• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Une publicité d’Optique 2000 pour aveugles ?

Une publicité d’Optique 2000 pour aveugles ?

Optic 2000 s’est attaché depuis plusieurs années les services du chanteur Johnny Hallyday pour promouvoir ses lunettes. Il faut croire que l’opticien n’a qu’à s’en réjouir, sinon il y aurait renoncé depuis longtemps. Sa dernière affiche permet donc de définir certaines propriétés de la clientèle à laquelle elle s’adresse.

1- Une clientèle soumise aveuglément à une autorité incompétente
 
L’une d’elle est une soumission aveugle à l’autorité. Hallyday est choisi pour sa notoriété. Sa simple présence capte l’attention de ses fans. Son statut de star lui confère une autorité. Qu’importe qu’elle ne soit qu’un simulacre ! Car la star n’a ici aucune compétence en matière de lunettes pour émettre un avis autorisé sur la qualité des produits d’Optic 2000.
 
L’opticien ne cherche qu’à capter à son profit la relation affective fantasmée existant entre elle et ses fans et à tirer parti du réflexe d’identification qu’elle provoque chez eux. Cette identification peut aller jusqu’à l’imitation active et si la star porte des lunettes Optic 2000, les fans seront tentés de l’imiter. En ce sens, la star est une prescriptrice que ces fans suivent au doigt et à l’œil.
 
L’identification est une conduite de construction de la personnalité à l’âge infantile et adolescent. Est-ce à dire qu’Optic 2000 ne s’adresse qu’à des enfants et à des adolescents ? Non bien sûr ! Nombre d’adultes apparemment continuent d' avoir besoin de modèles pour asseoir leur équilibre psychologique. Et c’est à ces gens encore immatures que l’opticien s’adresse.
 
2- Une clientèle adhérant aveuglément à la représentation d’un héros factice américain
 
Le contexte choisi dans lequel Hallyday est photographié livre une autre de leurs propriétés. Cadré en plan « américain », soit à mi-cuisse, le chanteur pose de face, accoudé à une barrière, devant un désert de sable piqué de rares buissons. À cette métonymie du décor, s’ajoutent celles du déguisement : la star porte veste et pantalon de jean, chapeau à larges bords relevés et un lasso à la main. L’intericonicité saute aux yeux : Hallyday pastiche, voire parodie, le cow-boy stéréotypé tel qu’on l’a vu mille fois dans les westerns américains.
 
Au simulacre d’autorité qui suffit au fan pour s’incliner, s’ajoute un autre simulacre de héros américain, le cow-boy, dont le western a fait l’hagiographie. Optic 2000 croit donc pouvoir stimuler la pulsion d’achat de son public en associant ses lunettes à cette légende. Celle-ci exerce à son tour sur des esprits fragiles une autorité tirée de la fiction plus que de l’Histoire : le cow-boy et son lasso est la métonymie du conquérant viril des terres du Far-West. On se souvient que la marque de cigarettes Winston s’est, elle aussi, servi d’un cow-boy pour inculquer l’assimilation de la virilité et de la cigarette. Par ce nouveau réflexe d’identification stimulé, les lunettes d’Optic 2000 doivent devenir un des éléments de la panoplie du matamore et du frimeur.
 
3- Une clientèle aveugle à la farce de la parodie
 
Pour que ces deux arguments d’autorité puisse déclencher les réflexes de soumission, d’identification, d’adhésion et d’imitation attendus, encore faut-il que les fans restent aveugles à la farce de la parodie jouée par leur idole. Halliday ne fait en effet qu’imiter lui-même cette figure du héros américain de la conquête de l’Ouest. Son travestissement et sa posture, un lasso enroulé à la main, sont si éloignés de ce qu’il est lui-même ; pour peu qu’on la saisisse, cette distorsion suscite le sourire qui rétablit l’équilibre rompu.
 
Mais on ne peut y être sensible que si on ne s’identifie pas à ce chanteur qui a construit sa carrière sur le pastiche constant des sous-productions culturelles de « l’american way of life » qu’exportent les Etats-Unis pour maîtriser les esprits dans le monde : le rocker vociférant sur scène dans un tintamarre de batteries s’est aussi parfois présenté chevauchant une moto Harley-Davidson à large guidon. Ici, il cherche à se faire passer pour un cow-boy viril qui s’apprête à passer son lasso autour du cou d’une de ses bêtes. Le malheur, c’est que Halliday n’a jamais été qu’un héros de Disneyland. Mais ça, ses fans sont trop aveugles pour le voir. Les lunettes noires chaussées justement par leur idole ne campent-elles pas dans une métonymie et un symbole par ironie involontaire cet aveuglement réciproque ?
 
Cette affiche qui à première vue peut surprendre par son indigence ou son burlesque, est au contraire minutieusement composée pour tenir compte des propriétés de la clientèle visée. C’est un paradoxe pour un opticien. Mais Optique 2000 s’adresse à des aveugles : soumis aveuglément à l’autorité, fût-elle de pacotille, ils sont de surcroît, aveugles à la farce grotesque qui est jouée devant eux. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’une publicité est révélatrice du public à qui elle est destinée. On n' a qu’un regret, c’est que ce public fasse aussi partie d’un électorat : avec de pareils gogos, les démagogues peuvent s’en donner à cœur joie ! Paul Villach

Moyenne des avis sur cet article :  3.5/5   (24 votes)




Réagissez à l'article

10 réactions à cet article    


  • sisyphe sisyphe 1er avril 2011 17:54

    Je suis toujours sidéré, en lisant les articles de Monsieur Villach, qu’il redécouvre, à chaque fois.......... la publicité ! 


    Ben oui ; les marques se servent de « vedettes » reconnues pour promouvoir leurs produits, même si ces vedettes n’ont, a priori, rien à voir avec ces produits. 
    Ça existe depuis environ 50 ans, et tout le monde est au courant... 

    On pourrait reconnaître à Monsieur Villach, la fraîcheur du naïf (lou ravi, comme on dit chez moi), s’il ne se sentait pas obligé de pontifier autant pour faire passer des évidences...

    Bah : ce doit être un leurre d’article.... 


  • criticaldistance 1er avril 2011 11:55

    Il faudrait ajouter le son à la photo !
    Optic 2000 !
    J’ai félicité les opticiens Krys qui à la différence d’Optic 2000, Atoll et Grand Optical ne financent pas ces people, les opticiens Krys ont indiqué qu’ils entendaient continuer de se démarqueur ainsi .
    Aux citoyens de savoir choisir un opticien .
    Un citoyen nommé Johnny est allé en justice afin de se débarrasser d’un prénom considéré comme ridicule !


    • easy easy 1er avril 2011 12:06


      Ce papier n’est malheureusement pas un poisson d’Avril.



      Toutes les récupérations sont des stratégies économiques, celles d’images aussi.

      Dès que se présente l’opportunité de récupérer une image célèbre, donc porteuse de transcendances, donc d’autorité (même celle d’un Dalaï lama), on réalise une économie d’investissement, on s’autorise à moindre frais.

      On récupère les pierres des anciens palais et on reconstruit le sien à moindre coût. Parler de Chagall, en bien comme en mal, c’est récupérer sa célébrité, c’est s’autoriser. Si Chagall en est d’accord, c’est correct ; si Chagall en est blessé, c’est incorrect.

      Constater cette ergonomie d’autorité et inviter les autres à le constater nous éclaire.
      Mais critiquer ceux qui pratiquent cette économie c’est railler la paille de l’autre en étant aveugle de sa propre poutre.

      Car s’il est vrai qu’il fallait autrefois payer cher pour être cow-boy et que de nos jours en porter l’image est économique et ne fait courir aucun danger, se moquer du faux cow-boy c’est jouer le faux-indien sans avoir non plus à payer le prix que payait le vrai Indien pour l’être.



      Le doigt qui accuse, défait ou ruine sans rien risquer est celui d’un lâche.
      En ce moment railler Johnny est aussi facile que railler le nucléaire ou les politiques.



      • Pandor 1er avril 2011 14:41

        On ne sait pas très bien qui parodie qui dans cet article... Et oui, il ne suffit pas d’employer des mots incompréhensibles par la plupart ds français pour être un vrai sociologue, monsieur Villach (vous remarquerez que je fais l’effort de ne pas écorcher votre nom vous qui orthographier Halliday alors que cela s’écrit HallYday)... La moindre des choses lorsque qu’on veut jouer les personnages savants, c’est vraiment de posséder ne serait-ce qu’un tout petit peu son sujet... Ainsi, ce n’est pas Winston qui a associé à son image un cowboy, mais bel et bien Marlboro, mais bon, on n’est pas à une contre vérité près. Et pour conclure, je pense que depuis que le monde est monde, l’idée même du porte drapeau existe, que ce soit pour fomenter des révoltes ou des révolutions, ou encore pour faire vendre. S’insurger contre cet état de fait est à peu près aussi stupide que de défendre l’idée d’un monde politique sans corruption. Quittez donc Di

        sney Land monsieur Villach, et bienvenue dans la vraie vie...

        • Paul Villach Paul Villach 1er avril 2011 17:05

          @ Pandor

          Merci d’avoir joué à notre jeu !

          Je voulais savoir en plaçant ce poisson d’avril dans mon article si quelqu’un allait le relever, prouvant par là que la pub de Marlboro avait marqué les esprits.
          .
          Winston a utilisé au contraire la femme de trente à quarante : « Pour ceux qui savent ce que le plaisir veut dire ! »

          Dommage que vous ayez des difficultés à comprendre le fonctionnement de l’argument d’autorité : prenez un dictionnaire !

          Sachez que l’étude des leurres ne relève pas de la sociologie académique ! Paul Villach


        • Emmanuel Aguéra LeManu 2 avril 2011 02:47

          Du Paul Villach. C’est l’unique commentaire possible.
          Bien à vous,

          Tiens à propos de son, d’image, de Johnnie et de lunettes...


        • pingveno 1er avril 2011 15:13

          Pour atteindre les aveugles on prend un chanteur connu pour brailler très fort
          Où donc voyez-vous une incohérence ?


          • PafPaf 1er avril 2011 15:56

            Belle et très juste analyse 

            Clap clap Mr Villach

            • Phil Levasseur 9 mai 2013 09:02

              L’art d’enfoncer les portes ouvertes présente un intérêt certain, pour le passant qui ignorait la porte c’est une invite à la franchir, ainsi, même si cet article ne fait qu’aligner sous une forme pseudo savante des poncifs de base, il pourait permettre d’éclairer celui ou celle qui ne sait pas lire et déchiffrer le langage publicitaire.

              L’image de Johnny à eu son heure, depuis - nous sommes en 2013 au moment ou j’écris - l’idole des jeunes (et des moins jeunes) à été remerciée par l’enseigne en question, on constate que l’utilisation du chanteur avait eu une efficacité remarquable, permettant à l’origine à cette enseigne de prendre la première place en France face à ses concurrentes, depuis son départ, l’image de l’enseigne s’est affaiblie et son impact publicitaire semble décroître.

              L’auteur de l’article semble encore croire que la publicité fonctionne sur le mode informatif, il fait mine de découvrir que seul l’affect est efficace dans ce mode de communication, ainsi une « bonne pub » est efficace si elle touche les sentiments du prospect et pas ses neurones. Le seul but de la publicité est d’attirer le chaland, sembler le découvrir fait montre d’une naïveté qui est probablement étrangère à l’auteur.

              L’humour, le sexe, l’affectif sont donc les vecteurs les plus efficaces dans la communication publicitaire, son but n’est pas d’informer mais de créer une relation de complicité avec le public.

              Dans ce sens, les campagnes d’Optic 2000 appuyés sur la personnalité de Johnny ont été particulièrement efficaces, les autres enseignes ont essayé et tentent encore de développer des campagnes ayant un tel impact, sans y parvenir bien souvent.

              Alors j’approuve le fond de l’article qui explique que la publicité efficace n’est généralement pas un art pédagogique, mais simplement la tentative de créer un lien affectif entre une marque et son public. Les publicistes ont rarement revendiqués une démarche purement éthiques, et les rares l’ayant fait peuvent être soupçonnés d’une certaine hypocrisie (Benetton en son temps).

              L’autre intérêt de cet article est dans les commentaires qu’il suscite et qui sont, surtout les plus critiques, fort plaisants.

              Je précise qu’étant moi même opticien, indépendant donc concurrent de cette enseigne, je n’ai aucun partit pris positif à son égard, bien au contraire.


              • Phil Levasseur 9 mai 2013 09:07

                PS : Je n’avais pas lu la notice biographique de l’auteur avant de poster cette réaction, je constate avec regret qu’il est décédé à ce jour, j’aurais probablement tourné mon intervention différemment si j’en avais été conscient. Si la forme adoptée devait heurter certaines personnes je les prie de m’en excuser par avance.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès