Urgence écologique. Réhabiliter et se réapproprier MALTHUS
Préalablement , j'indique que ce texte résulte essentiellement de l'ouvrage du Dr. Jean BRIERE* personnalité du Mouvement écologiste, dont il fût entre autre cofondateur des Verts et auquel j’ai apporté ma modeste contribution, car nous partageons les mêmes préoccupation sur ce sujet.
« Bientôt lorsque l’on ne pourra plus nier l’effondrement des écosystèmes, la tentation de réduire brutalement et par tous les moyens cette population, deviendra vite puissante. » François de RAVIGNAN
Les figures de proue des revues ‘’La Décroissance et Sarkophage’’, passent pour les idéologues de la DECROISSANCE, ce qui leur permet de diffuser sans vergogne leurs conceptions natalistes et antiMalthusiennes, incompatibles avec l’écologie, parmi une Gauche qui vit sous l’emprise de l’antiMalthusianisme Marxiste. Selon eux, MALTHUS est un eugéniste, un infâme etc. voir numéro 3 des cahiers de l’IEESDS (cahiers de l’institut d’études économiques et sociales pour la décroissance soutenable), La décroissance contre Malthus. (http://www.ladecroissance.net/?chemin=cahiers_ieesds ) C’est à croire ils n’ont jamais lu l’essai sur le principe de population et Il est donc nécessaire de situer au préalable Malthus dans son siècle et d’expliquer son actualité.
Controverse et clarification
Reportons nous à : « Essai sur le principe de population Malthus, profil d’une oeuvre 204 » par Louis SALLERON (1905 - 1989. Ecrivain, chroniqueur, réputé intellectuel de Droite, même très à Droite, proche des catholiques intégristes) pour rappeler l’essentiel sur Malthus et qui à l’évidence sert de référence aux antiMalthusiens de tout poil, lorsqu’il cite le paragraphe de la première édition de l’Essai, supprimé dans les éditions suivantes et qui souleva l’indignation générale : « Un homme qui est né dans un monde déjà occupé, s’il ne lui est pas possible d’obtenir de ses parents les subsistances qu’il peut justement leur demander, et si la société n’a nul besoin de son travail, n’a aucun droit de réclamer la moindre part de nourriture et, en réalité, il est de trop. Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert disponible pour lui, elle lui ordonne de s’en aller, et elle ne tardera pas elle-même à mettre son ordre à exécution, s’il ne peut pas recourir à la compassion de quelques convives du banquet. Si ceux-ci se serrent pour lui faire place, d’autres intrus se présentent aussitôt, réclamant les mêmes faveurs. La nouvelle qu’il y a des aliments pour tous ceux qui arrivent remplit la salle de nombreux postulants. L’ordre et l’harmonie du festin sont troublés, l’abondance qui régnait précédemment se change en disette, et la joie des convives est anéantie par le spectacle de la misère et de la pénurie qui sévissent dans toutes les parties de la salle, et par leurs clameurs importunes de ceux qui sont, à juste titre, furieux de ne pas trouver les aliments qu’on leur avait fait espérer. »
Le poète COLERIDGE ancien condisciple de Malthus au Jésus Collège condamnera Malthus en ces termes : « Je déclare solennellement qu’aucune des hérésies, sectes et factions engendrées par l’ignorance, la faiblesse et les vices des hommes n’ont déshonoré l’humanité autant que cet abominable essai »
Les protestations d’innocence du Révérend MALTHUS n’y feront rien : « Tout lecteur équitable doit, je pense, reconnaître que l’objet pratique de l’auteur a eu en vue par-dessus tout, quelque erreur de jugement qu’il ait pu faire d’ailleurs, d’améliorer le sort et d’augmenter le bonheur des classes inférieures de la société »
MALTHUS vivait une période où la population anglaise croissait rapidement 5 800 000 habitants en 1700 9 168 000 habitants en 1801, l’essai est de 1798. L’enclosure des communaux favorise l’élevage au détriment de la production céréalière. D’exportatrice de blé, l’Angleterre devient importatrice. Cette mutation entraîne des souffrances considérables pour les campagnes, aggravées par l’état de guerre endémique. Cette réalité qu’il a sous les yeux est pour MALTHUS, avec l’échec des workhouses, un démenti formel à l’optimisme des utopistes révolutionnaires qui promettaient l’abondance grâce à la révolution.
L’Essai est en fait une réponse directe à GODWIN qui dans « The inquierer » essai sur « l’avarice et la prodigalité, enquête concernant la justice politique et son influence sur le moral et le bonheur » écrivait :: « Des myriades de siècles de population toujours croissantes peuvent s’écouler sans que la terre cesse de suffire à la subsistance de ses habitants »
MALTHUS reproche aux utopistes et révolutionnaires d’être des hypocrites et des égoïstes. Il leur dit en substance : « vos aumônes n’empêchent pas la misère de croître, vous promettez que la révolution va résoudre tous les problèmes, or la révolution n’a jamais éradiqué la misère. Vous n’attaquez pas le mal à la racine, si les pauvres limitent leur progéniture ils pourront alors et seulement alors accéder à l’aisance ». Ce que ne voyait pas Malthus, c’est qu’il s’agit là d’une condition nécessaire mais non suffisante.
MALTHUS le premier à poser le problème démographique et ses conséquences
Les débats avec les penseurs de son temps et la situation, tant de l’Angleterre que du développement démographique de la colonisation de peuplement de l’Amérique du Nord au détriment des populations amérindiennes, l’amènent à penser que si les masses sont dans la misère, c’est parce que la production agricole ne peut suffire à les nourrir. Le doublement de la population des colons d’Amérique tous les 25 ans est dû à ce qu’ils disposent de nouvelles terres. Ce doublement tous les 25 ans a été à l’origine de la « loi » de progression géométrique de la population. Signalons toutefois que MALTHUS n’a pas une pensée pour les Indiens : « une race appelée à disparaître » Ce qui est souvent évoquée par les antiMalthusiens pour se justifier. En dernière analyse, le chiffre de la population s’aligne sur la masse des subsistances, Il écrit : « Plutôt que de considérer les maladies et les épidémies comme des châtiments de la providence il vaudrait mieux y voir une indication de la violation de quelques lois de la nature. Ni le progrès technique ni le progrès par la révolution ne peuvent remettre en cause les lois de la nature ». Il était persuadé avoir trouvé la recette du bonheur collectif de l’humanité, recette fondée scientifiquement.
En fait il applique à l’homme les lois de la nature. RAYNAL un contemporain écrivait : « C’est une observation du docteur Franklin, qu’il n’y a aucune limite à la faculté productive des plantes et des animaux, si ce n’est qu’en augmentant en nombre ils se dérobent mutuellement leur subsistance ».
L’espèce humaine n’échappe pas à cette loi. C’est d’ailleurs la lecture de MALTHUS qui chez DARWIN est à l’origine du concept de la lutte pour l’existence comme moteur de l’évolution. La compétition pour les subsistances est la seule loi générale du vivant (végétaux, animaux, humains) Le même RAYNAL écrit : « la plus sure marque de la population de l’espèce humaine est la dépopulation des autres espèces » En clair l’effondrement de la biodiversité est directement lié à la multiplication de l’espèce humaine.
Malthus est voué à l’exécration par tous les révolutionnaires. Exemple, PROUDHON : « Il n’y a qu’un seul homme de trop sur la terre, c’est Monsieur Malthus ». Et Karl MARX : « Ce qui caractérise Malthus, c’est la vulgarité absolue des sentiments, vulgarité que seul peut se permettre l’ecclésiastique qui voit dans la misère humaine la punition du premier péché, qui a besoin de cette vallée de larmes, mais à cause de ses grosses prébendes et à l’aide du dogme de la prédestination, juge avantageux d’adoucir aux classes dirigeantes cette vallée de larmes »
Cette exécration s’explique par sa prétention à l’objectivité scientifique. Laquelle explique la brutalité du petit apologue de la première mouture de l’Essai.
Malthus écrivait : « Depuis cette loi de population, qui toute exagérée qu’elle puisse paraître énoncée dans ces termes, n’en est pas moins celle qui répond le mieux à la nature et à la condition de l’homme, IL EST BIEN EVIDENT QU’IL DOIT EXISTER UNE LIMITE A LA PRODUCTION DE CES SUBSISTANCES ET DE QUELQUES ARTICLES NECESSAIRES A LA VIE »
Paradoxe, ce croyant, on ne peut plus sincère, désacralise l’homme : « l’homme est un animal ordinaire qui doit respecter les lois de la nature qui régissent la vie sur terre ». (Lois crées par Dieu) Partant, il saccage les illusions d’une croissance sans limites promise par nos révolutionnaires après la mise à bas du capitalisme, d’où leurs hurlements.
MALTHUS est le premier à avoir attiré l’attention sur les problèmes démographiques, le premier également à prendre en considération que la terre est un espace limité et que les ressources ne sont pas inépuisables.
La crise écologique actuelle met nécessairement Malthus au premier rang de l’actualité, l’explosion démographique du XX ème siècle et celle du début du XXI où, en une décennie, la population a augmenté d’un Milliard d’habitants (6 milliards en 2000, 7 milliards en 2012) est une composante fondamentale de la crise écologique.
Les emprunts de citations à l’ouvrage de SALLERON qui autorise à citer ses considérations personnelles, montre aussi à quoi se réduit l’argumentaire antiMalthusien des tenants de la croissance :« Le cas le plus grave est celui de la France, non pas à cause du taux actuel de natalité, mais si la France avait eu au 19 ème siècle une natalité analogue à celle de nos voisins, elle serait actuellement un pays de 80 ou 100 millions d’habitants, mieux armée pour la compétition mondiale. Cet accroissement est nécessité par le progrès technique » Fi d’autres considérations, il faut plus de travailleurs parce que le progrès technique et la compétitivité l’exigent.
Autre citation de l’ouvrage ‘’Mater et Magister’’ 15 mai 1961... » S’il y a un problème démographique la solution ne doit pas être cherchée dans des expédients qui offensent l’ordre moral établi par dieu et s’attaquent aux sources même de la vie humaine, MAIS DANS UN NOUVEL EFFORT SCIENTIFIQUE DE L’ HOMME POUR AUGMENTER SON EMPRISE SUR LA NATURE »… Jusqu’à preuve du contraire, c’est grâce à l’effort scientifique que la contraception existe, mais les antiMalthusiens ne sont pas à une contradiction près
Pourquoi les écologistes sont nécessairement Malthusiens
Comment se fait-il que l’homme ne croit pas ce qu’il sait ? En dehors de toutes considérations sur l’effet de serre, nous savons que la croissance de la production de pétrole qui assure 38 % de l’énergie primaire va prendre fin sous peu. Qu’il en sera de même pour le gaz et le charbon exploitable. Qu’en aucun cas les énergies renouvelables ne pourront qualitativement et quantitativement remplacer les énergies fossiles. Par ailleurs, croire ou faire croire que la science pourrait à terme résoudre le problème des énergies fossiles, relève d’une escroquerie pure et simple.L’explosion démographique humaine est directement liée à l’explosion de la production de biens matériels et de subsistances qui est due à l’utilisation par l’homme d’innombrables esclaves mécaniques qui fonctionnent grâce aux énergies fossiles.Le corollaire de cette explosion démographique est l’effondrement des écosystèmes naturels remplacés par les espaces agricoles à cultures intensives, l’immensité des territoires artificialisés par l’urbanisation, les routes et les infrastructures industrielles. Qui dit effondrement des écosystèmes dit évidemment effondrement de la biodiversité
De plus, la production agricole est menacée par l’érosion des terres arables. La révolution verte s’achemine vers une catastrophe par stérilisation et empoisonnement des sols.
A cela, nous devons ajouter que 43 % de la population mondiale est dépendante de nappes phréatiques qui ne se renouvellent pas ou sont fossiles. Cette pénurie d’eau est directement liée à l’augmentation de consommation et à la croissance démographique. 70 % de l’eau douce consommée par l’homme va à l’agriculture. La quantité d’eau disponible reste globalement constante, c’est sa sur utilisation qui est en cause.
Constatons également la disparition à une vitesse sans cesse accélérée des forêts primaires et par dessus tout depuis 1950 une explosion des déchets divers et variés, les déchets atomiques ne sont que la ‘’cerise sur le gâteau’’. La terre devient une gigantesque poubelle et est incapable de recycler nombre de molécules de synthèse qui résistent aux processus habituels de dégradation.
Tôt ou tard, nous reviendrons à une situation qui était celle de l’humanité avant l’utilisation des énergies fossiles. Actuellement certaines années le taux de croissance de la Chine à atteint 12 % grâce à une boulimie énergétique sans précédent. Cette civilisation du pétrole du gaz et du charbon ne saurait être qu’une bulle transitoire dans l’histoire de l’humanité. La situation post fossile, si l’effet de serre ne transforme pas la terre en une nouvelle Vénus, sera pire que celle du Moyen Age, car nous aurons détruit la majorité des écosystèmes naturels et que nous devrons gérer une pollution considérable. Nécessairement nous nous acheminons vers une décroissance énergétique et autre : minerais biomasse, donc vers une décroissance démographique inéluctable. Tout le problème est de savoir comment l’espèce va être capable de gérer cette transition.
Dés 1974 René DUMONT reprenait en 1974 les conclusions du Club de Rome et citait la phrase suivante : « Néanmoins la grande majorité des hommes politiques semble s’obstiner à prendre des décisions allant à l’encontre des évidences : La croissance illimitée, exponentielle, donc toujours plus rapide, de la population et de la production industrielle, deviendra vite impossible, dans notre planète, qui est un monde fini ».
Nous étions en 1973 lorsque Dumont écrit ces phrases dans « l’utopie ou la mort ». La population mondiale n’atteignait pas 4 milliards d’habitants. Très critiqué comme Malthusien il écrit page 49 : « Il n’est plus possible de s’en remettre à la seule planification familiale, car elle se contente d’empêcher la venue au monde des enfants non désirés. La survie de l’humanité ne peut plus être confiée au bon vouloir d’un nombre aussi élevé de procréateurs plus ou moins irresponsables. Ceux qui les encouragent peuvent désormais, maintenant que nos limites sont enfin reconnues, être considérés comme criminels, cherchant à satisfaire quelque volonté de puissance. Des mesures limitatives autoritaires de la natalité vont donc devenir de plus en plus nécessaires, mais elles ne seront acceptables que si elles commencent par les pays riches et par l’éducation des autres ».
Il est indiscutable que la crise écologique serait moins aiguë si René DUMONT avait été entendu en 1973. Il est à noter qu’il n’a pas été entendu dans les pays riches mais en Chine, pays émergent régi par un régime communiste, converti par la force des choses au malthusianisme.
Pour ce qui est de la situation en France, deux catégories d’experts se distinguent par leur antiMalthusianisme : les économistes et les démographes. Pour ce qui est des démographes citons l’un des plus illustre Hervé LE BRAS : Pour lui la surpopulation : « c’est une vieille crainte. Si la population s’accroît trop vite, il n’y aura pas de quoi la nourrir. Il est vrai que la population mondiale croît plus vite que les surfaces cultivées, mais depuis 1950, en gros, les rendements, et donc la production de vivre se sont nettement accrus, plus vite que la population. Le problème est donc ailleurs.Pourquoi a-t-on si peur de la surpopulation ? Réponse : l’eugénisme, il faut liquider les pauvres. Mais aujourd’hui l’eugénisme a mauvaise presse. Il y a eu transposition de l’eugénisme vers les pays pauvres : c’est l’explosion démographique des pays pauvres qui constitue une menace. De toute manière aucune raison de s’inquiéter, on peut espérer une stabilisation de la population vers 2040 : 8,5 milliards d’habitants. L’explosion démographique est pratiquement terminée ». Il n’y aurait donc pas de problème démographique ?...
Il est remarquable de constater avec quelle magnifique inconscience Hervé LE BRAS ignore à la fois les données de la crise écologique et bien entendu les données de géopolitique internationale La dénutrition croit, 1 milliard d’habitants sont affamés, la production a cru mais sa répartition est tout sauf équitable. Tout est pour le mieux dans le meilleur monde occidental possible. Citations extraites de ‘’Siné hebdo no 82’’, un interview du démographe Hervé LE BRAS commentaire de ‘’Siné hebdo’’ « en fait, la peur c’est toujours le seul argument de la droite », sauf que la droite est antimalthusienne…
La population mondiale pendant tout le Moyen Age a oscillé entre 400 et 600 millions d’habitants. Le mode de régulation naturel étant les trois cavaliers de l’apocalypse de G. BOUTHOUL : famines, guerres, épidémies.
Lorsque que des antiMalthusiens, notamment ceux qui animent les revues ‘’La Décroissance et Sarkophage’’ reprochent à la politique malthusienne de la Chine de créer un déficit féminin, faute d’admettre que cette politique a évité un surcroît démographique de 300 millions de Chinois ou plus Il est vrai que cette politique a exacerbé la tradition de la prééminence de l’héritier mâle indispensable à la perpétuation du culte des ancêtres et à la malédiction de la fille qui va servir de bonne reproductrice dans une autre famille comme en Inde. Ils oublient que cette élimination des foetus femelles fait également rage en Inde où la fécondité est de trois enfants par femmes contre 1,6 en Chine. Ils oublient également le rôle de l’échographie qui a permis de déceler le sexe de l’enfant précocement et de remplacer la traditionnelle élimination des nourrissons filles, par manque de soins, par l’avortement des foetus féminins
La question importante qui est posée aux écologistes, mais pas seulement, est : quelle démocratie va pouvoir anticiper, avec ses conséquences économiques et sociales, l’inéluctable décroissance de la production de biens matériels et par voie de conséquence la décroissance Démographique ? Apparemment ni la Social- Démocratie, ni les chapelles gauchistes ne sont prêtes à dire la vérité sur la décroissance. Or pas de démocratie sans vérité
*Le Dr. Jean BRIERE est Membre du bureau politique du MEI (Mouvement Ecologiste Indépendant), également membre fondateur du MEP : Mouvement D’Ecologie Politique (1981), ainsi que des Verts Parti écologiste (1982) et des Verts (1984), dont il fut porte parole National.
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