Martine Aubry, les Roms à Lille et les droits de l’homme
Le 3 septembre, Nord Eclair fait état d’une étrange polémique entre la présidente de la Communauté Urbaine de Lille, Martine Aubry, et le préfet du Nord Jean-Michel Bérard. Quels ont été les contacts entre Martine Aubry et Jean-Michel Bérard depuis juillet dernier à propos des campements de Roms ? Les documents diffusés par Le Figaro à propos de la plainte introduite il y a un mois et demi par Martine Aubry au nom de la Communauté Urbaine de Lille nous semblent apporter quelques précisions à ce sujet. Il en ressort que la saisine du Tribunal de Grande Instance de Lille a été faite avec ce considérant : « ... la loi du 5 mars 2007 n’a pas eu pour objet de dessaisir de ses prérogatives le Juge Judiciaire, gardien traditionnel de la propriété privée, la saisine du préfet étant purement facultative ». Quant à la décision de justice qui saisit le préfet par voie d’huissier, elle fait suite à la plainte de Martine Aubry. Sa suspension pouvait donc en toute logique être demandée à tout moment par la présidente de la Communauté Urbaine de Lille. Mais ce qui peut surtout surprendre, avec tout le respect dû à la justice française, est la teneur de l’ordonnance du Tribunal de Grande Instance rendue deux jours après la plainte de Martine Aubry, telle qu’elle apparaît dans le dossier mis en ligne par Le Figaro . Aucune mention d’une convocation adressée aux « occupants », d’un mémoire en défense, d’une audience contradictoire, de l’intervention d’un avocat des intéressés... Comment concilier les apparences présentées par une telle ordonnance avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme et le droit à un procès équitable reconnu par cette Convention ?
Dans sa plainte auprès du Tribunal de Grande Instance de Lille (source : Le Figaro),
http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/lettre/lettre-roms-aubry.pdf
la Communauté Urbaine de Lille, représentée par sa présidente Martine Aubry :
- expose qu’elle est propriétaire d’une parcelle de terrain sise à Villeneuve d’Ascq, Boulevard de l’Ouest, et que « depuis quelques jours, plusieurs véhicules et caravanes s’y sont installés, sans droit ni titre » ;
- plaide « une violation flagrante du droit de propriété » et les possibles « difficultés et troubles de voisinage » pouvant découler de cette « installation sauvage », raison pour laquelle « il y a (...) urgence d’ordonner leur expulsion » ;
- par ces moyens, la Communauté Urbaine de Lille demande au Président du Tribunal de Grande Instance de « bien vouloir ordonner, d’urgence, l’expulsion de tous occupants installés sur ce terrain ».
Le seul constat évoqué est celui de la Police Municipale de Villeneuve d’Ascq.
Il s’agit à tout point de vue d’une véritable procédure d’urgence, le plainte faisant valoir que le juge de l’ordre judiciaire reste le « gardien traditionnel de la propriété privée » et que la saisine du préfet est « purement facultative ».
Et c’est dans la même logique d’urgence que, deux jours plus tard, un Vice-Président du Tribunal écrit :
(...)
Vu la requête qui précède et les pièces jointes,
Vu l’urgence,
Ordonnons l’expulsion des tous occupants véhicules et caravanes installés sur la parcelle de terrain (...)
Désignons à l’effet de procéder à cette expulsion la SCP (...) Huissier de Justice (...)
Disons qu’il nous en sera référé en cas de difficultés.
(fin de citation)
Avec tout le respect dû au Tribunal de Grande Instance de Lille, à ses magistrats et à la juridiction de l’ordre judiciaire, on peut être surpris par l’absence de référence dans cette décision :
- à une quelconque convocation des parties adverses (les « occupants » mis en cause par Martine Aubry),
- à une audience,
- à l’intervention d’un avocat (même désigné d’office) représentant les « occupants »...
Comment la juridiction judiciaire entend-elle, en l’espèce, appliquer l’article 6.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ? Pour rappel, le texte de cet article :
http://www.echr.coe.int/ECHR/FR/Header/Basic+Texts/The+Co...
Droit à un procès équitable
1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
(fin de l’article 6.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme)
http://science21.blogs.courrierinternational.com/
http://www.mediapart.fr/club/blog/Scientia
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