Tous des moutons ?
Qui est un mouton ?
Celuis qui croit ce qu'il voit à la télévision ou dans les médias, qui fait confiance aux hommes politique et aux experts ? Ou celui qui relaie systématiquement tout ce qui lui passe sous le nez sur le Web ?
Qui est le plus naif ? Celui qui gobe tout ce que racontent les journalistes ou celui qui croit qu'il peut comprendre les enjeux du monde actuel en visionnant trois vidéos sur Internet ?
A tous les êtres humains,
A vous mes compatriotes,
Mes chers frères, mes chers sœurs,
Je me sens obligé de vous faire part, en ce jour anniversaire de la tragédie qui a ensanglanté Paris le mois dernier, de la tristesse qui est la mienne tandis que je constate l'attitude de certains d'entre nous face à l'enchainement d'évènements inquiétants que connais le monde depuis une bonne quinzaine d'années.
Tandis que les fondations de notre système politique et économique se délitent, j'en vois qui s'accrochent becs et ongles aux idées dominantes qu'ils ont fait leur, et qui semblent incapables de faire preuve d'une once de réflexivité, tant au niveau personnel que sociétal. Ceux-là, telle l'armée des agents Smith du film Matrix, répètent en cœur la messe des grands prêtres de l'idéologie néo-classique conservatrice. Ils se font les missionnaires zélés des mythes d'aujourd'hui : la croissance, les marchés, la méritocratie, le travail, la "démocratie" et j'en passe.
J'en vois d'autres qui, sortis violemment de leur fascination pour le dogme moderne, se trouvent en proie à une agitation intérieure naturellement perturbante pour eux : "on m'aurait menti ?". Ces derniers, tout sincères qu'ils puissent être, sont la proie de "l'autre propagande", celle des "allumés de la conspiration", celle des "prophètes modernes", qui inventent des histoires passionnantes et de plus en plus crédibles, mélangeant allègrement des faits indiscutables avec des déclarations mensongères ou des interprétations fumeuses (en fait, exactement les mêmes méthodes que le pouvoir dominant). Nos braves papillons, tout juste sortis de leur cocon d'illusion et d'ignorance, sont tellement désemparés par le doute immense qui les assaillent qu'ils se précipitent sur la première idée séductrice pour combler le vide laissé par l'abandon de leurs croyances antérieures. Ils se mettent alors à répéter en cœur toutes les âneries qui circulent sur le Net et agressent avec virulence toute personne qui refuse de croire à leurs histoires, persuadés d'avoir enfin trouvé la vérité vraie (pour certains en trois clics sur internet et en visionnant quelques vidéos, à quoi bon étudier ?). Il peut encore m'arriver de tomber dans le piège, mais je me soigne.
Enfin j'en vois quelques-uns qui, gardant la tête froide, consacrent une bonne partie de leur temps libre à lire, à se former à différentes matières (économie, histoire, anthropologie, politique, sciences dures), afin d'acquérir le minimum de bagage nécessaire à tout individu pour ne pas devenir la proie des "marchands de mythes" qui pullulent dans les médias de masse et sur le Web (et dont certains sont très doués, je dois l'admettre). Ceux-là comprennent sans doute mieux que quiconque la tristesse qui est la mienne. Je rêve d'une humanité qui ne soit plus mue principalement par l'irrationnel. Croyez-vous que ce rêve se réalisera un jour ?
On pourrait avoir une foule de citoyens confiants et instruits, s'informant intelligemment sur différents sujets cruciaux pour comprendre le monde actuel et envisager des actions concrètes qui permettraient de corriger les erreurs qui nous conduisent à grands pas vers la catastrophe. Au lieu de cela, on a d'un côté des moutons qui se réfugient dans l'ombre de leurs bergers, et de l'autre une armée de brebis égarées qui suivent naïvement le premier pâtre qui passe par là.
J'entends souvent dire au sujet des premiers qu'ils sont abrutis par la télévision, que ce sont des idiots qui ne savent pas réfléchir pas par eux-mêmes. Qui est le plus "abruti", celui qui se fie naïvement au discours officiel, postulant qu'on peut faire confiance aux médias de masse et à nos élites ? Ou celui qui croit qu'il a tout compris sur tout grâce à quelques vidéos et trois articles visionnées sur le Web ?
Mon point de vue c'est que le second est non seulement plus "abruti" (je dirai plutôt naïf), mais aussi beaucoup plus dangereux et nuisible à l'émergence d'un monde nouveau, lequel serait plus propice à l'épanouissement et au bonheur de chacun.
La paresse intellectuelle et morale d'une grande partie des soi-disant "alternatifs", d'une part décrédibilise tout ceux qui s'échinent à démontrer l'inefficience du système économique actuel, l'imposture des gouvernements, l'ampleur des dégâts environnementaux, les réels enjeux géopolitiques d'aujourd'hui, etc. ; et d'autre part, par la tendance à toujours tirer la couverture à soi, elle nous divise, nous les peuples, en créant des oppositions factices sur des points de détail.
Après toutes ses années de "lutte", je suis toujours sidéré devant ce constat de division parmi les gens qui se bougent pour "faire changer les choses". Comment est-il possible que les mouvements citoyens actuels s'ignorent les uns les autres voire se bagarrent entre eux pour savoir qui est le plus légitime ? J'ai parfois l'impression d'être dans une cours d'école entouré de gamins de dix ans... Tout cela est très humain, mais ça ne nous mènera à rien. Ceux qui exercent le pouvoir aujourd'hui, s'ils se tirent dans les pattes à certaines occasions, savent globalement très bien s'entendre sur l'essentiel : maintenir leur pouvoir.
Et quand certains parmi nous se regroupent c'est autour d'un "chef", qu'il soit autoproclamé ou désigné par le cheptel "révolutionnaire" incapable d'agir en autonomie. Cette situation génère des craintes légitimes chez les "bien-pensants", et pousse une partie d'entre eux à se raccrocher encore plus au pouvoirs actuels. Le désarroi de nos jeunes papillons se manifeste le plus souvent par un phénomène de "gouroutisation" de ces personnalités clés de la dissidence, là où l'on aurait besoin d'une multiplication des "Pierre Rabhi", des "Etienne Chouard", des "Naomi Klein", des "Noam Chomski", etc.
Je parle de paresse, car pour prendre la voie de ces leader de la dissidence, chacun doit accepter de faire quelques sacrifices sur son bien-être personnel, de passer du temps à s'instruire sérieusement, de construire un raisonnement solide, de confronter sa pensée aux autres, avec écoute et respect, sans prétendre détenir la vérité suprême. Chacun doit se montrer capable d'un minimum d'empathie envers autrui, et sortir de l'impasse des raisonnements binaires (les gentils/méchants, les capitalistes/communistes, etc.).
Je crains malheureusement que le changement n'est possible et souhaitable que si chacun d'entre nous l'opère d'abord sur lui-même, sans quoi toute révolution aboutira à un autre système inapproprié. Naturellement cela exige infiniment plus de ressources que de simplement faire le perroquet, confortablement assis derrière son écran d'ordinateur. Mais chacun doit avoir foi en lui, croire en ses capacités et ne pas se dénigrer lui-même. Au besoin, il peut se faire aider, et se tourner vers les nombreux acteurs de l'éducation populaire, qui est de mon point de vue, le fer de lance de l'augmentation des capacités de la population à s'emparer de la politique, et non plus seulement de la subir.
En conclusion, ce qui me chagrine c'est qu'on ne soit pas plus curieux de tout, qu'on se borne souvent à adopter des croyances toutes faites parce qu'on accepte ni l'inconfort du doute, ni les exigences requises pour accéder à la connaissance. Ce qui me chagrine c'est de voir autant de gens perdre leur temps sur des inepties au lieu de se donner les moyens de construire une analyse pertinente de nos sociétés et du monde dans lequel on vit.
Je vous en conjure, soyez curieux, doutez, lisez, et surtout gardez-vous de figer vos conclusions trop hâtivement !
Fraternellement,
Fabien.
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