Une histoire kabyle à Berlin
Au début du mois de novembre, Arezki Metref, journaliste et écrivain algérien, a refait un pélerinage à Berlin, ville qu’il a adoptée et qu’il a toujours considéree comme une métropole d’art et de culture.
Ce compagnon du regretté Tahar Djaout, assassiné par les groupes intégristes en 1993, contraint à l’exil en France, ne s’est jamais lassé de porter haut le combat démocratique de l’Algérie et de défendre, sans aucune compromission, la liberté de la presse et les Droits de l’homme dans son pays natal. Invité par un groupe d’Algériens résidents berlinois, il a été chaleureusement accueilli par un public curieux et connaisseur de plusieurs nationalités au Café El Sur, à quelques jets de pierres de la célèbre place high tech PostdamerPlatz. En introduisant son dernier livre, Kabylie story, l’écrivain a montré que le journalisme et la littérature pouvaient s’allier dans une alchimie bien littéraire entre la réalité et la fiction. Il n’a pas manqué non plus de faire allusion à son expérience de grand reportage dans cette région frondeuse et révolutionnaire qu’est la Kabylie, celle d’un journaliste allemand qui a sillonné tous les pays de l’Est. Kabylie story, c’est un voyage à travers la Kabylie, citadelle farouche et imprenable, qui a fait naître nombre de révolutionnaires, d intellectuels, de stars de cinéma et de grands sportifs.
Le travail intellectuel d’Arezki Metref est la découverte de l’appartenance et de l’idendité, de l’exil et de la recherche de racines, parfois tout simplement un arrêt sur image dans le temps des villes et des villages traversés par l’auteur. A l’occasion d’une lecture d’un passage du livre, avec une traduction simultanée (francais/allemand), l’écrivain a repondu aux nombreuses questions d’un auditoire qui rencontrait pour la première fois un orateur parlant avec fierté d’une région de l’Algérie profonde, frondeuse, et du mouvement citoyen. L’émotion s’est lue sur tous les visages lorsqu’il a évoqué son recueillement devant le mur d’un village où était écrit, avec le sang d’un jeune martyr du printemps noir qui a ensanglanté cette région, le mot Liberté ! Une analogie avec le mur de Berlin qui a divisé une nation, le monde, et qui laisse encore des stigmates de la Guerre froide ! L identité culturelle et linguistique de l’Algérie, la singularité de la région de la Kabylie et le combat des femmes dans les célèbres arouchs (mouvements citoyens) ont suscité un grand intérêt chez les nombreuses femmes présentes lors de cette rencontre culturelle.
Soulignant l’importance de immigration de la Kabylie vers la France et l’exode de plusieurs milliers de Kabyles sur le territoire algérien, Arezki Metref a fait remarquer que la Kabylie s’ouvrait aussi vers cet "ailleurs" et déployait ses racines ancestrales et naturelles sur sa mère patrie. En faisant observer que la région de la Kabylie était régie par des lois laïques (tajmayet), bien avant la Révolution francaise, cet ecrivain a fait sensation, et chacun d’entre nous voulait en savoir davantage. C’était un véritable scoop ! En dédicaçant certains de ses livres, l’auteur de Douar, Algérie : la vérité, mais pas toute la vérité a pris dans un de ses roman cette phrase ô combien symbolique :"...ce voyage dans les pulsations de notre histoire et notre présent communs...". Cet autographe souligne la référence aux ancêtres berbères qui ont résisté aux invasions de Carthage, de Rome,de Byzance, et à celles des Arabes et des Francais. Et c’est pour cette raison que la Kabylie a toujours été perçue comme foyer d’agitation.
Cette rencontre, qui s’est achevée tard dans la soirée, a été rehaussée par un concert de musique, de chansons kabyles des cimes du Djurdjura, interprétées par un duo algérien qui fait ses premiers pas dans la chanson kabyle en Allemagne. Les musiciens, Miloud et Mokhtar, ont été de parfaits interprètes d’Idir, Maatoub, Takfarinas, Djamel Alem, et de tant d’autres... C’était une après-midi littéraire d’un mois de novembre, célébrant à la fois l’anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne et la chute du mur de la honte de Berlin ! Toute une symbolique.
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