Un régime totalitaire et fascisant
Nous avons montré dans un précédent article que le régime sous lequel nous vivons n’a plus rien à voir avec ce qu’était la Vème République à son origine. Nous avons conclu que la Vème République est morte (https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-veme-republique-est-morte-213116). Nous allons maintenant caractériser le pouvoir actuel comme un régime totalitaire et fascisant. Sur le même thème, vous pouvez visualiser sur YouTube la vidéo de François Asselineau intitulée « La France devient-elle fascisante ? »
Voyons d’abord en quoi il est totalitaire. Le terme peut paraître fort. Est-il exagéré ? Certes nous n’en sommes pas encore à un régime de parti unique mais, à part cela, il a bien toutes les caractéristiques du totalitarisme. Le pouvoir tente en effet de s’immiscer jusque dans la sphère intime de la pensée en imposant à tous les citoyens l’adhésion à une idéologie. Ceux qui la contestent sont considérés comme des ennemis du régime. Le pouvoir impose en toute chose une vérité à tous les citoyens et il ne supporte aucun doute. Il ne tolère aucune critique. Ceux qui tiennent les manettes du pouvoir veulent contrôler la totalité de l’appareil étatique. Ils veulent disposer de l’ensemble des moyens de communication utilisés comme des instruments de propagande. Voilà bien les caractéristiques essentielles d’un régime totalitaire. Voyons si elles s’appliquent à ce que nous vivons en France.
Il n’y a plus de réels débats sur les chaînes de télévision. Si des invités de divers partis sont conviés à discuter dans une émission, en fait, ils ne peuvent discuter que de quelques nuances par rapport à une orientation érigée en dogme. Ainsi une discussion sur l’Union Européenne ne se tiendra qu’entre des défenseurs de l’Union Européenne. Chacun pourra amener ses nuances et expliquer quelle autre Europe il veut. Mais, alors que les français se sont prononcés majoritairement contre cette UE lors du référendum de 2005, personne ne sera invité pour expliquer qu’il faut sortir de l’UE. Le point de vue majoritaire des français est censuré. Il faut tout autant être contre le Brexit, contre Poutine, contre Trump, contre Bachar El-Assad… Il faut approuver toutes les actions guerrières de l’état français contre l’Afghanistan, contre l’Irak, contre la Lybie, contre la Syrie… Il faut être pour le pacte de Marrakech et pour le traité franco-allemand d’Aix La Chapelle. Il faut approuver le coup d’état anticonstitutionnel au Venezuela. Personne ne pourra défendre un point de vue qui n’est pas conforme au formatage imposé. Patrick Cohen, chroniqueur sur France 5 de l'émission "C à vous", ne cesse d’invoquer un « sens de la responsabilité » pour demander que soient interdits d’antenne ceux qui dévient par rapport au dogme. Ils sont qualifiés de conspirationnistes, de complotistes voire même de terroristes. Il est ainsi impossible de faire état de vérités historiques dûment établies comme le fait que, Walter Hallstein, premier président de la CECA, ancêtre de l’UE, était un ancien nazi ou que Jean Monnet, qui œuvra à la mise en place de cette commission était financé par la CIA. Patrick Cohen fut ainsi amené à reprocher au journaliste Frédéric Taddeï d’inviter des « cerveaux malades ». Celui-ci, fut par la suite, remercié pour deux émissions qu’il animait : « Ce soir ou jamais » et « D’art d’art ». Faut-il penser que l’avis de Patrick Cohen a fini par s’imposer chez nombre de patrons des chaînes de télévision ? Les chaînes de télévision semblent entièrement dédiées à Emmanuel Macron. Elles font la promotion de son grand blablabla, avant d’entamer sa précampagne puis sa campagne pour les européennes. On ne voit que lui à la télévision. Les instituts de sondage nous abreuvent sans cesse de sondages mirobolants en sa faveur… Staline, Mao, Franco ou Castro étaient-ils mis davantage en avant dans leur pays respectif ? C’est invraisemblable !
Les pensées déviantes par rapport aux dogmes du régime ne peuvent s’exprimer que sur les réseaux sociaux c’est-à-dire hors de la presse dominante. Cela rappelle que les écrits des opposants dans la Russie stalinienne circulaient de la main à la main. Ils formaient « le Samizdat » : mot russe signifiant « édité par soi-même ». Le Samizdat français se trouve aujourd’hui sur Facebook, AgoraVox, les blogs de Médiapart…
Comme dans tout régime totalitaire, le pouvoir en France, veut museler toute opposition. Pour cela il bafoue les libertés. Nous touchons ainsi à une autre caractéristique de ce régime : il est fascisant. Il cherche à renforcer la prépondérance de l’exécutif sur le législatif et donc à affaiblir la séparation des pouvoirs.
Dès octobre 2017, cinq mois après son élection, Emmanuel Macron fait transposer dans le droit commun l’essentiel des mesures sécuritaires de l'état d'urgence. Cela revient à placer la France en état d’urgence permanent. L’exception devient la règle. L'exécutif obtient des pouvoirs exorbitants. Il est désormais possible pour l’administration de décider d’assignations à résidence, de détentions provisoires, de perquisitions administratives, de collectes de données personnelles, de fermetures de lieux de culte sans aucun contrôle judiciaire a priori. Il faut bien prendre la mesure de cette atteinte aux libertés. Chacun de nous peut maintenant être arrêté à tout moment, être emmené en garde à vue pendant que son logement est perquisitionné. Quand il sera relâché, personne ne sera tenu de s’excuser ni même de fournir la moindre explication.
Le 10 septembre 2018, la loi asile-immigration est promulguée. C’est une loi liberticide contre les migrants. Elle est sécuritaire, discriminatoire et xénophobe. Voilà encore bien une caractéristique d’un régime fascisant. Elle vise principalement à accélérer les procédures de demandes d’asile en opérant des contrôles plus stricts et des tris cyniques entre les migrants. Parmi les mesures les plus scandaleuses, ce projet consacre le principe de délation organisée qui commande aux intervenants du 115 et des différents centres d’accueil et d’hébergement d’adresser mensuellement la liste des personnes hébergées qui sont réfugiées ou dans l’attente de leur demande d’asile à l’OFFI (Office français de l’immigration et de l’intégration). Elle double la durée maximale de rétention qui passe ainsi de 45 à 90 jours. Elle favorise l’enfermement et elle orchestre une régression de l’accès aux droits. Des milliers de personnes sont ainsi enfermées dans les sinistres « camps de rétention » parce qu’elles sont pauvres et étrangères et que l’administration souhaite les éloigner du territoire en les privant ainsi de façon disproportionnée de leur liberté. Avec elles, leurs enfants sont de plus en plus nombreux à être retenus et donc enfermés. Le nombre d’enfants enfermés est passé de 41 à 304 en quatre ans.
Dans la foulée, Emmanuel Macron fait voter une loi dite "anti-casseurs" qui limite le droit de manifester. Sans rentrer dans des détails juridiques, Amnesty France indique qu'un manifestant cherchant à fuir les violences et se couvrant le visage pour se protéger risque alors bien plus gros qu'une arrestation arbitraire : « Un an de prison et 15.000 euros d'amende, une peine d'interdiction de manifester et, enfin, une inscription sur le fichier national des personnes recherchées en tant que personnes interdites de manifester ». Les préfets pourront interdire de manifester en se basant sur des motifs très vagues. Le gouvernement instaure ainsi une dangereuse présomption de culpabilité et transfert les prérogatives des juges à des préfets aux ordres. Lors de la discussion à l’assemblée nationale, le député centriste Charles de Courson, a fait une utile mise au point :
« L’article 2 en l’état est un monstre juridique. C’est un monstre juridique puisqu’au fond, on réinvente ce qu’on appelait au XIXème siècle : les classes sociales dangereuses. Vous voyez… La présomption de culpabilité… Ce texte est fondamentalement anticonstitutionnel, puisqu’une autorité administrative va priver un individu de sa liberté de circulation et de manifester au motif qu’il y a une présomption (…) des raisons sérieuses de penser… Mais qui apprécie « les raisons sérieuses » : l’autorité administrative ? Eh bien allons-y ! …de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. Mais, où sommes-nous mes chers collègues ? Mais, c’est la dérive complète ! On se croit revenu sous le régime de Vichy. (Protestations sur les bancs de la droite) Mais oui, mais oui mes chers collègues ! Oui, je dis bien le régime de Vichy ! Mais oui. Vous êtes présumé par votre attitude, vous êtes présumé être résistant donc on vous « entaule » … Voilà ! Par l’autorité administrative. Mais, où sommes-nous ? Mais réveillez-vous mes chers collègues ! Alors, il faut absolument voter les amendements de présomption et l’amendement du gouvernement j’en dirais un petit mot. (En aparté) Non, non ! Ce n’est pas du violon chère madame. Parce que le jour où vous aurez un gouvernement différent, vous verrez… Et, quand vous serez dans l’opposition, avec une droite extrême au pouvoir, vous verrez mes chers collègues. Alors, c’est une pure folie que de voter ce texte ! Une pure folie ! Alors réveillez-vous ! Y compris les nombreux collègues de la majorité qui ne partagent absolument pas cette position et qui savent que c’est une folie que de voter cela. Alors, il faut voter ces amendements de suppression et après on peut discuter. Seule une autorité judiciaire peut interdire… (il est interrompu) »
Charles de Courson est le digne fils d’Aymard de Courson, résistant, et le petit-fils de Léonel de Moustier, l’un des 80 parlementaires ayant refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain en 1940.
Avec ce nouvel arsenal juridique, il faut assurément développer les moyens de répression. C’est aussi une caractéristique des régimes fascisants. En même temps qu’il s’attaque aux libertés fondamentales, le gouvernement criminalise le mouvement social et se lance dans des mesures de répression d’une ampleur rarement vue. Il veut mater toute expression d’une opposition. Les condamnations contre des manifestants pleuvent à grande vitesse tandis que « l’ami » Benalla se pavane autant qu’il le veut. Ce flagrant deux poids deux mesures révolte tous les français. Mais il y a sans doute pire : les violences policières contre les manifestations des gilets-jaunes ont entrainé de nombreuses mutilations. Voici un bilan provisoire en date du 8 mars 2019 :
- Une femme de 80 ans décédée à la suite d’une blessure par grenade lacrymogène ;
- 5 personnes ont eu la main arrachée (grenade GLI F4) ;
- 21 personnes ont perdu un œil (balles de LBD 40 et grenades de désencerclement) ;
- 1 personne a perdu définitivement l’audition.
Une telle démesure dans la répression n’a plus rien de légitime. L'interdiction des LDB (Lanceur de Balles de Défense) et des armes intermédiaires contre les manifestants devrait être une évidence. Ces violences policières sont condamnées dans le monde entier. Ainsi, le Parlement Européen, le jeudi 14 février 2019, a condamné « Le recours à des interventions violentes et disproportionnées par les autorités publiques lors de protestations et de manifestations pacifiques ». Le 26 février 2019, c’est le Conseil de l’Europe, par la voix de sa commissaire aux droits de l’homme Dunja Mijatovic, qui a appelé à « suspendre l’usage du LBD dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre » afin de « mieux respecter les droits de l’Homme » et « ne pas apporter de restrictions excessives à la liberté de réunion pacifique » lors des manifestations des gilets-jaunes. Puis, c’est la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, qui a déclaré le 6 mars 2019 à Genève : « Nous encourageons le gouvernement (français) à poursuivre le dialogue et demandons urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force ». Les gilets-jaunes manifestent contre « ce qu’ils considèrent comme (leur) exclusion des droits économiques et de la participation aux affaires publiques », a-t-elle rappelé ajoutant que « les inégalités touchent tous les pays », y compris « des États prospères ». Encourageant le gouvernement français « à poursuivre le dialogue », elle a mis en cause les répressions violentes des manifestations qui se sont produites récemment au Soudan, au Zimbabwe et en Haïti. A la suite de cette déclaration, Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, s’est dit étonné de voir la France citée « dans une liste entre le Venezuela et Haïti, où il y a eu des morts ». C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit.
Cette réprobation n’inquiète nullement Emmanuel Macron qui fait une surenchère. Le mercredi 20 mars 2019, il fait part en conseil des ministres de sa décision d'utiliser les forces de l'opération Sentinelle », lors de la prochaine manifestation des gilets jaunes, prévue le samedi 23 mars. Il s’agit donc de faire intervenir l’armée en soutien aux forces de répression habituelle. Michel Goya, ancien colonel qui a commandé un régiment d’infanterie de marine avant d’enseigner à l’École Pratique des Hautes Etudes commente : « L’usage des militaires, et l’annonce par le gouvernement de leur présence samedi, ont pour but de montrer une très grande fermeté, mais cet emploi répressif de l’armée est très dangereux ». Ce colonel tient aujourd’hui un blog, consacré à l’analyse et à l’histoire militaire. Il ajoute : « Les ministres de l’intérieur et de la défense ont beau dire que les militaires ne seront pas en première ligne, que va-t-il se passer si des manifestants tentent de s’en prendre aux bâtiments qu’ils protègent ? Soit l’armée sort humiliée parce qu’elle aura dû subir toutes formes d’agressions, soit c’est un massacre, dont l’État sera responsable ».
Voilà que bientôt les gilets-jaunes vont être traités comme le furent les militants du FLN pendant la guerre d’Algérie. Nous ne voyons pas où va s’arrêter cette folle dérive totalitaire et fascisante.
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