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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > L’histoire n’est pas un produit fini...

L’histoire n’est pas un produit fini...

La raison serait-elle sans défense ? Le législateur l’affirme, puisque dans la patrie de Voltaire, on a voté des amendements et des lois qui disent au citoyen ce que fut son histoire. Les historiens protestent de leurs compétences, mais il semble qu’ils ne pourront pas grand-chose contre des politiques qui s’arrogent le droit de "dire" le passé. La "querelle" autour de la colonisation montre à quel point les pouvoirs aiment empiéter sur toutes les plates-bandes.

Jurer que la France a joué un rôle positif en Afrique du Nord, ou le contraire, c’est faire plaisir aux démagogues... Personne ne peut décider de ce qui s’est accéléré entre le sud et le nord de la Méditerranée depuis 1830 jusqu’aux années soixante. Personne ne sait quel avenir en sortira... Les cris l’emportent, en apparence, sur les poignées de mains. Les études sont bien entamées, mais des montagnes de clichés nous séparent encore d’une vue d’ensemble, beaucoup de ces clichés datent de la Guerre froide...

L’histoire est-elle chaleureuse ou intelligente ? Sait-on seulement ce qu’elle est ? Elle se trouve dans les innombrables questions qui restent sans réponse à propos du passé... La plus terrible consiste à se demander si nous sommes nés d’un jeu de hasard ou les élus d’un progrès général... Les régimes totalitaires nous ont matraqué que rien n’est fou dans notre histoire. Un instituteur de Romagne (Mussolini), un séminariste géorgien (Staline), un caporal de Bohême (Hitler), un peintre animalier (Franco), La Sainte-Inquisition, Vichy, les ayatollahs, tout ce que l’humanité a produit d’extra-lucides nous a clairement expliqué notre passé... et notre avenir...
C’était aussi, dans sa parenthèse maccarthyste, la tentation de l’Amérique.

Voilà que quelques démocrates veulent "protéger" les populations, en plantant les bornes de la bienséance en matière de vérités. C’est un peu comme si on faisait une loi pour interdire de publier que la Terre est plate parce que trois illuminés soutiennent qu’elle l’est dans la Bible, ou une loi qui oblige à enseigner le créationnisme sous prétexte que la théorie de Darwin choque des âmes sensibles... L’injonction de "positiver" la présence française en Afrique du Nord est un aveu, la loi contre le négationisme une faiblesse.

 Ces deux initiatives dévoilent que le système éducatif n’est plus capable d’ instruire, mais seulement d’ expédier Dieu sait quelles affaires courantes. Elles dévoilent que la communication n’est qu’une industrie aussi dangereuse et polluante que d’autres. Elles dévoilent qu’on marche sur trois pattes ici ou là, sur la tête quand on change de continent... Que les 99 % de savants qui s’accordent sur les turpitudes du vingtième siècle ne protègent ni du mensonge ni de la stupidité. Elles dévoilent qu’on se méfie jour et nuit de la liberté, que nous sommes pris dans un engrenage de précautions et de cataplasmes... qui étouffent, privent de mouvement et de jeunesse. En Italie, à l’époque du fascisme, on délivrait aux fonctionnaires un certificat d’ hétérosexualité... Autant dire que les seuls à le demander...

J’ai lu des articles émouvants à propos du Maroc ou de l’Algérie dans AgoraVox. Mais j’ai surtout vu des cicatrices mal refermées. Les médias n’ont pas assez travaillé. D’abord, on se soucie peu de mesurer les phénomènes dans la durée, dans leur contexte, dans leur étendue... Tant que les uns joueront aux martyrs et les autres aux archanges de la civilisation, on ne sortira pas du poker menteur des relations internationales. Voilà, pour dire que l’histoire n’est pas à mettre entre toutes les mains, n’importe où, n’importe comment, et surtout pas entre celles des parlementaires... qui se les lavent ou les enfoncent dans leurs poches quand ça les arrange.

Pendant ce temps, l’eau coule sous les ponts de la technologie, du fanatisme, du commerce d’armes, de l’empoignade agroalimentaire, de l’ordre planétaire, des contradictions locales et des régimes incapables... Au fait, c’est quoi, un bouc émissaire ?

Lueur d’espoir : le gonflement spectaculaire des listes électorales dans les banlieues de l’hexagone peut faire penser que nous ne sommes pas si loin de poser les bonnes questions, au bon moment et au bon endroit. Il serait temps de remettre les idées générales et les idées toute faites au vestiaire, pour que les gens qui en bavent prennent leurs affaires en mains.


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8 réactions à cet article    


  • Hakim I. (---.---.29.187) 3 janvier 2006 17:08

    Je suis assez d’accord avec le fait que l’Histoire n’est pas à mettre entre toutes les mains. Je suis d’une formation mathématicienne à la base, et j’ai donc besoin d’un maximum de données pour aboutir a une conclusion. Mes notions d’histoire ne sont pas assez développées pour produire un quelconque jugement. Dire que le rôle d’un pays ou d’un autre était historiquement positif ou négatif, c’est faire de la gastronomie du fast food.

    Je voulais aussi vous remercier du message de sympathie posté sous mon article et vous souhaite une bonne année.


    • (---.---.102.34) 3 janvier 2006 17:52

      merci Hakim, mes hommages à votre mère qui nous donne une leçon d’observation.

      Votre intervention m’a frappé parce qu’elle permet un dépassement des blocages et la remise en question des lieux communs . Ce que vous dites sur l’influence des mathématiques dans votre façon de prendre les choses est très réconfortant !

      Je vous souhaite une bonne année sur tous les plans et de nombreux articles aussi utiles que celui que j’ai lu. Très cordialement.

      m.ducruet.


      • Sylvain Reboul (---.---.151.108) 4 janvier 2006 10:08

        L’histoire comme jugement sur les faits historiques n’est certainement pas un produit fini mais le fait que le négationnisme nie un fait historique définitivement établi et reconnu comme un crime contre l’humanité, celui du génocide systématique et pour ce faire des chambres à gaz, a été reconnu comme un délit contraire aux principes même de la république et des droits de l’homme (ce qui est bien le rôle du parlement) est aussi un fait historique indiscutable.

        Il devrait en être de même en ce qui concerne le colonialisme qui est contraire en droit avec les principes de notre république et des droits de l’homme ; il s’agit d’un crime contre le droit des populations à l’autodétermination, lequel droit est reconnu comme une norme internationale par l’ONU et sa charte fondamentale et à laquelle l’état français a souscrit. Donc toute tentative de réhabiliter le colonialisme peut être dénoncée à son tour comme contraire au droit international dont la France est partie prenante.

        Ce n’est certainement pas le rôle de l’historien de définir ce qu’est un crime politique , mais c’est à lui d’enseigner que le fait de la colonisation est un crime au regard du droit international et du droit français.

        Quant aux aspects éventuellement positifs (sous-entendu pour les populations victimes de la domination subie de la part de la puissance coloniale) de cette colonisation rebaptisée pudiquement « présence française », il est clair que cela relève d’une appréciation non pas factuelle mais subjective qui ne peut faire l’objet d’une loi commune et encore moins d’une loi déguisée en vérité historique factuelle, en forme d’histoire officielle.

        Il faut donc distinguer la loi sur les prétendus aspects positifs de la présence française qui ordonne une vision partiale et subjective de l’histoire et les lois Gayssot et Tobira qui ne font que reconnaître des faits objectivement établis et objectivement reconnus comme des crimes au regard du droit international.

        La loi peut-elle juger l’histoire ?


        • (---.---.102.74) 4 janvier 2006 17:57

          Bonjour,

          La loi peut-elle juger l’Histoire ? Oui. comme elle a pu juger Socrate, corrupteur de la jeunesse, et lui ordonner de boire la cigüe. Ce fut bien l’honneur de Socrate et de la philosophie de s’être soumis à la loi.

          La loi, si elle dispose de la force et s’appuie sur la volonté librement exprimée du plus grand nombre des citoyens, peut juger l’Histoire. Le paradoxe c’est que sans l’Histoire déjà « faite » avec les méthodes adéquates, scientifiques, le législateur ne peut que se taire. Ce n’est donc pas la loi qui commande mais évidemment si on peut le plus on peut le moins.

          Le Passé n’est pas l’Histoire, je ne vous apprendrai rien, et le travail des historiens commence quand il laisse des traces et qu’on peut les analyser scientifiquement. Le premier crime des négationistes n’est pas de dire « ça n’existe pas », c’est de le dire en se faisant passer pour des savants au mépris des méthodes honnêtes d’observation des « traces » et donc avec des arrières-pensées criminelles. J’ai eu le bonheur d’être l’élève de P.Vidal-Naquet et je vous renvoie à ses publications (Un Eichmann de papier (1980) - Anatomie d’un mensonge in Les assassins de la mémoire Points Seuil, 1995 © La Découverte 1987 ) . Lorsque je dis qu’il y a faiblesse à faire intervenir le législateur, c’est pour dire qu’il y a faiblesse du corps social, dans la mesure ou désigner l’ennemi c’est le mettre à sa hauteur. Voilà bien trop d’honneur pour les Faurisson, Rassinier et autres 0,1% de l’université, qui profitent d’abord de l’effet médiatique. Peut-être même qu’en bons militants se dévouant à leur cause, ils gagnent là une sorte de jackpot dans la société du spectacle, leçon qui n’est pas perdue en Iran, si j’en crois l’actualité. Depuis quand un mensonge, condamné par la loi, deviendrait-il une non-valeur puisque nul n’est censé ignorer la loi ?

          « Plus un mensonge est gros et plus il y a de gens pour le croire » c’est dans Mein Kampf... il me semble que la taille d’un mensonge est aussi proportionnelle au bruit qu’il fait...

          Si j’emploie le terme de « Présence » française en Afrique du Nord, c’est pour suggérer que le terme de « colonialisation » est réducteur. Il le fut à la belle époque, auréolé d’une signification missionnaire et civilisatrice, il le fut dans les propos intéressés des soviétiques et des américains au temps de la guerre froide, il l’est chez les idéologues des relations nord-sud... D’autre part il y eut des différences dans l’évolution et le statut des départements algériens et des deux protectorats, ne serait ce parce que l’Algérie fut colonie de peuplement. C’est un arbre qui cache la forêt : il me semble que ce qui est important c’est « l’acculturation » de plus en plus forte qui se produit sur les deux rives de la méditerranée depuis un siècle et demi. Là est notre passé récent, là est aussi notre avenir. Quel dommage que François Mitterand ait parié quatorze ans sur l’effacement de la nation française au profit d’une europe ( notre alliée disait-il) qui risque de se faire contre nous et d’une société où les droits de l’Homme butent sur le simple droit au travail et au logement... Il nous reste 7 millions de musulmans et x millions d’étrangers à rassembler dans nos foyers avec pour lointain idéal la vague assurance de faire partie d’une troupe de consommateurs... Tel est le leg... Là encore le concept de « colonialisme » éloigne du social et partage le monde en bons et en méchants. Certes il y a crime contre l’humanité quand on porte atteinte à l’autodétermination d’un peuple depuis 1946... Si je me réfère à la crise yougoslave, fort oubliée dans le détail, qui peut m’expliquer l’éclatement de la Yougoslavie par la seule force des autodéterminations ?

          Je suis assez vieux pour me rappeler à quel point l’opinion ignorait l’outre-mer et ne s’éveilla sur la question qu’en faisant le compte de trente six mois de service militaire en Algérie... assez instruit pour savoir que les dollars du Plan Marshall sont passés dans les guerres coloniales, assez averti pour voir qu’ en laissant tomber la classe ouvrière, la classe moyenne se refait une générosité dans le Tiers-monde , assez normand pour compter sur le bout des doigts les amis de l’Homme.

          Soyons clair, qui veut partager quoi ? m.ducruet


        • Sylvain Reboul (---.---.47.3) 5 janvier 2006 09:57

          La loi ne peut juger l’histoire de l’historien, elle ne peut juger que ce qui, dans l’histoire, a compromis les valeurs et principes fondamentaux sur lesquels elle repose et qui assurent sa légitimité, qu’il ne faut pas confondre avec sa légalité.

          S’il s’agit de loi républicaine telle qu’on l’entend notre constitution, le négationnisme est non seulement un mensonge historique mais au fond, sous couvert d’une nouvelle vérité historique, une réhabilitation du nazisme et une insulte à ses victimes et cela d’autant plus que des forces politiques anti-démocratiques au pouvoir en France pendant l’occupation ont collaboré avec les criminels nazis.

          Quant au colonialisme, il reste un crime politique au regard de notre droit républicain (y compris en 1946). Et cela quels que soient les processus d’acculturation positifs qu’il a entraîné dont on peut aussi pensé qu’ils se seraient produits dans des conditions plus favorables en l’absence de colonisation (de domination extrêmement brutale voire accompagnée de crimes de guerre, voire contre l’humanité). N’oublions pas que le terrorisme islamique est aussi, entre autres causes, un héritage de l’acculturation coloniale ouverte et/ou déguisée..

          Toute domination anti-démocratique ne peut qu’être condamnée, y compris celle qui est liée à la domination sociale. Quant aux faits historiques, seuls les historiens ont vocation de les établir dans leur vérité aussi nuancée soit-elle ; le rôle de parlement est de définir ceux qui, dans ces faits objectivement prouvés, doivent être considérés comme des crimes pour les dénoncer et dénoncer ceux qui s’en font les complices en niant tout à la fois les faits dans leur vérité historique et en refusant le jugement politique qui les a condamné comme criminels et qui est aussi un fait historique

          La loi peut-elle juger l’histoire ?


        • Sylvain Reboul (---.---.47.3) 5 janvier 2006 13:21

          À question claire ; réponse claire :

          Deux catégories :

          Ceux qui n’ont rien ou sont en passe d’être exclus du marché ; et là c’est compréhensible.

          Ceux qui ont, mais qui sont des imbéciles historiques et politiques car aveugles à deux choses :
          - Le non partage va favoriser la guerre permanente contre les exclus, voire le terrorisme, islamiste ou non.
          - Le partage n’est pas nécessairement un jeu à somme nulle.

          Mais qu’un artiste, qui plus est, enseignant, soit tenté par (ou de valider) ce genre de comportement me paraîtrait paradoxal...


        • philippe (---.---.90.53) 2 février 2006 17:56

          Michel, MERCI ! MERCI et encore MERCI !

          Voici un très bon article : pour preuve la passion qui transpire au travers de qq. Commentaire ! Le débat est ouvert !

          Mes convictions sont celles d’un citoyen las de tant de lâcheté dans les propos de certains de nos représentants ( je devine quelque manoeuvre partisane de part et d’autre). Pragmatique soyons !

          OUI nous avons, à l’instar de nombreux peuples européens et autres, établi nos positions par l’asservissement de populations indigènes ! Que faisons-nous « hors de nos frontières » ??? Géopolitique qu’en tu te caches...

          Est ce cela « une découverte » un « jugement du passé » ou une obligation « à souvenir » ? Je n’en sais RIEN.

          Mais je sais que donner à des représentants du peuple fussent-ils élus « de grande valeur » le droit ou le devoir d’écrire l’Histoire a été, est et sera « Dangereux » ...car l’histoire n’est que trop souvent écrite par les vainqueurs !

          Un historien me semble plus crédible dans son approche, son analyse, sa méthodologie et donc dans ses conclusions car il est généralement « exclu » des luttes de pouvoir... La gestion « à court terme » est trop souvent conseillère dans notre société « évoluée » : légiférer sur un passé « présent » ne permettra pas d’établir « une vérité » mais imposera une vision !

          J’ai répondu il y a qq. Temps (hors du site agoravox : ... On ne pense plus par soi même : « on tourne » à la bouillie diastasée (information pré digérée par ...QUI ? Au nom de QUOI ? )

          A vous lire Philippe

          PS : Je ferai une remarque sur le commentaire du 05/01 terminant par « Mais qu’un artiste, qui plus est, enseignant, soit tenté... » : ou est le paradoxe ? Avoir des convictions ne suppose pas appartenir ou non à une catégorie socio professionnelle définie : quel a priori ! Petit rappel : « supposer » un fait ne veut pas dire « démontrer »...


          • pierre (---.---.12.22) 8 août 2006 20:45

            bonsoir je n’ai pas trouvé d’autre moyen de vous contacter ! c’est vrai je suis assez nul pour ce genre de contact ! nous avons eu une tres petite conversation a propos de Ado il y a quelque temps et j’aimerais vous faire part en primeur de ma decision de lui consacrer une exposition a la fin de l’année a Paris dans notre « galerie » pendant la FIAC.j’aimerais bien vous inviter a cette occasion si votre emploi du temps le permet et si bien sur cela vous fait plaisir. ses enfants seront presents a cette manifestation et nous serions tous ravi de parler d’ado et de vous !! merci de me contacter si affinités au 06 14 17 02 62 cordialement pierre

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