Yes we cant’t ! L’Occident semble sur sa fin mais nous avons un président des soins palliatifs
Les temps nouveaux qui are a changing comme le chantait Dylan sont arrivés. Obama est là. La terre planète est devenue terre patrie grâce au black messie plus connu que les Beatles qui étaient déjà plus célèbres que Jésus-Christ. Le monde va changer. Le gris va se colorer en couleurs d’arc-en-ciel. Les gens vont danser et le swing final sera le genre humain après ce grand soir électoral du 4 novembre 2008.
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C’est bon pour le moral, chantent nos amis métissés des îles. Mais la technique ne connaît pas la politique ni la crise et le genre humain semble inexorablement voué vers l’ère de la fin de la technique qui selon Heidegger n’en finissait pas de finir et ce n’est pas terminé. Obama est président des Etats-Unis, mais Nintendo sortira une nouvelle console de jeu. Les mémoires vives doubleront de capacité d’ici deux ans. Et les écrans plats vont aplatir les prix. Vive le marché, vive la concurrence, oublions nos maux dans cette grande bouffe technologique ! Les Soviets, c’est le parti plus l’électricité disait Lénine. Alors l’ère nouvelle, c’est Obama plus les nanotechnologies.
Souvenons-nous, lorsque, vers 1520, Machiavel écrivit Le Prince. Un livre d’une incroyable nouveauté qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Nous pouvions aller en Italie admirer les fresques de Piero, les superbes toiles de Raphaël et Michel-Ange, alors que Léonard écrivait à l’envers et que, plus tard, Copernic remit la Terre à l’endroit. Galilée découvrit la loi des graves. Ainsi naquit la physique mathématique, après Monteverdi. Puis Descartes inventa la méthode, Newton et Leibniz le calcul infinitésimal, un instrument fort utile qui se marie très bien avec Bach et ses baroques contrepoints. Mais la civilisation européenne avait tant d’œuvres à accomplir. Dans les domaines artistiques, scientifiques, techniques, politiques, littéraires… quel feu d’artifice ! De Beethoven à Maxwell, de Brahms à Einstein, de Darwin à Coltrane. Et notre XXe siècle ne fut pas en reste, avec la production des ordinateurs, le rythme du rock, les inventions du jazz et du Floyd, de grands films d’auteur. Watson en Crick livraient le secret de la mémoire génique et les labos dansaient et les Beatles chantaient et la génétique enivrait, autant que les pages web tracées en HTML et les virées en ULM. Bonnes vibrations, excellents scénarios, bonne littérature, philosophie impertinente, seventies excitantes… et puis, les eighties, pas géniales, mais moins mauvaises qu’on ne l’a affirmé et enfin, 1991, la CEI remplace l’URSS, les putschistes du KBG n’ont pas pu inverser le cours de l’Histoire. La téléologie, c’est plus fort que la politique. Et c’est peut-être aussi plus puissant que la civilisation.
Les années 1990, vagues souvenirs, intellectuels européens moroses, la mode des cafés philo comme refuge des âmes en mal de conversation. Les boys band, les Spice Girls, Oasis, la télé-réalité, Amélie Poulain, le pire est arrivé dans un monde culturel qui n’a plus beaucoup de choses à dire. La littérature, elle, est un naufrage si l’on en croit le livre paru en plein milieu de cette décennie et signé JM. Domenach, évoquant une décivilisation en reprenant la notion chez Péguy. Un peu plus tard, Pierre Jourde lancera un missile sur la littérature sans estomac. Le reste, cinéma, musique, pas grand-chose à part quelques œuvres de métal et de prog. Vingt ans de désert, mais, comme la nature médiatique a horreur du vide audiomatique, elle remplit ses programmes tel un lavomatique assoiffé de linge sale. Et les produits culturels frelatés et mauvais en ressortent blanchis après être passés dans les fenêtres médiatiques. En Afrique, les vieux lisaient quand ils étaient jeunes, mais, maintenant, c’est fini. Pourra-t-on encore dire que, quand un vieux meurt, c’est une bibliothèque qui s’en va ? Dans soixante ans, un vieux qui mourra, ce sera un écran publicitaire qui partira, avec plein de vidéos "youtubées".
Vingt ans de désert, c’est caricatural, dira-t-on. Certes, mais tout étant relatif, il paraît aventureux de comparer les deux dernières décennies à celles qui précèdent. Y compris au niveau des innovations politiques ou des découvertes scientifiques. Ce qui a beaucoup changé, c’est la technique. Les progrès faits dans la transmission, la puissance de calcul, la miniaturisation, les mémoires, les matériaux, les machines diverses avec de plus en plus d’électronique embarquée. Et, bien évidemment, la productivité massique dans les usines. Mais notre civilisation, elle, semble se mourir lentement. Cela a commencé il y a vingt ans, mais nous ne voyions rien, à l’instar de la grenouille de la fable qui se prélasse dans la marmite placée sur le feu, l’eau se réchauffant peu à peu.
Le lent délitement de la civilisation s’est fait sur fond de progrès technologiques, de techniques de communication, gestion, finance, surveillance. Je pense que ça va choquer, mais je prends le risque au nom de la sincérité et de la liberté. Ce lent processus de décivilisation semble toucher tous les domaines de la société. Dans ses conséquences et ses ressorts, il ressemble à la période nazie en Allemagne, mais le processus est beaucoup moins violent, plus doux, idéologiquement distinct. Pas d’antisémitisme ni de militarisme conquérant. Juste un malaise de civilisation où les gestionnaires froids organisent la société presque scientifiquement, pour produire de la croissance. Si le nazisme fut bien un anti-humanisme, assorti d’une dictature sans précédent et de crimes contre l’humanité, le monde actuel est un a-humanisme, sans crime organisé, sans dictature autre que celle que consent le citoyen abreuvé de propagandes et publicités.
Des tas de signes de décomposition de la civilisation se dessinent. On les voit en examinant ce qui se passe dans les champs de la culture, l’éducation, les médias, les hautes études et la recherche. Si nous regardons de près, nous verrons, malgré des tas de résistances individuelles de gens éclatants et lumineux, une lente dégradation. Les médias qui ne savent plus informer, mais entretiennent les putes rédactionnelles qui tapinent dans les bureaux parisiens et de province. Fini les belles analyses. Pour devenir chef de rédaction, il faut plus être chef que bien rédiger. Exit les belles analyses savantes et érudites. Quant à la télé, elle produit des téléfilms sans saveur, pour une soirée consensuelle à s’emmerder ensemble, mais chacun chez soi. A l’Education nationale, des profs sont malmenés par des élèves tyranniques alors que parfois, quelques profs tyranniques trouvent en un élève l’exutoire à leur sadisme latent. A l’université, le sadisme est larvé, feutré, dans le secret des commissions, mais il existe. L’université est un grand corps malade dévoilant à lui seul le lent suicide de l’Occident. Des combines, des compromissions et des présidents autocrates. Malgré leur cravate et les robes qu’ils mettent dans les cérémonies, les présidents d’université sont les produits et les signes de ce malaise de civilisation. Ils se croient des grands chefs, mais pour étoilés qu’ils soient dans les décorations, ils sont toqués eu égard aux valeurs de civilisation. Les sciences sociales sont peu à peu supprimées, y compris dans l’enseignement secondaire avec un programme réduit au minimum. Pour faire des petits d’hommes les futurs insectes au service d’une caste supérieure d’élite. Eric Besson, Jacques Attali et tant d’autres, dans les cabinets, les administrations, sont les figures symboliques de ce que je n’ose pas appeler la n… du système pour ne pas encourir la foudre des tribunaux. Des personnages sinistres, sans vergogne, sans âme, ténébreux, malsains je le pense, mais ils ne le savent pas, du haut de leur innocence de gestionnaire pour la croissance.
Et les citoyens dans tout ça ? La plupart sont les complices involontaires de ce déclin de civilisation. Les autres passent à côté sauf quand ils prennent un coup dans le destin et que ça les interpelle pour une réflexion sur ce qui se passe. Une minorité éclairée voit ce qui se dessine. Ce n’est ni moche ni beau. C’est la fin de la civilisation telle qu’on l’a connue et pensée. Un nouveau monde voué à la technique et au jeu de la jungle économique. Un monde où il faut être laborieux plus qu’ingénieux, où il faut travailler plus parce que « le travail libère ». D’ailleurs, Sarkozy n’hésite pas à liquider le repos dominical, vendant ce qu’il reste de tradition et le sacrifiant sur l’autel d’un misérable dixième de point de croissance. Quand une société en est réduite à pratiquer ce genre d’audace, telle une vieille soldant un Rembrandt pour s’acheter une Golf, autant la déclarer atteinte d’un cancer en phase terminale et lui souhaiter une mort rapide qui n’aura pas lieu cette fois car le monde a appris à vivre dans le morbide. Adieu la renaissance sur de nouvelles bases. Quant aux Etats-Unis, rien ne permet de dire si Obama pratiquera des soins palliatifs ou bien sera le messie d’un nouveau monde, bien qu’on pense savoir. En France, Sarkozy a été élu par les vieux. Il est le président des soins palliatifs dont a besoin notre pays pour accepter de mourir lentement et laisser le passé d’une belle civilisation. Le président des petits chefs de l’organisation, la gestion, la sectorisation, l’élan de la croissance, pour un monde aussi réglé et efficace qu’un bagne travesti en une joie activiste, une économie dynamique, un plan de vie scandé par les achats dans les grandes surfaces et les boutiques de luxe, c’est selon. La force par la joie de la consommation, la perte dans les biens de l’avoir et du paraître, les narcisses se pavanant dans les médias et les lieux où l’on cause, où l’on singe la fureur de dominer et de gérer les mécaniques humaines. J’aurais aimé finir sur une note optimiste. Mais je vous dirais que, Yes, we can’t ! Je suis le prophète d’une terre qui ne vous sera jamais promise parce que vous dormez.
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