la guerre, Grozny et sa banlieue sont tous simplement méconnaissables : la ville a été reconstruite avec des moyens et à une vitesse étonnants, la cité a retrouvé sa population, ses magasins, ses activités, son dynamisme. Elle est sous l’emprise d’un essor industriel et commercial étonnant : les chaussées des rues naguère défoncées et parsemées de trous d’obus et de mines sont devenues des voies de circulation modernes qui accueillent une circulation automobile active. Cafés et restaurants récents pullulent, les produits alimentaires et industriels les plus modernes se trouvent un peu partout.

Autour de la ville et dans les autres cités urbaines du pays, une activité intense de construction est notable : immeubles, usines, routes et ponts, le pays renaît de ses décombres.

Les habitants en témoignent et les visiteurs attestent ce qui est le plus marquant de cette renaissance : l’électricité est fournie presque partout 24 heures sur 24, le gaz aussi, les stations d’essence sont aussi bien fournies. Ces informations, ici, font figure de prodiges quotidiens pour les simples citoyens, et ce miracle est attribué par les gens de la rue au président du pays, Ramzan Kadyrov.

Dans les campagnes, le redémarrage économique est moins manifeste, mais aussi sensible. L’agriculture renaît ainsi que l’élévage. Les infrastructures de communication sont reconstruites à grande échelle et vite.

Le visiteur se demande vraiment s’il ne rêve pas et si c’est le même Grozny et la même Tchétchénie que l’on voyait en 1995.

Il convient ici de ne pas s’arrêter sur ces seuls aspects extérieurs, même s’ils sont une partie significative du tableau des faits, mais de regarder aussi sous la réalité des apparences et derrière les événements publics.

Victoire russe dans la modestie, dictature de fait et investissements massifs

A l’évidence, le gouvernement russe joue ici un rôle majeur dans l’intendance économique, mais a su rester sur une note modeste - au moins dans sa communication - en ne clamant pas trop fort son succès politique et militaire en Tchétchénie.

C’est que Poutine a trouvé dans le président Kadyrov un homme qui a su se forger aussi sa place dans l’échiquier politique national, sous son autorité et avec sa complicité.

Ramzan Kadyrov a de facto succédé à son père, assassiné en mai 2004. Nommé président de la République par Poutine le 2 mars 2007, Kadyrov ne passe pas pour un démocrate, bien au contraire. Il lui est reproché de nombreuses exactions sanglantes : meurtres, viols, vols, affaires de corruption, etc. Et il est rare d’entendre des citoyens tchétchènes parler en mal, surtout en public et/ou avec des étrangers, du président Kadyrov.

Ceci dit, si le pays est encore au niveau de l’Etat de droit une dictature qui cache bien ses traits et soigne ses apparences externes, Kadyrov semble jouir d’une aura certaine dans la population, lasse de la guerre et de ses souffrances.

Cela paraît tenir au fait que beaucoup de citoyens, qui savent aussi ce qui se dit sur l’homme, ses moeurs et sa violence, le perçoivent simultanèment comme le reconstructeur du pays, son bâtisseur énergique et son « guide » vers la modernité et la prospérité.

Plusieurs commentateurs le comparent sous ces divers aspects à Poutine pour la Russie, à savoir un dirigeant qui ne craint pas d’utiliser tous les moyens qui lui semblent bons et utiles pour atteindre ses buts.

Il a par contre pour les autorités de Moscou et leurs objectifs politiques dans la région des avantages indéniables : il a su ramener la paix dans le pays, même si cela a été fait avec une violence extrême. Il professe un islam de tendance soufiste, très hostile au wahabisme, donc à l’islam intégriste, promeut un nationalisme tchétchène actif tout en étant un partisan déclaré de la Fédération russe.

Il est aussi souvent regardé par des observateurs comme un habile populiste, pragmatique et connaissant ses limites en politique intérieure et étrangère face à Moscou.

Les leçons à tirer de la Tchétchénie

Nul n’ignore que ce gigantesque chantier de construction qu’est la République tchétchène est dû à la vague immense des investissements russes, publics et privés « dirigés ».

Cette renaissance tchétchène est aussi un exemple de la puissance de frappe financière et technologique russe pour un Etat voisin sur lequel Moscou a des vues précises non-dites, mais manifestes : la Géorgie.

Plus généralement, ce qui se passe en Tchétchénie est instructif du renouveau de la Russie et de son dynamisme sur tous les plans dans l’arène mondiale. Mais aussi de son implication croissante dans le Caucase.

Ainsi, les spécialistes en géostratégie internationale, du moins ceux, rares, qui ont suivi le dossier tchétchène, savent que les investissements massifs de la Russie en Tchétchénie ne sont pas faits que par amour des habitants de cette République, mais qu’ils s’inscrivent dans un processus plus vaste qui voit la Russie retrouver, pas à pas, les anciennes frontières internationales de l’ex-URSS d’avant 1991, ceci par des jeux habiles ou interviennent conjointement la force militaire brutale, la diplomatie la plus avisée et souple, la force retrouvée des moyens financiers de l’Etat russe fondée sur les prix en hausse du pétrole, du gaz et des autres matières premières et la négociation avec les élites locales prêtes à comprendre leurs éventuels "intérêts communs" avec Moscou.

A l’aune de la situation dans le Caucase, nul ne saurait nier que Poutine est ici un grand bâtisseur-reconstructeur à sa manière, tout autant que l’on peut constater que son succès en Tchétchénie, inattendu pour beaucoup, concourt bien à son objectif clair de faire réintégrer à la Russie sa place entière de grande puissance mondiale.

La suspension sine die du Traité sur les Forces conventionnelles en Europe dont il a fait une loi, votée le 30 novembre, montre que Poutine est en tout état de cause un homme déterminé autant que capable.

Il est donc des enseignements collectifs riches à tirer de la paix retrouvée et de la prospérité actuelle de la Tchétchénie, avec ses travers, ses racines et ses conséquences.


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14 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 3 décembre 2007 09:50

    Le président POUTINE a eu raison d’éradiquer le terrorisme en tchéchénie et nous voyons aujourd’hui le résultat.

    Rappelons nous de l’information à pensée unique anti-russe que les « journalistes TV » nous vendaient !

    Les pauvres intégristes islamistes tchéchénes et les salos de russes.

    Aujourd’hui la Tchéchénie est redevenue un pays moderne ou la paix est maintenant garantie pour tous et ou l’intégrisme à été éliminé pour le bien de tous

    vous dites « Plus généralement, ce qui se passe en Tchétchénie est instructif du renouveau de la Russie et de son dynamisme sur tous les plans dans l’arène mondiale. Mais aussi de son implication croissante dans le Caucase »

    Vous avez raison et c’est bien la démonstration que la Russie doit etre le meilleur partenaire économique avec la France en matière de GAZ et de pétrole,car entre Poutine et Boutéflika ,l’Europe choisie Poutine


    • JoëlP JoëlP 3 décembre 2007 14:27

      Il y a un truc pire que lerma soit le premier à réagir à son article, c’est que lerma approuve le dit article. On ne doit pas s’en remettre ! smiley


    • maxim maxim 3 décembre 2007 10:24

      c’est marrant,dans Poutine il manque Ras pour évoquer ce moine incrusté dans la famille du dernier Tsar ...

      mon premier le fait ...

      mon second le fait également ....

      mon troisième a ce qu’il faut pour le faire

      mon tout c’est un moine lubrique ....

      mon premier le fait ,c’est Ra parce que rapine ....

      mon second le fait également ,c’est Spout parce que Spoutnik...

      mon troisième a ce qu’il faut pour le faire c’est Ine parce qu’inébranlable ...

      mon tout c’est Raspoutine .....


      • caramico 3 décembre 2007 10:34

        A rapprocher du vote à 99,99% en faveur de Poutine en Tchétchénie. C’est le paradis sur terre et je vais y passer derechef mes prochaines vacances !


        • Le péripate Le péripate 3 décembre 2007 10:51

          Ce qui est remarquable dans les derniers développements de la politique russe, c’est la continuité avec l’ex-URSS, voire avec le régime czariste.

          Car la Russie a, a eu, aura, la politique de sa géographie.

          Pour nous européens, nous savons déjà qu’une Russie forte joue un rôle modérateur sur la domination américaine.


          • Philippe Vassé Philippe Vassé 3 décembre 2007 11:25

            Aux lecteurs précédents,

            Bonjour,

            La politique de la Russie sous Poutine est bien évidemment jusqu’à un certain point un contre-poids à l’influence américaine, mais plus fondamentalement l’expression d’un multilatéralisme qui revient sur la scène internationale.

            Poutine n’a rien d’un démocrate, cela doit être dit clairement et son ami Kadyrov non plus.

            Etudier sa politique revient à étudier le parcours atypique d’un dirigeant qui a remodelé et réhabilité son pays, après des années de reculs sociaux et économiques, de désastres politiques, diplomatiques et militaires et de gestion catastrophique (l’ère Eltsine avec le concours des « Chicago boys »).

            Ce qui est en cours un Tchétchénie est surtout, à mon sens, instructif de ce qui pourrait bientôt se passer ailleurs et qui se profile pour la Géorgie. Mais pas seulement....

            Moins de 16 ans après l’effondrement de l’URSS et son implosion, la Russie est revenue en force sur la scène internationale et a su régler un conflit dangereux à ses frontières tout en se lançant dans une expansion économique de grande envergure.

            A l’évidence, il est temps que le monde s’intéresse un peu plus à la Russie et que les analystes se penchent sur ce que je qualifierais de « phénomène Poutine ».

            Car cet homme et son pays risquent encore de nous surprendre dans le futur et ils sont devenus des facteurs essentiels de la politique mondiale. Et des facteurs à suivre car leur force se développe pendant que d’autres puissances déclinent en sens inverse.

            Bien cordialement,


          • ZEN ZEN 3 décembre 2007 12:05

            @ Léon

            J’avais lu aussi cet article dans le CI. Je crainds que la situation soit un peu moins positive que celle que décrit Philippe. On aimerait avoir l’avis de quelqu’un qui y a séjourné récemment.

            Difficile à interpréter la politique de Poutine...


          • Philippe Vassé Philippe Vassé 3 décembre 2007 13:45

            Léon,

            L’article que vous signalez n’avait pas aussi échappé à mon attention de lecteur, mais n’ayant qu’une confiance limitée dans le sérieux de Courrier International, je me permets de relater ce que les visiteurs peuvent voir dans ce pays de leurs yeux, avec tout ce que cela signifie de possible subjectivité du regard.

            Avant toute chose, il ne vous aura pas échappé que l’article de CI relatait des informations, largement reprises sur Wikipédia, et dont les sources avaient besoin d’être avérées, comme toute source en général.

            Tout comme des gens comme moi, des journalistes du New York Times -NYT) ont été en visite libre en Tchétchénie pour voir les choses DE LEURS PROPRES YEUX.

            D’autres journalistes allemands et asiatiques ont aussi fait le déplacement et notre point de vue est relativement commun sur les faits donnés que l’article tente de résumer.

            Autre point sur les accompagnants des gens du NYT, ils étaient avec des membres de Fondations américaines proches des Républicains, ce qui en faisait des personnes peu suspectes de parti-pris pro-Poutine, pro-Kadyrov ou d’amitié envers les troupes russes.

            Qu’avons-nous constaté sur place, avec nos différentes cultures et approches : 1) que Grozny et sa banlieue sont quasi-reconstruites et/ou réparées. Que les sites urbains sont en pleine reconstruction. 2) que l’économie semble- au vu des magasins et de leurs contenus- bien repartie. 3) que les services publics essentiels fonctionnent.

            Comme eux, et malgré les barrières linguistiques, nous avons constaté que nombre de citoyens savaient que leur Président est loin d’être un démocrate- je l’ai dit et redit dans l’article- mais que la vie « normale » est de nouveau possible.

            Sur le statut des femmes, je n’ai pas entendu les déclarations de Kadyrov sur le sujet. Une chose est sûre pour quiconque se promène dans Grozny, à moins que ces milices islamiques se soient cachées pour qu’on ne les voie pas : on ne les a pas vues.

            Ce qui n’est guère étonnant pour les gens de culture connaissant un peu le pays, ce que CI a dû mal comprendre du fait d’un manque de savoir sur la région.

            Kadyrov est un musulman - et encore, sa vraie foi semble plus être l’argent et le pouvoir- de tendance soufiste, et comme ami et protégé de Poutine, il est ennemi farouche de l’Islam wahabite.

            On le voit donc mal, malgré tous ses défauts connus ou à découvrir- prôner la burka comme CI le laisse entendre par ignorance.

            Ce dont il s’agit est d’un fichu traditionnel tchétchène qui fait référence plus au nationalisme prôné officiellement par le régime qu’à la religion. Cela relève donc plus d’un nationalisme promu qu’à une volonté d’imposer la Charia que les soufistes sont loin de soutenir !!!

            Ceci étant dit, Grozny n’est pas un repaire de femmes voilées ou soumises, d’autant que la reconstruction de la ville a apporté de facto des populations...russes peu portées sur l’Islam !

            Pour ceux qui veulent lire l’article de l’équipe américaine du NYT, qui reprend en gros ce que j’ai aussi constaté : il est paru le 8 octobre 2007 sous le titre en anglais : « Under Iron Rule, War-Torn Grozny Returns to Life », signe par C J Chivers

            On y cite aussi les avis des « spécialistes républicains » qui, en dehors de leurs analyses politiques, ont constaté, sur les femmes, l’habitat, la reconstruction, l’économie et les services publics les mêmes choses que moi.

            Je pense donc que CI devrait peut-être moins lire Wikipédia pour rédiger ses articles et dépenser un peu d’argent pour envoyer un(e) journaliste sur place.

            A mon sens, la meilleure source, mais pas la plus complète, est : les yeux, les oreilles et la bouche pour communiquer sur place, sans oublier les pieds pour se déplacer, sans se contenter de sources non-vérifiées sur des faits parfois d’un comique réel pour des musulmans soufistes anti-wahabites.

            Bien cordialement,


          • Céphale Céphale 3 décembre 2007 12:47

            La politique de Poutine doit tenir compte notamment de la « mondialisation », phénomène assez compliqué qui n’existe que depuis l’arrivée au pouvoir de Yeltsine.

            La mondialisation a permis aux Etats-Unis d’activer en Russie un grand nombre d’opposants au régime. Dans un premier temps, Yeltsine ne s’est pas méfié. Quand il a compris que les Etats-Unis étaient en train de détruire lentement la Russie de l’intérieur, il a passé la main à Poutine. Celui-ci a déjà bien redressé la situation.


            • Martin sur AgoraVox Martin sur AgoraVox 3 décembre 2007 20:56

              L’article me semble bien argumenté et crédible.

              Mon opinion est que Poutine est un combattant contre le mondialisme. On aurait peut-être besoin d’un Poutine dans l’Union européenne pour préserver les Européens face aux nuisances du mondialisme, pour défendre les intérêts des Européens plutôt que (comme le font les politiques européens actuellement au pouvoir) de défendre les intérêts des multinationales qui font le tour du monde, en se déplaçant de pays en pays selon le butin qu’il y a à y amasser.

              Concernant la démocratie : Poutine est-il plus ou moins proche de la démocratie que ne le sont les politiques français ?

              Sur quel point la volonté de la majorité des citoyens n’est pas respectée dans la Fédération de Russie ?

              L’auteur a estimé - peut-être afin que son analyse positive sur l’évolution en Tchétchénie soit mieux acceptée - qu’il est de bon-ton de répéter à l’unisson des médias ouest-européens que le président de la Fédération de Russie n’est pas un démocrate. Et si on comparait Poutine avec les politiques ouest-européens - qui serait alors plus près de la démocratie ?

              Je ne doute pas que l’auteur de l’article connaît la définition originale, véritable, de la démocratie, car ses articles prouvent l’étendue de sa culture. Mais d’un autre coté il est vrai que les citoyens français sont souvent bernés concernant le sens qu’il faut donner au mot « démocratie ». De sorte que les médias ouest-européens se permettent de lancer des exclamations de triomphe du genre « ici nous respectons la démocratie (nous sommes démocrates) mais ailleurs on ne respecte pas la démocratie (ils sont dictateurs) ». Pour estimer qui est plus ou moins proche de la démocratie, il faudrait d’abord comprendre ce que signifie réellement le mot « démocratie ».

              Il n’était pas nécessaire d’attendre la Révolution française de 1789 pour savoir ce que signifie « démocratie » et d’ailleurs la Révolution française de 1789 n’a pas mis en place la démocratie véritable.

              La définition de la démocratie existe depuis des millénaires, mais elle n’a été mise en application que depuis un peu plus cent-cinquante ans. Mais pas en France.

              Ceci dit, la « définition » de la démocratie qui est effectivement véhiculée en France depuis quelques décennies, notamment dans l’enseignement public, de sorte que de nombreux citoyens, notamment parmi les plus jeunes, la prennent pour une vérité certaine, n’est pas la véritable définition de la démocratie.

              Alors qu’est-ce que la démocratie ?

              La définition de la démocratie est très simple et rarement respectée dans le monde. Un seul État européen respecte entièrement la démocratie et ce n’est pas un État membre de l’Union européenne.

              La démocratie c’est quand la volonté de la majorité des citoyens est respectée dans toutes les décisions qui concernent la société. L‘État qui dans toutes ( !) ses décisions veille à respecter la volonté de la majorité des citoyens est un État démocratique.

              En démocratie, le devoir des individus qui représentent le pouvoir - politique, éducation publique, médias officiels - est de respecter la liberté d’opinion et d’appliquer systématiquement et scrupuleusement les décisions qui viennent de la volonté de la majorité des citoyens.

              La France est-elle un pays démocratique alors que le parlement est libre de prendre des décisions qui sont en opposition avec la volonté de la majorité des citoyens ? Et de plus dans le système politique français il n’existe aucun moyen permettant aux citoyens de prendre l’initiative pour intervenir afin de corriger rapidement ces décisions antidémocratiques.

              Mais même si le système est bien verrouillé par les cercles politiques au pouvoir, parfois le peuple français a au moins l’occasion de prouver que les politiques au pouvoir ne respectent pas la démocratie.

              Exemple flagrant : le vote sur la Constitution de l’Union européenne, dans la version proposée aux citoyens européens en octobre 2004. En France, cette constitution avait été approuvée par le Président de la République française, puis avait été approuvée par 92 % des parlementaires de l’Assemblée nationale française, avant d’être rejetée par 55 % des électeurs français lors du référendum de mai 2005.

              C’est une parmi les preuves que les politiques, qui ont reçu le mandat du peuple, ne reflètent pas la volonté de la majorité des citoyens - ces politiques ne sont donc pas démocrates.

              Les cas sont nombreux quand les parlements ou les chefs d’État et de gouvernement décident ce qui bon leur semble et ne respectent pas la volonté de la majorité de la population. L’intervention dans les décisions législatives du vote direct des citoyens serait alors indispensable pour introduire le respect de la démocratie, car les politiques au pouvoir ne représentent pas fidèlement la volonté des citoyens.

              Dans le système politique actuel - en France et dans l’Union européenne - les politiques sont élus, ensuite ils prennent des décisions, écrivent des lois, signent les traités internationaux, engagent des dépenses que des générations futures devront rembourser etc., sans vérifier si la majorité de la population est d’accord avec chacun de leurs actes, et même souvent en sachant que la majorité de la population n’est certainement pas d’accord avec certains de leurs actes.

              En démocratie toutes les décisions doivent être conformes aux désirs de la majorité des citoyens, donc toute décision doit pouvoir être soumise à la validation par la majorité des voix des citoyens qui désirent s’exprimer, éventuellement au moyen de référendum.

              Il est vraiment intéressant de constater, qu’en France, dans un pays qui prétend avoir un système politique basé sur la démocratie, les citoyens en général (je ne parle pas de l’auteur de l’article ni de la plupart des lecteurs d’AgoraVox) ne savent même pas ce que « la démocratie » signifie !

              Les politiques français ne respectent pas la volonté de la majorité des citoyens français sur de nombreux points, comme par exemple avec la Constitution de l’Union européenne, que ce soit dans l’ancienne ou nouvelle version.

              Poutine est-il plus ou moins proche de la démocratie que ne le sont les politiques français ? Sur quel point la volonté de la majorité des citoyens n’est pas respectée dans la Fédération de Russie ?


              • Philippe Vassé Philippe Vassé 4 décembre 2007 00:43

                Martin,

                Bien que vos questions, fort légitimes, débordent du cadre du sujet de l’article, je souhaite apporter une réponse personnelle à vos interrogations.

                Que Poutine ne soit pas un démocrate, c’est un fait évident et indiscutable, basé sur de nombreux faits. Ceci dit, nous avons avec lui un cas particulier qui se résume à ces paramètres : à l’évidence aussi, Poutine a redressé son pays, l’économie nationale, amélioré, avec les ressources minières du pays -pétrole, gaz, minerais- la vie quotidienne des Russes, même si tout n’est pas rose, loin de là.

                Cela lui apporte un soutien large de fait, plus qu’une vraie popularité, dans la population. Ce fait est aussi indéniable. Il a aussi redonné sa force à l’Etat, réorganisé et redonné leur puissance aux forces armées en pleine déconfiture, tout en lançant un plan ambitieux de développement des industries militaires.

                En relatant ces faits,je ne porte pas de jugement, mais émets seulement des constats.

                Ce sont les lecteurs qui doivent pouvoir se forger librement leurs opinions souveraines sur la base de faits avérés.

                Quant au constat que vous faites sur la démocratie en France et plus généralement dans l’Union Européenne, je suis, à titre personnel, totalement d’accord avec vos propos, sur le fond.

                Notamment en ce qui concerne le nouveau Traité européen qui me semble, en démocratie, devoir être soumis, sans discussion aucune sur le principe tant cela est une obligation morale publique, au suffrage universel direct des citoyens, en clair au référendum populaire.

                Sur ce point, je ne peux que partager votre avis en tous points.

                Bien cordialement à vous,


              • ZEN ZEN 3 décembre 2007 22:00

                Je soumets à l’appréciation de l’auteur l’ extrait d’un article récent du Monde (29/11/07), beaucoup plus réservé :

                « ...L’assassinat du président Kadyrov en 2004 inaugure une nouvelle phase dans la guerre, celle de la »normalisation". Ramzan Kadyrov, chef de guerre, businessman connu pour sa violence et ses liens étroits avec les réseaux mafieux, s’impose dans la course à la succession de son père et étend son emprise sur le territoire tchétchène. La Russie investit un milliard de dollars dans la reconstruction de la république. Mais en dehors du centre-ville de Grozny, où bâtiments et routes sont reconstruits, où les magasins flambant neuf s’étalent, le reste du pays est à l’abandon. La Russie recompose également le tissu énergétique de la République tchétchène. La société gazière Rosneftegaz est détenue à 49 % par le gouvernement de Kadyrov et à 51 % par Rosneft, le groupe pétrolier de l’Etat russe. Mais là aussi, derrière l’apparence d’un retour à la normale se cachent toutes sortes de trafics : siphonnage des tuyaux et corruption au sein même de Rosneftegaz. Les canons se sont tus à Grozny, la sécurité est de retour, les populations réapprennent à vivre sans faire de politique.

                RISQUES DE CONTAGION

                A quelques mois de l’élection présidentielle de 2008, la Tchétchénie est-elle si apaisée que semblent le dire les autorités fédérales russes ? Les chefs légendaires tchétchènes ont été abattus depuis 1995 : Doudaïev, Maskhadov, Bassaev, Khattab, Abou Walid, Sadoulaev, Iandarbiev, Guelaïev ne sont plus là pour incarner la flamme de la résistance et mobiliser les troupes. Mais les risques de voir la république, voire la région entière, s’enflammer à nouveau persistent.

                D’abord parce que le risque de voir les combattants tchétchènes se radicaliser vers le djihad est bien réel. Même si les groupes islamistes radicaux sont minoritaires dans la galaxie de la résistance tchétchène, ils sont bien équipés et leur détermination est respectée par tous les combattants. Ils se coupent de la société tchétchène tournée vers le modèle russe de la société de consommation et refusent tout compromis avec les nationalistes comme Ahmad Zakaev, leader nationaliste en exil en Angleterre.

                La question la plus préoccupante est celle de la contagion du phénomène tchétchène aux républiques russes voisines. Depuis l’été, des opérations conduites par des rebelles nord-caucasiens ont éclaté à l’intérieur de républiques autonomes voisines. Depuis leur refuge dans les montagnes caucasiennes, les réseaux militaires clandestins agissent au Daghestan, en Ingouchie et dans la république de Kabardino-Balkarie. En septembre 2007, les troupes du FSB ont abattu le chef rebelle daghestanais, Rappani Khalilov et son adjoint, Naib « Abdoukhaman » Naibov, dans le district de Kyzyl-Yourt. En Ingouchie, une trentaine de rebelles tchétchènes et ingouches ont été tués durant l’été. En Kabardino-Balkarie, théâtre d’affrontements meurtiers en 2005 à Naltchik, près de 500 militants armés se trouveraient dans les montagnes."

                Gaïdz Minassian


                • Philippe Vassé Philippe Vassé 4 décembre 2007 01:14

                  Zen,

                  Merci d’abord de votre attention et de vos sources d’informations sur le problème de la Tchétchénie et plus largement du Caucase.

                  Comme je l’ai dit en réponse à Léon, contrairement aux rédacteurs de CI qui ne s’approvisionnent que sur d’autres journaux ou médias sans pouvoir effectivement s’assurer de la réalités des dires et des faits publiés, un voyage est toujours à la fois une source de regards nouveaux, avec les avantages d’un oeil extérieur et l’inconvénient d’images partielles (car on ne voit pas tout).

                  Ce que j’ai vu, comme les journalistes américains et leurs « accompagnants », c’est une ville ET sa banlieue en pleine reconstruction déjà fort avancée.

                  Comme « le Monde », j’ai noté aussi que les infrastructures dans les campagnes progressaient aussi : le phénomène de restructuration rurale, m’a t-on dit, est assez récent : avril- mai 2007, mais il est visible sur le terrain.

                  Là aussi, j’observe la tendance.

                  Ce que j’ai pu constater, c’est que l’eau coule des robinets (au moins à Grozny,dans les zones rurales, cela est encore loin, mais la situation de retard sur ce point est ancienne), l’électricité fonctionne et on peut manger à sa faim.

                  Je ne dis pas que tout va bien ou que la Tchétchénie est devenu un paradis de type « stalinien ».

                  Non, ce que je veux mettre en exergue, c’est le changement radical positif pour les citoyens que personne ne nie : le retour à la paix et le développement du pays.

                  Ce que le Monde note aussi avec ses propres mots.

                  Qu’il y ait des bandes armées encore ici ou là, je ne suis pas témoin des faits, donc ne peux en parler. Par contre, que d’anciens chefs et combattants se soient intégrés dans l’économie dopée par les investissements russes, cela, on le voit à Grozny, comme j’avais été témoin en 1998, en Albanie, du passage des mafieux locaux de l’économie de contrebande à...l’économie de marché -hôtels, restaurants, centres touristiques, industries moyennes, etc.

                  De loin, pour les gens qui n’ont pas vu le pays ravagé et Grozny en monceaux de ruines, je peux comprendre les réactions de doute ou de surprise.

                  Pour ceux qui ont vu et connu la situation de 1995, nul doute que les choses ont changé en mieux et que le spectacle qu’ils voient en 2007 est un changement « spectaculaire » par rapport à leur mémoire de la ville voici 12 ans.

                  Il y a là une relativité de la vision par rapport au passé dont certains ont été témoins que je ne conteste pas.

                  Ceci étant, que la corruption règne, que la gabegie existe, que des exactions aient lieu, que la violence dans le Caucase continue ici ou là, je n’en doute pas un instant.

                  Mais, ce que je cherche à discerner, c’est le processus général, la tendance des évènements, non à peindre un tableau momentané, demain dépassé par les faits vivants, ce qui est la tâche du journaliste d’un quotidien.

                  Ce sont donc des approches et des vues différentes d’une même réalité, elle-même mouvante et parfois surprenante

                  Pour autant, je réfutais l’article de CI car il contenait des aberrations manifestes, notamment sur l’imposition de la charia par Kadyrov.

                  Celui-ci a bien des défauts vrais et autrement plus graves, mais il n’est pas wahabite, ni partisan de sa charia, ni du port de la burka.

                  Voilà modestement ce que voulais rappeler et exprimer, sans pour autant penser un instant que je détiens une vérité absolue.

                  PS : sur CI, je me rappelle en 2003 que sa rédaction avait « gobé », sans aucune réserve, les inventions bushistes d’armes de destruction massive irakiennes sans écouter même les témoins, notamment les inspecteurs en Irak, qui affirmaient que cela était impossible.

                  Le « Monde » est en général une source plus crédible, bien que toujours discutable en toute liberté.

                  Bien amicalement,


                • R-sistons (---.---.76.232) 3 janvier 2008 07:32

                  Merci Philippe pour cet article, qui me touche bcp car je suis d’origine russe, et je souffrais pour les Tchètchènes. J’ai d’ailleurs écrit un bons baisers de Russie dans mon blog http://r-sistons.over-blog.com.

                  Et en te lisant, je suis rassurée

                  ce que j’apprécie surtout dans ton article, c’est que tu as abordé TOUTES les questions, et objectivement semble-t-il. Alors, merci ! Eva

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