Une cathédrale de propagande russe à Paris ?
Les édifices religieux sont déjà nombreux à Paris, alors pourquoi la construction au quai Branly de la cathédrale orthodoxe de la "Sainte-Trinité", déclenche-t-elle des polémiques. Encore un autre épisode de la nouvelle guerre froide, alors que le projet inspiré par le patriarche Alexis II, avait été approuvé en 2007 par Nicolas Sarkozy ? À l'époque on parlait de réchauffement franco-russe, mais depuis les temps ont changé, le ton des voix de la géopolitique aussi.
Allez, juste un instant avant de rentrer dans le vif du sujet plus politique, essayons d'oublier les frictions et désaccords entre l'Elysée et le maître du kremlin. D'ailleurs pourquoi nous priver d'un petit cocorico, puisque c'est le projet de l'architecte Michel Wilmotte, un français amoureux de la Russie, qui a été finalement retenu. Quant au dôme doré monté à 37 mètres de hauteur le 19 mars, il a été fabriqué par Multiplast, une entreprise de Vannes en Bretagne.
Au total, 90.000 feuilles d’or seront nécessaires pour recouvrir les cinq bulbes. Le nom du maître d'oeuvre, le maçon Bouygues, ami de l'ex Président de la République, ne devrait pas nous autoriser à faire la fine bouche devant cet édifice majestueux en pierres de Bourgogne, et très proche de notre Tour Eiffel. Sur un terrain de "8 400 m2, occupé auparavant par Météo France, le « centre spirituel et culturel orthodoxe russe » abritera, en plus de l’église, une école bilingue, une maison paroissiale et un centre culturel. Une opération qui devrait revenir à 70 millions pour le terrain, 100 millions pour les travaux, le tout entièrement à la charge de la Fédération de Russie.
Pourtant quelque chose coince ! Pourquoi l'ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë, a-t-il refusé le projet initial de l'architecte espagnol d'origine russe Manuel Nunez Yanowsky, qui était encore plus grandiose. (ci-dessous)
Trop ostentatoire pour la mairie paraît-il, qui avait refusé le permis de construire. En tout cas "très très lourd" selon les autorités d'après Jean-Michel Wilmotte qui décrit le monument comme "une église avec un bulbe englobé par une sorte de grand voile de verre. Pour des raisons de sécurité et de technique, ce voile de verre avait pris une très grande épaisseur". En réalité, l'exigence de sécurité en faveur de la diaspora Russe du maire de Paris n'est pas la seule explication, car l'ami d'Anne Hidalgo souhaitait également que la cathédrale orthodoxe soit plus parisiannisée. Mais pour plusieurs intellectuels, l'architecture n'explique pas tout.
Pour Galia Ackerman, auteur spécialiste du monde russe et soviétique, née en Russie en 1948 qui vit en France depuis 1984. Mais également journaliste et traductrice d'Anna Politkovskaïa. "Ce projet de cathédrale est éminemment politique, bien plus que religieux. Elle avance pour preuve que Paris et sa région comptent déjà une vingtaine d'églises sous l'obédience du patriarcat de Moscou, et que la communauté orthodoxe russe n'avait donc pas besoin de celle-ci. Et ce, même si Saint-Alexandre-Nevsky, la célèbre cathédrale de la rue Daru, est tombée dans le giron du Patriarcat de Constantinople en 1930". Galia Ackerman prétend également que "Le patriarcat de Moscou est anti-occidental à un point inimaginable : ils sont contre tous les principes qui nous sont chers. Alors pourquoi implanter en plein centre de Paris une officine qui va propager des idées complètement contraires aux nôtres ? C’est quelque chose qui est au-delà de mon entendement. Moi, je ne vois pas par exemple un pays comme l’Arabie saoudite construire une très grande mosquée au milieu de Paris."
Pourquoi tant de haine pourrait-on répondre à Galia Ackerman. Surtout lorsqu'elle imagine que l'endroit pourrait devenir un centre de propagande et un possible nid d'espions
Pour Daniel Struve, maître de conférences à l'Université Paris Diderot et membre de la communauté orthodoxe de Paris. "L’Etat français s’est assez vite et assez imprudemment engagé". D'autre part "La Russie est théoriquement, d’après sa constitution, un Etat laïc, avec l’Eglise séparée de l’Etat. Et nous avons ici une église entièrement financée par l’Etat, par administration de la présidence russe, et qui sera ensuite directement gérée par elle." Ce qui prouverait que Moscou et Poutine veulent faire rayonner une "idéologie du monde russe". Dans un pays comme la France ou la décadence des moeurs n'est plus à démontrer.
De son côté le site russe RT déclare que "pour Moscou, il s'agit surtout de favoriser le rayonnement de la Russie comme un acteur majeur dans le paysage orthodoxe français, qui compte environ 500 000 fidèles.
Sans oublier au passage d'administrer une petite claque à l'ancien maire de Paris, "Le chemin a néanmoins été semé d'embuches pour en arriver jusque là. L'ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë, ne portant pas le projet dans son coeur - il a qualifié son architecture de « parodie » - aurait tenté d’empêcher la délivrance d'un permis de construire..."
Avec ou sans propagande la cathédrale sera terminée en octobre 2016
Source - http://www.franceculture.fr/architecture/paris-une-nouvelle-cathedrale-pas-tres-orthodoxe#
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