Vincent Peillon peut-il faire perdre François Hollande ?
Les analyses des derniers scrutins le démontrent, les enseignants ne sont plus un marché électoral captif au service du Parti socialiste. Lors des dernières présidentielles, de nombreux professeurs votèrent pour François Bayrou et même pour Nicolas Sarkozy.
Les deux candidats avaient su répondre aux attentes d’une profession désorientée. Depuis, Luc Chatel a désespéré ceux qui avaient voté Sarkozy et François Hollande a profité de l’« anti sarkosysme » des professeurs lors des primaires.
Aujourd’hui le pacte éducatif se dessine et avec lui un arrière goût de Claude ALLEGRE. Entre Hollande et les profs c’est le temps de la gueule de bois
La vérité sur la rémunération des enseignants
La vérité s’impose les enseignants sont scandaleusement sous payés en France, si cette analyse est vérifiée pour tous elle l’est plus encore dans le secondaire et le supérieur
Le dernier « Regard sur l’éducation » de l’OCDE montre que la situation s’est détériorée. Le salaire statutaire – c'est-à-dire le salaire sans les primes et les heures supplémentaires - des enseignants ayant 15 ans d'ancienneté s'établit, en moyenne en 2009, à 24 422 euros dans l'enseignement primaire, contre 28 507 dans la moyenne des pays de l'OCDE. Il est de 26 267 euros dans le premier cycle de l'enseignement secondaire alors que dans la moyenne des pays il se monte à 30 549. Les professeurs de lycée, eux, ont un salaire de 26484 euros contre 32 030 en moyenne ailleurs.
Les salaires des enseignants du primaire sont donc inférieurs de 13% à la moyenne de l’OCDE, ceux du secondaire sont eux inférieurs de 20% à cette même moyenne.
Qu’en est il du supérieur ? La diversité des situations ne permet pas une comparaison facile.
La concurrence est vive et certaines « stars « de l’enseignement supérieur cumulent plusieurs enseignements à l’étranger et en France
Nous nous contenterons de comparer la situation des enseignants du supérieur en France et dans plusieurs pays proches de la moyenne de l’OCDE pour le primaire et le secondaire.
Telle est la situation des Etats Unis, du Canada et du Japon
http://nensyu-labo.com/2nd_syokugyou.htm
Aux États-Unis, la situation dépend énormément des universités.
Instructor : $35k $65k (27 50k€)
Assistant Professor : $50k $90k (40 70k€)
Associate Professor : $60k $105k (45 80k€)
Full Professor : $75k $160k (60 125k€)
Les professeurs enseignants dans les doctorats dépassent les 100 000 euros par an(8000 par mois), Ceux des premiers cycles et des collèges gagnent entre 5000 et 7000 euros par mois
Pour le Canada, Les salaires moyens annuels (2003-2004) donnent :
Lecturer : CAD 45k 80k (27 50k€)
Assistant Professor : CAD 50k 85k (30 52k€)
Associate Professor : CAD 70k 100k (42 60k€)
Full Professor : CAD 85k 125k (50 75k€)
Pour le Japon,
Kōshi : JPY 7.5M (65k€)
Jokyōju : JPY 9M (75k€)
Kyōju : JPY 11M (95k€)
En France,
prof de CPGE Maître de conférence ou PRAG : 21 42k€
Professeur de 2ème classe : 31 50k€
Professeur de 1ère classe : 39 62k€
Professeur de classe exceptionnelle : 55k€ 69k€
Ainsi en fin de carrière pour un maitre de conférence, un professeur de CPGE ou un prag, la rémunération est en moyenne inférieure de 25 à35% à celles pratiquées dans les pays à rémunération « moyenne ocde ».
Pour les professeurs, la rémunération correspond à celle des plus mauvaises universités américaines
A défaut de revalorisation indiciaire le gouvernement a poussé les enseignants à faire des heures supplémentaires. Cette pratique reprochée aux professeurs de CPGE se retrouve dans le reste du supérieur.
Depuis Lionel Jospin, les rémunérations indiciaires sont pratiquement les mêmes pour un enseignant de la petite section de maternelle aux premières années de l’enseignement supérieur que l’ on soit professeur des écoles, certifié, en prépa, en BTS ou Maitre de conférence à l’université.
Une telle situation est unique au monde..
Les agrégés, en BTS , en CPGE ou PRAG à l’université ont ainsi que les maîtres de conférence en fin de carrière ne gagnent que 5% de plus que leurs collègues du primaire sauf s’ils font des heures sup. http://www.education.gouv.fr/cid1058/professeur-certifie.html
En fin de carrière, en classe normale , ils gagnent 3173 euros contre 3026 euros pour un professeur des écoles hors classe . La hors classe est plus difficile à obtenir pour agrégé ou un maitre de conférence, s’ il l’obtient il gagnera alors 3700 euros nets par mois
Une différence de rémunération aussi faible est elle légitime surtout après un doctorat et (ou) un concours difficile comme l’Agrégation ?
L’heure sup n’existe pas dans le primaire et elle est limitée en collège et lycée
Dans le supérieur tout dépend alors de la matière enseignée. Parmi ceux qui peuvent le plus les mathématiciens et physiciens en cpge, les économistes et gestion en Université et IUT.
Les plus contraints sont certainement les agrégés enseignants dans les matières littéraires à l’Université. Ils y sont chargés des basses besognes et doivent de plus continuer leur thèse
A 35 ans un maître de conférence docteur gagnera nettement moins que son collègue du même âge enseignant en maternelle.
Les Professeurs en CPGE et maîtres de conférence accédant actuellement à ces grades sont tous docteurs et ils attendent la consécration impossible pour les premiers, improbable pour les second : devenir professeur des Universités
Pour ces derniers la rémunération indiciaire peut dépasser les 5000 euros nets par mois. Mais la encore il y aura ceux qui se limiteront au strict minimum et ceux qui cumuleront et deviendront professeurs associés dans une Grande école , consultants dans le privé…. ( management, droit, médecine)
Ainsi le cœur du malaise enseignant est bien dans la faiblesse des rémunération. Quelle est la réponse de la classe politique ?
La classe politique a son diagnostic sur le malaise de l’école
Deux organisations syndicales portent officiellement les attentes des enseignants : la CFDT et l’UNSA . Présentées comme réformistes elles partagent globalement les options des décideurs du monde éducatif : haut fonctionnaires de la Rue de Grenelle, auteurs des différents rapports sur l’ évolution du métier d’enseignant, ministres successifs, fédérations des parents d’élèves. Sur le fond peu de choses séparent, beaucoup réunissent.
Tous envisagent la remise en cause des décrets de 1950 définissant le métier de professeur à partir de la transmission de savoir et donc d’heures de cours. Ils rêvent des 35 heures à l’école et donc une redéfinition du métier sur des tâches de prise en charge autres que la transmission des savoirs . Le modèle de référence est celui de la Finlande.
Tous envisagent la remise en question du nombre d’heures de cours au profit d’autres activités . Le modèle allemand avec des cours qui se termineraient à 13 heures revient souvent.
Dans ces conditions les symboles de la méritocratie à la française sont insupportables. Hier les CPGE étaient détestées par Claude ALLEGRE, aujourd’hui elles le sont par la tête pensante de François Hollande, Vincent PEILLON.
http://jml-92.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/01/12/la-gauche-veut-privatiser-l-excellence.html
http://www.vincent-peillon.fr/
Le même Vincent Peillon annonce la couleur. La revalorisation est évoquée mais non précisée. Les contreparties sont rappelées et les enseignants comprennent : allongement du temps de présence dans l’établissement.
Pour trouver les moyens financiers, Vincent Peillon a trouvé la solution : réduire le nombre d’heures de cours et les heures supplémentaires.
Qu’est ce qui sépare alors Chatel de Peillon ? Une seule chose, les 60000 postes promis par François Hollande.
En vérité François Hollande ne créera pas ces postes faute… de candidats pour postuler. Le désarroi de la profession est tel que pour 1600 euros nets par mois les étudiants fuient les concours de recrutement. La perspective de passer 35 heures dans les lycées ne devrait rien améliorer.
Le divorce est total entre de telles approches et la base enseignante. Dans le secondaire les décrets de 1950 sont vus comme le dernier rempart contre le travailler plus et gagner moins. S'ils sont supprimés les professeurs de collèges, lycées savent que les heures supplémentaires disparaitront
Lors des dernières élections professionnelles plus de 80% des professeurs du secondaire ont voté pour les syndicats attachés aux fameux décrets( FSU, FO, SNALC....)
Poussera -t-on le gag à imposer les 35 heures de présence dans le supérieur ?
Les professeurs de tous niveaux ne supportent pas les accusations de paresse. Ils travillent plus de 35h par semaine , ils corrigent, ils cherchent, ils préparent et attendent autre chose qu’un « pacte » les transformant en animateurs
Le métier est divers pourquoi uniformiser ? Pourquoi ne pas tenir compte de ce qui fonctionne correctement ?
La classe politique pourrait réfléchir et réformer ;Pourquoi ne pas réserver aux premiers cycles du supérieur les Agrégés ? Pourquoi certains sont ils nommés en collèges ?
Le modèle des CPGE réussit, pourquoi le supprimer ? Pourquoi ne pas mettre en place des heures de « kholles » et de soutien à l’Université ? Donner les même moyens à toutes les formations du supérieur ? chiche mais par le haut.
En France la carrière à l’Université dépend exclusivement de la recherche, l’investissement pédagogique ne compte pas Suivre des étudiants est une tâche déshonorante laissée aux agrégés venus du secondaire. Ce modèle est-il le bon ?
En CPGE, c’est l’inverse. La réflexion peut-elle être la même pour les formations qui se situent avant et après la licence ?
A l’Université les études doctorales sont remarquables , leur fonctionnement est il adapté au bachelier de L1 ?
A défaut de pensée la classe politique raisonne à partir de clichés.
De la maternelle au bac l’"enseignant" n’a pas pour la classe politique à gagner beaucoup. Les profs ne rêveraient que de "pacte éducatif", de 35 heures dans l’établissement et d’équipe pédagogique. Des augmentations ? Pourquoi faire ? L’important ce serait la vocation.
Du bac à la licence, un de nos points faibles la classe politique propose le nivellement par le bas. A ses yeux seule compte la recherche, alors les enseignants du supérieur qui enseignent sont le dernier de ses soucis.
Et si les enseignants de tous niveaux exigeaient les moyens financiers d’exercer leur métier comme un véritable métier… alors il y aurait de véritables surprises électorales . Les professeurs n’ont pas « correctement » voté en 2001 et 2007. Avant Claude Allegre ils etaient 40% à voter socialiste en 1995 au premier tour de la présidentielle. Après Claude ALLEGRE, ils étaient 27% à voter Jospin en 2001 et 30% Royal en 2007.
Et si Vincent Peillon faisait perdre François Hollande ?
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