Vote de confiance : Valls dispose d’une majorité fragile et d’une légitimité en morceaux !
Pour la première fois à l'occasion d'un vote de confiance, les rangs de la majorité parlementaire se sont clairsemés de plus d'une cinquantaine d'abstentions. Si le gouvernement a obtenu la confiance, comme prévisible, sa majorité est étroite, largement inférieure à la majorité absolue de l'Assemblée Nationale. Une situation inédite qui porte un coup sévère en termes d'autorité et de légitimité à un exécutif déjà en proie aux affres d'une impopularité record.
Le blog de République et Socialisme en Seine-et-Marne revient sur l'événement et ses conséquences envisageables en termes de recompositions à gauche, joignant à son analyse le détail des votes au sein des groupes parlementaires.
Finalement, malgré la proximité du vote du budget, Manuel Valls avait décidé d'un discours de politique générale hier mardi 16 septembre. Probablement conçu comme un moyen d'asseoir son autorité par rapport aux éléments critiques de la majorité parlementaire, ce rendez-vous institutionnel a donné lieu à d'innombrables spéculations et à un tir de barrage considérable contre les "frondeurs" du PS, ces députés critiques de la majorité qui réunissent la poignée de députés de l'aile gauche du PS mais aussi une grande majorité de députés PS qui n'en sont absolument pas issus. Voir ces derniers assimilés à l'aile gauche à quelque chose de comique, surtout quand on prend en considération le fait que certains d'entre eux, en 2010 et 2011, étaient de fervents soutiens de Dominique Strauss-Khan, de Martine Aubry, de Ségolène Royal, voire de François Hollande !
Qu'importe, c'est le jeu médiatique, les journalistes et commentateurs ne rendent jamais fidèlement compte des rapports de force et des batailles politiques, qu'elles soient internes ou externes. Reste que la critique de l'orientation politique gouvernementale a permis que soient noués des contacts entre des chapelles du PS extrêmement disparates, ainsi qu'entre ces secteurs critiques du PS et des forces de gauche extérieures au PS, qu'elles soient parties prenantes ou non de la majorité parlementaire. L'événement a une grande portée, il préfigure des recompositions qui peuvent permettre qu'émerge une vraie perspective alternative à gauche, mettant à mal la culture de la fidélité personnelle au président et au premier ministre, autoritarisme inhérent aux institutions du régime de 1958 et renforcé par tout un tas de procédures et de dispositifs, dont le plus pernicieux est probablement le "parlementarisme rationalisé", qui laisse la haute main à l'exécutif.
Les "frondeurs" et les autres secteurs critiques de la majorité permettront à eux seuls d'en finir avec ces procédures et ces dispositifs, mais ils peuvent apporter une contribution décisive à leur démantèlement.
En réponse à cette aspiration exprimée plus ou moins ouvertement en même temps que la réclamation d'une inflexion, voire d'une réorientation, de la ligne politique gouvernementale, le premier ministre a fait le choix du roulage des mécaniques. Les coups de menton médiatiques n'ont pourtant pas suffit à faire taire les critiques, bien au contraire. C'est l'un après l'autre que plusieurs secteurs de la majorité ont fait savoir qu'ils ne voteraient pas la confiance. Les 17 députés d'Europe Écologie Les Verts, les 3 députés du Mouvement Républicain et Citoyen, le député du Mouvement Unitaire Progressiste, tous partis membres de la majorité parlementaire et soutiens du gouvernement, ont successivement annoncé leur décision de s'abstenir, décision qu'ils ont honorée et à laquelle ils se sont tenus. Mais l'enjeu principal, évidemment, était de savoir combien de députés PS iraient à la "fronde".
Comme EELV, le MRC et le MUP, les "frondeurs" ont annoncé leur intention de s'abstenir, sans pour autant pouvoir préciser leur nombre. Lors du précédent vote de confiance, ils n'avaient été que 11, quasi tous issus de la seule aile gauche, seul un député du courant La Gauche Durable ayant rejoint une dizaine de députés de l'aile gauche dans l'abstention. A présent, l'intention de s'abstenir avait été manifestée par des députés non issus de l'aile gauche, des socio-démocrates bon teint n'ayant jamais eu de prétention, encore moins de velléité, à un quelconque comportement subversif envers la majorité et l'exécutif. Cela laissait augurer que le nombre de députés abstentionnistes du PS serait sensiblement plus important que la fois précédente.
Mais combien ? A une vingtaine, Manuel Valls l'emportait symboliquement. Il n'obtenait certes pas la majorité absolue de 290 sièges, mais pas suffisamment peu pour que ce soit dommageable. Surtout, plus de la moitié des opposants au Pacte de Responsabilité au sein des députés PS seraient rentrés dans le rang. Les prévisions des commentateurs médiatiques mentionnaient le nombre maximum de 25 députés PS "frondeurs", et au moment même du vote, on a vu des journalistes répéter en boucle que plusieurs "frondeurs" potentiels avaient changé d'avis suite au discours du premier ministre. Un discours pourtant peu susceptible de convaincre qui que ce soit, Manuel Valls ayant pour ainsi dire fait le minimum syndical pour défendre son orientation sans chercher à aller au-delà ni esquisser le moindre soupçon de remise en cause.
Ce qui ressortait du traitement médiatique de la journée d'hier avant le vote était pourtant l'impression que les "frondeurs" allaient échouer, qu'ils seraient à peine une vingtaine à s'abstenir et que le gouvernement Valls ne serait aucunement mis en difficulté pour la suite des événements, le vote du budget et les mesures phares qu'il a promues. La pièce de théâtre jouée avec Pierre Gattaz avait, à en croire les commentateurs bien informés, atteint son but. En repoussant les exigences caricaturales formulées le matin même par le président du MEDEF, Manuel Valls aurait réussi à se parer d'une virginale apparence de gauche.
Pourtant, ça a été l'échec. 28 abstentions de députés PS, un vote contre (un député du courant Maintenant La Gauche, qui siège dans le groupe RRDP dominé par les radicaux de gauche). C'est plus que les estimations maximales formulées par les commentateurs bien informés. Cela porte le nombre de députés de la majorité qui ont refusé la confiance au nombre, totalement inédit, de 55.
Certes, le gouvernement a obtenu la confiance. En même temps, vu le contexte institutionnel, il aurait été singulièrement étonnant qu'il ne l'obtienne pas, même si un tel précédent eût pu provoquer une évolution des pratiques institutionnelles fort bienvenue. Mais avec 268 voix seulement, à 22 voix de la majorité absolue. Jamais une majorité relative n'a été aussi étroite. Le gouvernement est fragilisé, sa légitimité est en morceaux. Pire encore : cette majorité fragile ne repose que sur les radicaux de gauche et la dizaine de députés PS dissidents qui avaient été élus contre les candidats investis par le PS en 2012 !
Nous n'en sommes pas encore au bout, même pas à mi-chemin. Reste encore un long chemin à parcourir d'ici la fin du quinquennat. Et pourtant l'exécutif est d'ores et déjà essoufflé. Il ne tient que par les mécanismes pervers de ce régime qui lui donnent une prise insupportable sur le législatif.
Peut-il tenir deux ans et demi ainsi ? A nous de faire en sorte que ce ne soit pas le cas. Les mobilisations doivent exister et gagner en ampleur. La bataille parlementaire a ses armes et ses logiques, la lutte sociale a les siennes propres. Pourtant les deux peuvent et doivent s'articuler si nous voulons aboutir à une alternative.
Alexis Martinez, République et Socialisme 77
Détail des votes des députés sur la confiance :
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Groupe Socialiste, Républicain et Citoyen (SRC) : 252 pour, 31 abstentions, 5 députés n'ayant pas pris part au vote- députés PS et apparentés : 242 pour, 28 abstentions, 4 députés n'ayant pas pris part au vote (président de l'Assemblée Nationale + 3 membres du gouvernement non encore remplacés par leurs suppléants)
- députés MRC : 3 abstentions
- députés Parti Progressiste Martiniquais : 1 pour
- députés A Gauche En Guyanne : 1 député n'ayant pas pris part au vote (membre du gouvernement non encore remplacé par son suppléant)
- députés PS dissidents : 9 pour
- Groupe UMP : 198 contre, 1 député n'ayant pas pris part au vote
- Groupe UDI : 27 contre, 3 députés n'ayant pas pris part au vote
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Groupe Écologiste : 1 contre, 17 abstentions
- députés EELV : 17 abstentions
- députés Nouvelle Donne : 1 vote contre
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Groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste (RRDP) : 13 pour, 1 contre, 3 abstentions
- députés PRG : 10 pour, 1 abstention
- députés PS : 1 pour, 1 contre
- députés MUP : 1 abstention
- députés Guadeloupe Unie, Socialisme et Réalités : 1 pour
- députés divers gauche : 1 pour, 1 abstention
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Groupe Gauche Démocrate et Républicaine : 2 pour, 11 contre, 2 abstentions
- députés PCF (Front de Gauche) : 7 contre
- députés FASE (Front de Gauche) : 2 contre
- députés DVG (Front de Gauche) : 1 contre
- députés Mouvement Indépendantiste Martiniquais : 1 contre, 1 abstention
- députés Mouvement Pour la Réunion : 1 abstention
- députés Parti Socialiste Guyannais : 1 pour
- députés Rassemblement Démocratique Martiniquais : 1 pour
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Députés non inscrits : 1 pour, 6 contre, 2 députés n'ayant pas pris part au vote
- députés FN : 1 contre
- députés Rassemblement Bleu Marine : 1 contre
- députés Mouvement Pour la France : 1 contre
- députés Debout La République : 1 contre
- députés Centre National des Indépendants et Paysans : 1 contre
- députés MoDem : 1 député n'ayant pas pris part au vote
- députés PS : 1 député n'ayant pas pris part au vote
- députés PS dissent : 1 pour
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