Valérie Trierweiler, merci pour ce roman !
Le livre écrit par Valérie Trierweiler a suscité d’étranges phénomènes de société si bien que pour vivre une expérience instructive, j’ai décidé de le lire pour voir si le texte correspond à ce qui a été dit dans les médias et si cet écrit est horrible au point que quelques libraires eurent affiché une sentence en guise de censure laissant entendre que ce livre devait finir à la poubelle, alors qu’il ne l’avaient même pas lu. Décrétant de ce fait que le public est indigne de lire ce texte mais remarquons que chez ces libraires, on trouvera sur un coin de table les banalités écrites par les Bouvard, Lepers et autres Bellemare. Les journalistes n’ont pas été plus tendres, insistant sur le côté scandaleux d’une vengeresse qui aurait osé divulguer quelques secrets de vie privée, abaissant de ce fait une fonction présidentielle pourtant déjà bien basse. Les parvenus du pouvoir socialistes ont œuvré pour un déminage, jugeant honteux un tel déballage mais sans pour autant avoir lu le livre en question. Cette affaire est un cas édifiant servant à illustrer une notion philosophique importante, celle du préjugé. La France serait-elle devenu le pays des préjugés ? Pathétique aussi, cette prestation de Julien Dray affirmant ne pas reconnaître François Hollande dans les descriptions tracées par son ex. Tout comme beaucoup de prétendus proches ne voulaient pas admettre les vérités sur la vie secrète de DSK au moment de l’épisode du Sofitel. Et dans son entourage, qui n’a pas entendu parler d’un type convenable dont on découvre la vraie nature au fil du temps ?
Et ce livre, qu’en penser ? Eh bien qu’il n’est pas si mal écrit, du moins aussi bien qu’un roman de Beigbeder car le livre de Trierweiler se lit comme un roman, ce qu’il est dans la forme, malgré une structure décousue avec des fragments de vie égrenés sans ordre chronologique. Un roman plus intéressant que les élucubrations sabreuses d’une Christine Angot qui plaît tant à ce peuple intello en quête de rédemption par les eaux nauséabondes de la transgression régressive. Pour lire le récit de Trierweiler, il faut s’abstenir de tout préjugé et prendre le texte comme il s’offre à la lecture, afin de capter ce qui s’y dévoile tout en prenant un recul critique. On découvre alors plusieurs thèmes plus ou moins bien déclinés. Le livre ne doit pas être perçu à travers l’intention de l’auteure dont le procès n’a pas lieu d’être. Il doit être lu comme un témoignage d’une histoire vécue qui se termine mal, avec un portrait pas si mal tracé de la vie d’une ex-compagne d’un futur président puis d’une ex-compagne d’un président avec quelques révélations sur les rouages du pouvoir et la personnalité de celui qui maintenant vire avec 13 points de confiance dans l’opinion.
Dans cette histoire romancée, deux premiers rôles, le président Hollande et la (sa) première dame. Le déroulement des événements n’offre aucune réelle surprise. C’est presque un portrait attendu du président Hollande. On y apprend que le pouvoir isole et qu’il s’oppose au développement d’une histoire d’amour durable. Mais aussi au déroulement d’une histoire complice entre un homme et les Français. Le président est dépeint comme un homme assez léger dans ses sentiments, fourbe et menteur. Bref, un homme normal, comme tous les Français d’un certain niveau, parvenu au stade où l’on s’autorise quelques fariboles avec des midinettes de passage. Il y a l’épouse légitime et les maîtresses. Sauf que Valérie Trierweiler n’était pas légitime selon les règles de l’alliance passée au doigt devant le maire. Le récit livre un portrait pas très reluisant d’un président se désintéressant de l’art, de la culture, de la science et qui se soucie de son image, fasciné par le monde des journalistes. Ce détail est du reste confirmé par l’impression du téléspectateur moyen auquel il n’aura pas échappé que François Hollande, fort de son ego narcissique, semble jouer un rôle de président avec toutes les maladresses d’un jeune premier, hésitant, parfois distrait, plus préoccupé par le regard des caméras que par ce que ses interlocuteurs peuvent lui dire. Vous avez sans doute eu le sentiment d’un président absent. Le pouvoir éloigne le président des gens et des choses humaines. L’anecdote des « sans dents » n’étant qu’une illustration de cet isolement d’un président qui par ailleurs se la joue comme héros, chef des armées et sauveur du Mali.
L’autre personnage clé de cette histoire romancée n’est autre que la locutrice qui en se racontant dans cette histoire, livre un autoportrait qui n’est pas vraiment à son avantage. Valérie Trierweiler se décrit comme une femme entière mais passionnée au risque d’être jalouse. Ce qui on en conviendra est le lot de pas mal de femmes. Et d’hommes aussi. On comprend que Valérie s’est laissée entraînée dans une histoire idéalisée que la réal politique a finit par briser. Son allusion à la première déclaration d’amour désignée comme l’épisode du baiser de Limoges constitue une sorte d’indice subtilement glissé. Une histoire d’amour inscrite non pas dans du marbre mais de la porcelaine, prédestinée à se briser sous les plafonds de L’Elysée. L’autoportrait de Valérie divulgue également les vertiges de l’ascension sociale quand on vient d’un milieu modeste et qu’on finit par comparer le HLM de ses cinq ans au palais habité par Julie Gayet et ses parents. Quand on se réclame d’une autonomie financière et qu’on doit travailler pour assurer le quotidien. Ce ressentiment sur les origines sociales revient à plusieurs reprises. Mme Trierweiler prétend être restée humble et fidèle à ses valeurs, origines et engagements. Ce qui n’est pas le cas du président qui lui aussi, venu d’origines relativement modeste, a semble-t-il trahi ses valeurs d’antan. L’ascension sociale est-elle accompagnée nécessairement de trahison et de renoncements ? Cette question en forme de devoir philosophique découle de la lecture de ce livre.
Au final, on retient l’image d’une femme brisée par une histoire d’amour qui a mal fini comme en général, une femme éclatée par un destin pas ordinaire, une femme écartelée entre des origines, des valeurs humaines et un pouvoir cruel sans âme, avec un milieu spécial, avec ses crapules, commensaux, valets, petits marquis, courtisans, arrivistes et autres parvenus n’hésitant pas à trahir les engagements et la morale pour servir leurs intérêts et leur image. Beaucoup d’envie et de jalousie dans ces milieux. L’on comprend pourquoi les journalistes se sont montrés si sévère à l’égard de ce livre qui au final s’avère bien plus intéressant que les portraits réalisés par ces courtisans médiatiques se pressant pour tendre des microphones et gagner une place dans un avion ministériel ou présidentiel afin de mendier quelques confessions, scoop et autres informations off the record. Ce livre en dit autant par ce qu’il contient que par les réactions qu’il a suscitées. Mais c’est aussi une leçon sur la vie, ses contradictions et ses compromis qui parfois sont trop violents pour des femmes pas si fragiles mais entraînées dans un destin qu’on ne dira pas tragique eu égard aux situations d’autres femmes dans des contrées moins accueillante que notre beau pays de Cocagne qui semble se déliter.
Car l’autre leçon de ce livre, c’est qu’il nous renseigne sur ce monde politique et médiatique dont les travers sont plus ou moins responsables de la situation calamiteuse de la France et de la montée en puissance du Front national. On ne dira pas merci au président. Quant à ce roman, c’est l’histoire d’une femme qui n’était pas faite pour être la première dame d’un homme qui n’était pas fait pour être président.
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