Vol au-dessus d’un nid de 64 millions de cocus
En politique comme en médecine, une bonne communication est souvent plus utile qu’un savoir approfondi. C’est si vrai que dans la clinique ordinaire du bon Dr Nicolas, si on ne dispose d’aucun traitement efficace des agoniques, comprenez le pouvoir d’achat ou, plus inquiétant, les valeurs républicaines, on saurait presque faire passer leur inéluctable trépas pour une forme de délivrance et, finalement, pour un bienfait.

Le pouvoir d’achat
Par les temps qui courent, à défaut d’idées concrètes pour améliorer l’ordinaire du Français de base, on assiste à une pluie pas banale de fines élucubrations, excogitées au fil d’une procession ininterrompue de dispendieuses commissions et de somptuaires grenelles. En passant, combien ça coûte tout ce cirque ?
Les prix du pétrole grèvent les revenus des pêcheurs ? Am stram gram ! Une taxe sur le poisson. On veut généreusement redistribuer 800 millions d’euros de recettes publicitaires aux « amis élyséens » de l’audiovisuel privé ? Pic et pic et colegram ! Une taxe sur le matériel high-tech (à califourchon sur la redevance pour copie privée et l’écocontribution) afin de compenser la perte financière subie par la télévision publique. On doit financer la restauration du patrimoine français ? Bourre et bourre et ratatam ! Une taxe sur les nuits d’hôtels.
Errances et redevances, en matière d’imposition la créativité française ne connaît plus de bornes... Sur un air de « Bercy, taxes and tunes » on ajoute chaque jour aux plus de 200 impôts déjà existants... Tout finit à la toile fiscale... C’est de l’imposition arachnéenne, kafkaïenne... stalactite. Français, du haut de cette pyramide fiscale, neuf mois de présidence Sarkozy vous délestent. Pic dam ! À quand le retour de la taille et de la gabelle ? Et pourquoi pas une taxe sur le remariage ?
Certes, qu’il relève de l’imprévoyance la plus crasse, de l’irrationalité vibrionnante ou de la prodigalité ciblée au profit des « amis élyséens », on peut trouver à la fois pathétique et grotesque cet entêtement métronomique du gouvernement à enfiler les taxes et, au passage, le contribuable, à la manière dont son infatué président enfile les perles et débine la France aux yeux de la surface habitée du globe.
Mais il faut bien se faire une raison : en matière de politique économique Little Miss Sunshine est doté d’idées aussi plates que ces écrans plasma qu’il veut absolument taxer. Aussi faut-il nous résigner, passés les premiers mois d’anxiété hallucinatoire pour les rares connaisseurs du bonhomme et de déception légitime pour la profane majorité des autres, à contempler notre « président du pouvoir d’achat » agiter frénétiquement la bannière chimérique du « Travailler plus pour gagner plus », pendant que les patrons, pour cause de croissance envasée, rechignent à lâcher les heures supplémentaires (moins d’un salarié sur dix profitent des nouvelles mesures) et que gouvernement et opposition, aussi creux d’idées que soumis, s’alignent impeccablement, le petit doigt sur la couture fiscale, derrière la schtroumpfienne et lumineuse devise « A chaque jour suffit sa taxe ».
Les valeurs républicaines
Mais il y a bien plus grave. Comme ces appels, en ritournelle, à vouloir distinguer les individus selon leur origine nationale, ethnique ou religieuse (ce qui sous-entend de les catégoriser au préalable). C’est absolument contraire aux valeurs fondamentales d’égalité et de laïcité sur lesquelles repose notre constitution, dont l’article 1er précise « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Et pourtant, c’est bien ce qui survient actuellement. Deux exemples à l’appui.
Primo, sous couvert d’un impérieux et nébuleux prétendu « besoin de modernisation », notre président a récemment confié la tâche de modifier le préambule de la Constitution à une commission, présidée par Simone Veil, afin qu’il soit « complété pour garantir l’égalité de l’homme et de la femme, pour assurer le respect de la diversité et ses moyens, pour rendre possible de véritables politiques d’intégration, pour répondre au défi de la bioéthique ».
Qu’on me pardonne de passer derrière l’écran de fumée de la bioéthique, force est de constater qu’une telle modification rendrait constitutionnelle la politique de « discrimination positive » et, par conséquent, la promotion du communautarisme, notamment religieux, autant de vilaines entorses à la laïcité devenues si chères à notre prodigieux dompteur de civilisations et aux autres plumes de sa ménagerie.
Secundo, cette semaine M. Hortefeux, notre chef de patrouille et grand co-voitureur aux frontières devant l’éternel, vient d’annoncer son intention, avec l’autorisation du chef de l’Etat, de « constituer un groupe de travail, une commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration. Cette commission aura à réfléchir sur deux sujets : premièrement sur les quotas pour une immigration réussie et deuxièmement sur la simplification des juridictions ».
Réguler l’immigration en fonction de critères professionnels et de nationalité venant d’être jugé contraire au principe d’égalité qui fonde notre constitution, seule une telle révision pourrait rendre absolument constitutionnelle et présentable cette « politique des quotas », si chère à notre agité spirille national.
Ainsi, les quotas si décriés pour la gestion de la ressource halieutique conviendraient-ils beaucoup mieux à celle, plus mathématique, de la ressource... humaine. Probablement un mauvais remake de l’histoire de la sardine qui a bloqué la frontière marseillaise.
Pour être sérieux 5 minutes, on peut s’insurger contre la dérive actuelle, consistant, dès qu’une mesure est jugée inconstitutionnelle ou risque de l’être, à créer une commission, une brochette d’experts, puis à les faire plancher sur une révision de la constitution. Peut-on seulement contester un tel tripatouillage ? Sur le fond, y a-t-il des limites aux révisions de notre constitution ? Et sur la forme, comment doit-on y procéder ?
Sur le premier point, la question des limites, le dernier alinéa de l’article 89 précise simplement que « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Ouf ! Si l’obligation de respecter la « forme républicaine » signifie l’interdiction faite à Nicolas Sarkozy de rétablir la monarchie, l’empire ou toute autre turlupinerie à tendance maniaco-despotico-tyrannique, nous voilà partiellement rassurés... En revanche, si on entend par cette expression l’obligation de respecter les valeurs et principes essentiels qui fondent la « forme républicaine », notamment la laïcité et l’égalité, on peut contester le droit que s’arroge l’actuel président de changer de texte constitutionnel comme de Rolex ou d’épouse légitime.
Du point de vue de la forme, on pourrait également contester aux textes remaniés leur valeur de norme fondamentale, de « loi au-dessus des lois ». En effet, les commissions mitonnées par le facétieux Nicolas ne voient pas leurs membres désignés au suffrage universel, contrairement aux assemblées élues dites « assemblées constituantes », chargées d’écrire les constitutions.
On gagnerait évidemment à soumettre ces projets à l’approbation du peuple, par voie de référendum. Mais de cela, Nicolas Sarkozy n’en a cure. Il n’en veut absolument pas. Certes, le président de la République a le choix entre la ratification par référendum ou la ratification par le congrès (le congrès est la réunion, dans une même salle, au château de Versailles, des députés et des sénateurs qui doivent voter le projet à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour qu’il soit ratifié).
Naguère, le général de Gaulle préférait passer par la voie référendaire (en 1962 d’abord, puis sans succès en 1969, ce qui provoqua son départ). Nicolas Sarkozy, lui, privilégie le congrès, carpettes et castagnettes, cette ombre hallucinée d’un paysage politique qu’il a pris grand soin de décimer, dans un premier temps par anéantissement impeccable de toute forme crédible d’opposition, médiatique ou politique, interne à l’UMP ou externe, puis par dépeçage de membres à vif et crémation méthodique des restes sur le bûcher de la « politique d’ouverture ».
C’est ainsi que la ratification du mini-Traité européen a été entérinée, il y a quelques jours, à Versailles. En toute quiétude ! C’est également ainsi qu’on mettra en œuvre une politique d’immigration et de promotion du communautarisme que probablement (mais le saura-t-on jamais en l’absence de consultation ?) une grande majorité de Français désapprouvent.
Est-il dangereux ce Tartarin qui s’arroge le droit de décider ce qui est bon pour la France au motif avoué que les Français seraient trop couillons pour saisir d’eux-mêmes leur propre intérêt. Et bientôt ce sera au tour des Européens... C’est qu’il est énormément vorace, Lucifer ! À croire que régner sur 64 millions de Français ait éveillé chez lui des vocations sataniques... Des appétits gargantuesques... Comme des envies de bûchers néroniens !
Il va jusqu’à miser ouvertement et sans vergogne sur la future présidence française de l’Union européenne pour réaliser ses marottes... Les plus grands abracadabrantesques délires, tel son fumigène projet d’Union méditerranéenne dont personne ne veut. Ou bien les mini-poussées éruptives de pustules électoralistes récemment illustrées par cette promesse de remise en cause aussi subite qu’unilatérale d’une politique de quotas de pêche votée et approuvée, pas plus tard que le mois dernier, par les 27 pays de l’Union, France incluse. À l’approche des élections, l’engagement présidentiel en campagne, ce n’est plus de la politique Docteur, c’est une cystite !
Heureusement que les autres ne vont pas se laisser faire. Oh que cela nous promet de rudes et folâtres joutes salivaires... Du grand guignol à la grosse commission... D’une main, on supprime les quotas sur la merluche et, de l’autre, on en crée sur l’Africain. Dans les deux sens, ça nous rend plus libres d’aller à la pêche. Ça c’est prestidigitateur... J’en frémis. « Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter Nicolas dans les espaces d’une autre vie ! »
Mais plus sérieusement Docteur, sommes-nous aujourd’hui en présence de signes patents d’une petite et sale dérive autocratique du régime ? On peut se poser la question. À trop souvent changer notre constitution, va-t-on finir, sans nous en apercevoir, par changer de constitution ? Et quand la dérision, les sarcasmes, les velléités d’anathème et la colère seront épuisés, que nous restera-t-il pour nous faire entendre de l’histrion politique qui nous gouverne si mal ? L’insurrection citoyenne ? Exit Edgar Morin et bienvenue Bakounine ? Une déroute aux municipales ? Prions pour qu’il y assiste en Xerxès à son Salamine... Les guerres médiques et la galère bien bloquée dans le détroit !
En attendant, comme le dit la chanson, « Il est libre Nicolas » et, paraît-il, à l’instar de Max, « Y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler »... au-dessus d’un nid de 64 millions d’absolus et très effarés cocus.
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