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Accueil du site > Tribune Libre > Totalitarisme et néolibéralisme

Totalitarisme et néolibéralisme

Il peut paraître osé, voire totalement incongru, d'affirmer que nous sommes retombés dans un nouveau totalitarisme avec le développement à l'échelle du monde d'une économie libérale qui depuis les années 80, ne cesse de s'immiscer dans tous les domaines de l'activité humaine.

Si cette idéologie de la modernité sape, à l'occasion, les fondements des régimes autoritaires ou dictatoriaux, elle corrompt aussi les régimes politiques fondés sur la démocratie représentative. Face aux modèles autoritaires et après la chute des régimes totalitaires staliniens , le modèle de société libérale est vécu comme celui du "moindre mal" (1). Il n'y aurait plus d'autre alternative. ( " There is no alternative " de M. Thatcher ) ;

Bien que le concept de totalitarisme ait toujours porté à polémique car il est utilisé par les adversaires d'un système politique pour le diaboliser et le combattre (comme ce fut le cas avec les attentats de New-York en 2001 et l'utilisation chez les dirigeants politiques américains du concept de "totalitarisme islamique" ) , nous essaierons de présenter comment il a été défini au cours du temps pour ensuite dégager des similitudes avec ce système global qu'est le néolibéralisme ou le capitalisme total.

COMMENT DEFINIR LE TOTALITARISME

Le totalitarisme est l'un des trois grands types de systèmes politiques avec la démocratie et l'autoritarisme. ( wikipédia ).

Si historiquement on a d'abord défini comme régimes totalitaires les régimes comme celui imposé par Adolf Hitler en Allemagne avec le nazisme, ou en Italie avec le fascisme de Mussolini, on étendra ensuite le concept au stalinisme en URSS et dans les pays de l'Est, au régime de Pol Pot au Cambodge ou celui actuel de Corée du Nord. C'est un régime à parti unique, n'admettant aucune opposition organisée et dans lequel l'État tend à confisquer la totalité des activités de la société. L'expression totalitaire vient du fait qu'il ne s'agit pas seulement de contrôler l'activité des personnes, comme le ferait une dictature classique. Le régime totalitaire tente de s'immiscer jusque dans la sphère intime de la pensée, en imposant à tous les citoyens l'adhésion à une idéologie obligatoire. Le totalitarisme signifie étymologiquement « système tendant à la totalité ». George Orwell avec "1984" , (écrit en 1948 ), dépeint un monde totalitaire fictif absolument terrifiant.

Raymond Aron estime en 1958, dans Démocratie et totalitarisme, que le totalitarisme a cinq caractéristiques :

  • un parti disposant du monopole de l’activité politique ;
  • une idéologie officielle d’État ;
  •  le monopole du contrôle « des moyens de force et celui des moyens de communication » ;
  •  un contrôle de l’économie par l’État ;
  •  et la mise en place d’une terreur policière et idéologique (2)

" Le propre du totalitarisme est d'escamoter les responsabilités en divisant les tâches et d'entraver toute tentative de résistance en atomisant la société." (Les origines du totalitarisme -Hannah Arendt-1951). Pour la philosophe allemande, un mouvement totalitaire est «  international dans son organisation, universel dans sa visée idéologique, planétaire dans ses aspirations politiques ». Le régime totalitaire, selon Arendt, trouverait sa fin s’il se bornait à un territoire précis, ou adoptait une hiérarchie, comme dans un régime autoritaire classique : il recherche la domination totale, sans limite.

Le système politique libéral est à premier abord à l'opposé de la définition de Raymond Aron, puisqu'il est fondé sur la pluralité politique, qu'il n'y a pas d'idéologie officielle de l'Etat, qu'il n'a apparemment plus ni contrôle de l'information ni étatisation de l'économie, et que la terreur policière n'est utilisée qu'en cas de mise en danger du système. Pourtant si nous déplaçons notre point d'observation et que nous embrassons le système à l'échelle planétaire bien des similitudes apparaissent alors.

TOTALITARISME ET ULTRA-LIBERALISME

Revenons à Arendt qui affirme que le totalitarisme est avant tout un mouvement, une dynamique de destruction de la réalité et des structures sociales, plus qu’un régime fixe. Un mouvement totalitaire est «  international dans son organisation, universel dans sa visée idéologique, planétaire dans ses aspirations politiques » ( 3ème tome des "Origines du totalitarisme :Totalitarianism (Le Totalitarisme), publié en français en 1972 sous le titre Le Système totalitaire.)

De nos jours, l'ultralibéralisme ou néolibéralisme désigne une doctrine économique et politique qui prône un libéralisme absolu où règnent l'économie de marché et l'entreprise privée. Il se caractérise par l'absence de régulation économique de l'État et la place de la liberté individuelle qui est mise au-dessus de tout. L'ultralibéralisme trouve son origine au sein de l'Ecole économique autrichienne et a inspiré les politiques économiques de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, de Ronald Reagan aux Etats-Unis et Augusto Pinochet au Chili dans les années 1970-1980.

L'économie libérale moderne avec la mondialisation des échanges a permis, au détriment des économies et écosystèmes locaux, le développement de méga-entreprises multinationales qui en se concentrant de plus en plus n'ont cessé d'étendre leur emprise et leur pouvoir ,en se libérant de toutes contraintes, imposées par les Etats nationaux. Peu à peu elles enferment l'individu dans un monde dont il ne maîtrise plus aucun des leviers (Monsanto et les nouvelles lois interdisant aux paysans de conserver des graines d'une récolte pour l'année suivante et un exemple emblématique (3) ) et dont les représentants nationaux, sous l'influence de lobbys ou en connivence avec les dirigeants de ces grands groupes internationaux ( Réunion de Bilderberg ( 4 ) ) défont les économies nationales et limitent les prérogatives des Etats en matière de transferts sociaux et de régulation, en pratiquant par exemple le moins-disant fiscal ( L'Europe et ses paradis fiscaux comme le Luxembourg et l'Irlande par exemple ).

L'individu ordinaire est dépossédé de tout moyen d'agir pour modifier le cours des choses. La démocratie représentative ne représente que l'élite de la société et le citoyen de base ne dispose d'aucun pouvoir d'action directe sur les politiques conduites par ses "représentants". Si périodiquement il est autorisé à choisir entre des représentants de la droite libérale et des candidats de la gauche libérale, tout vote protestataire vers des candidats "anti- système" , tout vote " blanc", et tout vote contraire comme le "Non" au référendum sur la constitution Européenne en 2005 sont tout simplement ignorés par le système en place.

L'industrie des médias et du divertissement est elle aussi de plus en plus concentrée et distille de mille et une façons le même discours : " Il existe toujours un produit, un moyen de satisfaire chacun des désirs de chaque sujet" ( 5)  Il suffit de le transformer en besoin irrépressible pour ensuite le livrer en masse au marché et le monétiser, ce que se charge de faire l'industrie publicitaire. ( 6 )

L'industrie de la technologie de l'information et de la communication, elle aussi entre les mains de grands groupes internationaux se charge de dépouiller l'individu de son identité, de son histoire, de sa pensée, de ses goûts musicaux, littéraires et autres. Il en va ainsi des informations personnelles livrées à la toile par des entremetteurs comme les réseaux sociaux, des "achats" de livres ou d'oeuvres musicales téléchargés à partir des serveurs de chez Amazone ou Apple, "achats" qui ne vous appartiennent pas et que vous ne pouvez pas donner à une personne de votre choix.(7)

Comment qualifier des systèmes de production utilisés par ces géants de la consommation de masse qui interdisent toute forme de défense de leur intérêt à des ouvriers sous-payés et exploités, travaillant dans des conditions inqualifiables jusqu'à l'épuisement ( industrie textile au Bengladesh par exemple ).

Enfin le système libéral n'hésite pas à avoir recours à la force et à la terreur si ses intérêts sont remis en cause. Le coup d'Etat de septembre 1973 au Chili piloté par les Chicago Boys est un exemple à ne pas oublier.Aujourd'hui certains montrent encore les dents : ainsi dans un document publié à la fin du mois de mai, le géant des banques d’investissement américain JPMorgan Chase réclame l’abrogation des constitutions démocratiques bourgeoises établies après la Seconde Guerre mondiale dans une série de pays européens et la mise en place de régimes autoritaires. (8)

Déjà à l'origine du libéralisme on avait un double discours ( la" double pensée " de"1984" ?) comme l'écrit Lucien Sève dans le Monde Diplomatique de ce mois de Juin 2013, "La doctrine libérale n’a cessé d’être à double face : message enflammé de liberté individuelle pour les seuls citoyens, hommes blancs propriétaires formant un Herrenvolk, un «  peuple de seigneurs  » — germanisme adopté sans complexe par cette idéologie largement anglophone  ; déni cynique d’humanité non seulement pour les gens de couleur dans les colonies, mais tout autant pour les peuples réputés «  barbares  », comme les Irlandais ou les Indiens d’Amérique, et pour la masse des serviteurs et travailleurs dans les métropoles mêmes "

Cette double face du libéralisme est aussi présente dans la pensée de ces hommes réunis en septembre 1995, sous l’égide de la fondation Gorbatchev, « cinq cents hommes politiques, leaders économiques et scientifiques de premier plan » se sont réunis à l’hôtel Fairmont à San Francisco. L’assemblée commença par reconnaître une évidence indiscutable - que « dans le siècle à venir (21° siècle), deux dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale » Alors que faire pour gouverner les 80 % d’humanité surnuméraire dont l’inutilité a été programmée par la logique libérale ? La solution qui, au terme du débat, s’imposa, fut celle proposée par Zbigniew Brzezinski (ancien conseiller de Jimmy Carter ) sous le nom de tittytainment. Il s’agissait de définir un « cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète » (9)

C'est dans cette répartition des rôles et la discrimination qui en découle que réside le caractère totalitaire du libéralisme mondial. S'il laisse libre cours à une élite, aux experts, aux concepteurs et spécialistes, il contraint la majorité de la population à une standardisation de ses comportements en la livrant à la formidable puissance de ce "système technicien" (10) qui n'a de cesse que d'imposer ses protocoles et de réduire à néant toute pensée critique.

Selon la définition d'un mouvement totalitaire par Hannah Arendt on peut affirmer que le système néolibéral mondial est bien «  international dans son organisation, universel dans sa visée idéologique, planétaire dans ses aspirations politiques » et reprendre la définition du totalitarisme de Raymond Aron en l'actualisant avec l'extension au monde entier de la doctrine néolibérale :

  • Un bipartisme disposant du monopole de l’activité politique : les partis libéraux de droite ou de gauche
  • une idéologie officielle du Grand Marché Mondialisé : Le néolibéralisme
  •  le monopole du contrôle « des moyens de force et celui des moyens de communication » ;
  •  un contrôle de l’économie par le Grand Marché Mondialisé ;
  •  et la mise en place d’une domination policière et idéologique.

N'y a t-il vraiment plus d'alternative face à ce totalitarisme aux "gants de velours" ? C'est ce que voudrait nous inculquer tous les jours "les chiens de garde" du système que sont les journalistes et les experts des grands systèmes d'information.

La science du partage

_____________________________________

(1) (1) J.C. Michéa : "L'empire du moindre mal " Flammarion, Paris, 2007

(2) Démocratie et totalitarisme, chap. XV : « Du Totalitarisme ». cité dans "Choc des civilisations la vieille histoire du "nouveau totalitarisme"

(3) Voir l'article " La Commission Européenne veut criminaliser l'utilisation de semences non enregistrées"

(4 ) la-reunion-secrete-du-groupe-bilderberg-du-6-au-9-juin-2013/

(5 ) Dany-Robert Dufour " L'art de réduire les têtes " Sur la servitude de l'homme libéré à l'ére du capitalisme total Denoël 2003 page 89

(6) En rappel les propos de P. Le Lay , alors PDG de TF1, recueillis en juillet 2004, par la société EIM dans « les dirigeants français et le changement » :

« Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective 'business', soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. […] Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible. »

(7) sur ITune et Kindle les titres et livres que l'on achète reste la propriété d'Apple et d'Amazone.Ces géants peuvent les supprimer du compte du client à tout moment. C’est ce que certains clients américains d’Amazon ont découvert au mois de juillet 2009 quand, parmi certains titres, ont disparu de leurs machines, par la grâce du DRM (Digital Rights Management Systems) et du système de connexion automatique entre la liseuse et son catalogue central, les fichiers correspondant aux deux titres phares de George Orwell, 1984 et la ferme des animaux ( commentaires sur le blog de P.Jorion )

(8) Le document de 16 pages a été réalisé par le groupe Europe Economic Research de JPMorgan et est intitulé « L’ajustement de la zone euro – bilan à mi-parcours. » voir l'article : "JP Morgan prescrit la dictature"

" Les systèmes politiques autour de la périphérie affichent de manière typique les caractéristiques suivantes : des dirigeants faibles ; des Etats centraux faibles par rapport aux régions ; une protection constitutionnelle des droits des travailleurs ; des systèmes recherchant le consensus et qui encouragent le clientélisme politique ; et le droit de protester si des modifications peu appréciées sont apportées au statu quo politique. Les lacunes de cet héritage politique ont été révélées par la crise."

(9) « L’enseignement de l’ignorance » Jean Claude Michéa Editions Climats Pages41-42

(10) Roland Gori : "La fabrique des imposteurs" - Editions les liens qui libèrent -page 145


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20 réactions à cet article    


  • eric 24 juin 2013 09:27

    Bon, on ne peut évidement pas exclure qu’il existe quelque part quelques poignées de gens qui auraient les idées longuement décrites par l’auteur. Mais si cela même était le cas, force serait d’en arriver a la conclusion que si ils sont ultra quelque chose, c’est d’abord ultra minoritaires et surtout ultra inefficaces...
    Depuis qu’on agite cet épouvantail a alterpostneomarixsto quelque chose, ( une trentaine d’années ?), la réalité du monde, c’est que le prélèvement en valeur absolu, des systèmes étatiques n’a baisse nul part et que dans certains cas extrêmes comme la France, il a même crut régulièrement en pourcentage d’un PIB croissant....
    On peut évidemment perdre son temps a combattre ces chimères, mais a une époque ou les États n’ont jamais dispose d’autant de moyens et que les résultats sociaux de leur action sont aussi évidemment discutables, comme le constate l’auteur mais en se trompant sur les vraies causes, ne serait il pas plus utile, et surtout plus social de se préoccuper du vrai problème : la bureaucratisation de nos états au service des corporations égoïstes qui en vivent ?

    Ces gens s’inventent un ennemi a leur image. Ils feraient mieux de se regarder dans un miroir...


    • demosoluce 24 juin 2013 16:29

      Ce que vous oubliez éric dans votre raisonnement mais qui est central, c’est justement que l’Etat, c’est nous, vous. Donc en « combattant » la préséance de l’Etat, c’est bien vous qui vous battez contre vous-mêmes.

      Oui, l’Etat nous a été volé, mais si vous creusez un peiti peu, vous comprendrez que les sommes apparremment jetées par les fenêtres ne sont pas perdues pour tout le monde, et que ce ne sont pas les fonctionnaires qui en profitent le plus.


    • eric 24 juin 2013 20:54

      Mais non l’État ce n’est pas nous. C’est l’instrument que nous nous donnons pour avoir prise sur la société et la gérer. La grande question est d’en assurer le contrôle démocratique. ce n’est plus possible quand la bureaucratie tient tous les leviers. QUand a l’argent, allez voir les taux de rentabilité des entreprises et la part du PIb consacrée aux retraites des fonctionnaires avant de faire des hypothèses sur sa destination. Tous les chiffres sont disponibles. L’hyptothese d’un « hyperliberalisme entrepreneurial » qui mettrait toutes ses forces a assurer avec succes, la baisse tendancielle des taux de profit est la base des raisonnements de cet article.


    • Francis, agnotologue JL 24 juin 2013 10:29

      Bonjour Karol,

      j’avais l’intention de commenter ça, je vous cite :

      ’’l’ultralibéralisme ou néolibéralisme désigne une doctrine économique et politique qui prône un libéralisme absolu où règnent l’économie de marché et l’entreprise privée. Il se caractérise par l’absence de régulation économique de l’État et la place de la liberté individuelle qui est mise au-dessus de tout.’’

      Mais eric ci-dessus me donne l’occasion d’en dire plus : il est faux de dire que le libéralisme se caractérise par l’absence de régulation économique de l’État. Cela c’est justement le discours libéral. En fait, on devrait parler de fascisme libéral : l’État est au service des puissants.

      Et ce sera la réponse du berger à la bergère eric : les classes moyennes sont lourdement taxées pour pratiquer ce que la droite appelle pudiquement la politique de l’offre et qui n’est en fait que du keynésianisme à l’envers, un transfert d’argent depuis le bas vers le haut, une variation sur le thème de la théorie du ruissellement.

      Il est également faux de dire que ’’la liberté individuelle (qui) est mise au-dessus de tout’’

      Et ce ne sont ni les Julian Assange et autres Edward Snowden ni l’auteur qui dit lui-même plus loin, ’’L’individu ordinaire est dépossédé de tout moyen d’agir pour modifier le cours des choses’’ qui me contrediront.

      Et ce sera ma question :

      Quelle différence faites vous entre le Système néolibéral (un totalitarisme) et cette ’’idéologie officielle du Grand Marché Mondialisé : Le néolibéralisme’’ ?

      Plus précisément : comment concilier cette définition que vous avez donné du libéralisme - et que j’ai citée - et votre conclusion ?


      • Karol Karol 24 juin 2013 10:49

        OK. J’aurais dû être plus précis car il s’agit de la définition que donnent généralement les libéraux pour vendre leur doctrine. ("De nos jours, l’ultralibéralisme ou néolibéralisme désigne une doctrine économique et politique qui prône un libéralisme absolu où règnent l’économie de marché et l’entreprise privée. Il se caractérise par l’absence de régulation économique de l’État et la place de la liberté individuelle qui est mise au-dessus de tout." )

        Cette définition donnée par les libéraux de leur système est inconciliable avec ma conclusion.


        • Francis, agnotologue JL 24 juin 2013 12:07

          Hé bien on pourrait écrire :

          "De nos jours, l’ultralibéralisme ou néolibéralisme désigne une doctrine économique et politique qui prône l’économie de marché dans tous les domaines d’activités commercialisables et où règnent en maîtres les entreprises multinationales. Il se caractérise par la mise en concurrence des États et le mépris des libertés individuelles"


        • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 24 juin 2013 13:28

          Salut,

          Beau morceau, intéressant à lire. Il me vient à l’esprit en vous lisant, que le libéralisme a réussi en quelque sorte à superposer, comme dit Arendt, ses « visées », (pour résumer la notion de « réussite financière » tant individuelle que systémique), à celles des « visions » idéalistes, pour la plupart moribondes depuis l’avortement de 68 : Triste.
          Transformer la visée de l’enrichissement individuel en une vision sociétale semble pourtant impossible et antinomique. Difficile de suspendre l’esprit et l’imagination à la logique de rentabilité.
          La rentabilité parfaite n’est-elle pas : investissement = 0, bénéfices = infinis ? summum de la réussite. Dans la relation contractuelle sociale (sens rousseau-iste) actuelle, la prééminence toujours croissante de la finance sur le sociétal a transformé le relationnel en transactionnel.
          La réussite commerciale est érigée en doctrine universelle.
          Le totalitarisme, c’est le paroxysme du pouvoir du commerce.

          Ceci-dit (rien à voir) autant 1984 est intéressant, on n’ y est pas loin d’Huxley... ? autant, et je ne sais pas pourquoi (quoique...) Animal Farm m’emmerde... McCarthy s’en est trop servi, peut-être... va savoir...


        • Karol Karol 24 juin 2013 12:25

          Je suis en accord avec votre définition. Mais je voulais simplement partir de la définition la plus classique pour aller vers ma conclusion qui pourrait reprendre votre proposition.


          • Daniel Roux Daniel Roux 24 juin 2013 14:40

            Merci à l’auteur pour cet article documenté.

            Le but d’une multinationale, de ses actionnaires, est le profit et peu importe les moyens employés. A l’échelon mondial, les lois et les morales sont très relatives. Ce qui est nocif ici, est accepté là-bas et vice versa.

            Une multinationale, surtout s’il s’agit d’une banque, devient intouchable lorsque sa faillite entraîne la faillite du système. Trop grosse pour faire faillite, elle devient systémique.

            La cupidité est le moteur de l’activité humaine dès lors que les besoins primaires sont satisfaits.

            Les hommes politiques et les médias sont les intermédiaires imposés comme nécessaires entre les ultra riches et le peuple. Nous voyons, dans leurs comportements, qu’ils sont corrompus et qu’ils défendent les intérêts des ultra-riches.

            Les centrales nucléaires continuent de fleurir malgré leur évidente dangerosité, la brevetisation du vivant, la spéculation, les paradis fiscaux, la polution de l’eau, des terres et de l’air s’amplifie. Ils nous mènent à la catastrophe et nous ne pouvons rien y faire..

            C’est extrèmement désolant.


            • Philippe VERGNES 24 juin 2013 15:52

              Bonjour Karol,

              Une bien belle analyse très pertinemment documentée. FREUD disait : « Ce qui est demeuré incompris fait retour ; tel une âme en peine, il n’a pas de repos jusqu’à ce que soit trouvé solution et délivrance ».

              Cette remarque de FREUD appliquée à propos du « Petit Hans » dans Cinq psychanalyses est tout aussi valable à diverses échelles : individuelle, groupale ou sociétale. Pour cette dernière, le totalitarisme fait et fera retour sous diverses formes tant que nous n’en auront pas saisi la (ou les) racine(s).

              J’affectionne particulièrement les auteurs des pays de l’est tout comme ceux ayant survécu à la Shoah pour le regard et la sensibilité qu’ils ont développés en vivant au plus près des régimes dictatoriaux et également pour la précision des analyses qu’ils fournissent. Ils nous instruisent bien plus que ne le font les « experts » d’aujourd’hui sur la réalité du monde dans lequel nous vivons. A lire à cet effet en rapport au sujet de votre article, l’interview réalisé en 1999 d’Alexandre ZINOVIEV qui prédisait déjà ce que nous sommes de plus en plus en train de constater à l’heure actuelle.

              Le réveil des consciences n’est pas pour demain... malheureusement. Pour autant cela ne justifie pas le fait de ne rien faire en ce sens et votre article contribue remarquablement bien aux prises de conscience nécessaires aux changements souhaitables à apporter dans notre société.


              • Libertarian Libertarian 24 juin 2013 19:02

                Bonjour Karol,

                Ce n’est pas osé de penser que nous sommes retombés dans le totalitarisme. Je vous invite, si ce n’est déjà fait à regarder « Freedom to fascism » d’Aaron Russo qui est très documenté sur ce sujet.


                • ffi ffi 24 juin 2013 19:18

                  Un totalitarisme cherche à dominer tous les intérêts, toutes les relations, tous les liens, et à les absorber en lui-même.

                  intérêt : du latin interesse -> littéralement : Entre les Êtres, l’inter-Être.
                   
                  ex : dans le communisme le parti cherche à dominer tous les intérêts dans la société, que ce soit en famille, au travail, le pouvoir en place veut se mêler de tout.
                   
                  Le totalitarisme actuel est le totalitarisme Marchand. Tout lien doit être à terme marchand, que ce soit la reproduction (mariage homosexuel, reproduction artificielle), les liens d’échange entre voisins (plus de dons gratuits). Ce totalitarisme marchand correspond à l’exigence politique de croissance pécuniaire des grandes multinationales.


                  • tf1Goupie 24 juin 2013 19:38

                    Vu le nombre de réglementations dont nous bombarde annuellement Bruxelles il me semble surprenant de supposer une disparition de la régulation.

                    Par ailleurs Internet me semble contradictoire avec le critère qui dit que l’individu est dépossédé de tout moyen d’agir pour modifier le cours des choses


                    • ffi ffi 24 juin 2013 22:17

                      Sauf qu’internet, c’est une liberté pensée surveillée dès le départ,
                      où tous les liens - y compris d’amitié ou de famille - se devraient de passer par un média externe, où toute communication interpersonnelle est possible à épier.


                    • Karash 24 juin 2013 19:57

                      "L’économie libérale moderne avec la mondialisation des échanges a permis, au détriment des économies et écosystèmes locaux, le développement de méga-entreprises multinationales qui en se concentrant de plus en plus n’ont cessé d’étendre leur emprise et leur pouvoir ,en se libérant de toutes contraintes, imposées par les Etats nationaux« 

                      Les entreprises multinationales sont des pures constructions des états nations dirigistes. L’ensemble des politiques fiscales des pays développées sont soit construites pour, soit suffisamment mal faites pour avantager les entreprises en place, notamment les plus grandes d’entre elles. L’idée que la finance et l’industrie soient sous règlementées en France, par exemple, est simplement délirantes. Des dizaines de milliers de pages de règlementations existent sur tout et surtout n’importe quoi. Le problème vient du fait que soit ces règlementations sont mal faites ou obsolètes, soit inappliquées, soit par blocage politique, soit par manque de moyens et de directives pour faire fonctionner efficacement le système policier et judiciaire.

                      Quand vous dénoncez le »néolibéralisme", vous dénoncez simplement la corruption et l’inefficacité croissante de l’Etat. Sauf qu’en plus, vous vous privez de penser la sortie de ce système hors de la pensée marxiste, dont l’histoire a pourtant montré qu’elle pousse structurellement ses partisans .. vers le totalitarisme.

                      Lisez donc les auteurs libéraux, plutôt que de leur cracher à la gueule par pur conformisme.


                      • Richard Schneider Richard Schneider 24 juin 2013 20:10

                        Bonjour Karol,

                        Votre article est dans la droite ligne de celui du 10 juin - article que j’avais apprécié.
                        Si je partage votre conclusion, je me permets de souligner un petit désaccord : difficile d’énoncer sans nuance que le libéralisme est synonyme de totalitarisme. La mondialisation ultra-libérale qui est entrain de triompher un peu partout n’est pas un totalitarisme, stricto sensu. Le libéralisme se démarque du totalitarisme, car il repose sur la liberté individuelle - alors que le totalitarisme, parce qu’il englobe TOUT, ignore, voire combat cette liberté individuelle. 
                        Mais, vous avez raison : la conclusion est la même. Politiquement, économiquement, culturellement, la mondialisation, tout en respectant (hypocritement) les libertés individuelles, aboutit au nivellement, in fine par le bas, des civilisations : coca-cola, magdo, jeans, médias (idéologie), langue (le globish), culte de la réussite et de l’argent, même système politique (calqué de préférence sur le modèle US) etc ...
                        Bonne soirée,

                        RS.


                        • soi même 24 juin 2013 20:23

                          Je vais sans doute te heurter, mais il y a une phrase que j’ai entendue un jour qui ma fait un électrochoc, Par quel amour de moi même je ne suis attire cette insatisfaction....


                          • bluebeer bluebeer 24 juin 2013 21:30
                            Bonsoir,

                            très intéressant article. Nous baignons dans l’idéologie libérale depuis de nombreuses décennies, celles-ci ayant bénéficié de toute l’aura du modèle américain après la seconde guerre mondiale et n’ayant plus été contestée en Europe occidentale depuis le milieu des annes 80. A l’époque des deux blocs, il semblait entendu que la liberté politique ne pouvait exister sans liberté économique et sans liberté d’entreprendre. 

                            Car le véritable pilier du libéralisme dans nos sociétés, c’est bien le caractère sacré de la propriété privée et de la liberté d’entreprendre, revendications initiales d’une catégorie industrieuse qui au moyen-âge a voulu garantir les moyens de sa prospérité face à la rapacité d’une artistocratie guerrière et hautaine. Par la suite, à la fin du temps des despotes et au début du temps des industries, les libéraux ont adapté leur discours pour justifier leur avènement, estimant juste et nécessaire que ceux qui entreprenaient et créaient de la prospérité puissent recueillir le fruit de leur mérite et de leur labeur en occupant des positions élevée. 

                            Il s’agissait selon eux de l’ordre naturel des choses, inspiré par les puissances divines ou issu de la loi de sélection naturelle. Dans tous les cas, la compétition est saine et juste pour la société, et les esprits supérieur doivent faire preuve de pugnacité pour triompher et guider les faibles. Donc lutte et compétition sont inhérentes à cette idéologie où par essence, le meilleur doit gagner et diriger, leur mérite étant attesté par leur richesse et leur réussite financière.

                            Pour que ce système soit efficace, cependant, il faut que la compétition soit franche, ouverte, et que les perdants assument leurs échecs. La solidarité imposée est contre-productive, injuste. Comme le reste, la solidarité est affaire de conscience personnelle, et laissée à l’initiative individuelle. Le collectivisme est une aberration, la négation du mérite, le nivellement par le bas. Le libéralisme s’accommode parfaitement d’une spiritualité cloisonnée, rangée dans une sphère distincte, étrangère aux affaires de ce monde, ce qui facilite le matérialisme et l’accumulation des 
                            biens comme aune de la valeur individuelle. Le libéralisme n’exige pas mais favorise l’exaltation narcissique de l’individu au travers de la consommation de biens de prestige. 

                            Il y aurait beaucoup de chose à dire sur cette conception, mais pour faire simple : Le libéralisme crée naturellement des oligarchies. Ces oligarchies ne ressentent pas de solidarité avec les classes inférieures : ils sont les gagnants, nous sommes les perdants, deux espèces différentes. Le libéralisme n’a aucune ambition d’organiser une société, encore moins une société juste. Le succès est juste, la victoire est juste, le reste n’est que bavardage. Il n’y a pas de règle pour gagner, et finalement, le gagnant est celui qui ose transgresser les règles. No hard feeling, just business. 

                            Pour l’instant, le profit passe par le commerce, la production et circulation de biens, et nous sommes encore utiles, comme producteurs ou comme consommateurs. Plus tard, les machines feront le boulot, les gens deviendront inutiles, mais la partie de monopoly continuera, jusqu’à la fin. Les oligarques ne forment pas une classe unie, solidaire. Ils sont comme les anciens féodaux. Ils possèdent le monde, se combattent, s’élimine, s’allient entre eux et se marient. Petit à petit, quelques uns prendront l’ascendant sur les autres. Ce sont les futurs despotes. Ils possèdent la technologie grâce à leurs armées de techniciens, d’ingénieurs, de scientifiques. Ils visent l’immortalité. Pas pour tous, ça va sans dire.

                            Et nos vie à nous sombrent dans un matérialisme insipide, sans perspective. Nous sommes devenus individualistes, méfiants, conformistes. Le peu que nous avons, nous avons peur de le perdre. La solidarité s’effrite, les liens de familles, de communautés s’effilochent. Nous sommes des rebuts, nous ne participons plus à la marche du monde. Notre contribution n’est pas désirée. Éventuellement, si elle l’était, ce serait comme larbin, pas comme partenaire, il s’agit d’un club très fermé. On nous donnerait plus de babioles avant de nous congédier et de nous remplacer par un autre ou une machine. Nous somme devenus anonymes, nous ne comptons plus. Qu’il est loin le temps des premiers hommes et de la tribu, celui où chaque bras, chaque œil comptait et contribuait à la sécurité et à la prospérité de la communauté.

                            Ils nous disent que planifier nos sociétés, nos besoins, nos moyens de production, est un non sens, que ça marche beaucoup moins bien que l’initiative individuelle et la compétition. La vérité, c’est qu’ils veulent tout pour eux, uniquement pour eux. Et qu’ils se soucient comme d’une guigne de ce qui nous arrive. La seule chose qui pourrait changer tout ça, c’est notre révolte. Mais notre révolte n’arrivera pas tant qu’il nous restera quelque chose à perdre. Nous en sommes là, à surveiller la ligne de flottaison en se disant que ça va s’arranger. L’avenir n’est pas radieux.

                            • Richard Schneider Richard Schneider 25 juin 2013 10:07

                              @blueber :

                              Une chose est certaine : les lendemains qui chantent ne sont pas pour demain ...

                              « Et nos vie à nous sombrent dans un matérialisme insipide, sans perspective. Nous sommes devenus individualistes, méfiants, conformistes. Le peu que nous avons, nous avons peur de le perdre.  »
                              C’est tout-à-fait exact.

                            • aleatoire 3 août 2013 12:21

                              A propos de la lecture des théoriciens libéraux :

                              Votre ami HAYEK est certes très brillant. Mais toute sa thèse repose sur l’idée, le plus souvent implicite, que « la grande société ouverte » comme il dit, est fondamentalement centrée sur le marché ; qu’il est absolument impossible d’envisager une organisation fondée sur le don, la création...
                              Certes, il veut bien un peu de « care » pour pallier les insuffisances du marché.

                              Un abruti grave

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