Passe ton bac+5 d’abord
Alors que le baccalauréat est de plus en plus accessible, la course à l’armement des diplômes post-bac est lancée. Faudra-t-il bientôt un bac+5 pour trouver du travail ?
Un baccalauréat généralisé, quelles conséquences ?
Aujourd’hui, une très large majorité de lycéens accède au bac, avec un taux de réussite de 83,3 % .
Dans le même temps, 64 % d’une génération obtient ce diplôme.
Pour mémoire, l’objectif du ministère, fixé par Jean-Pierre Chevènement en 1985, visait 80 % d’une classe d’âge au bac. Nous n’y sommes toujours pas.
Pourtant, quelle que soit la valeur effective du baccalauréat, objet de longues polémiques (en dehors de l’orthographe, sujet pour lequel la baisse de niveau est peu contestée), la poursuite d’études supérieures semble indispensable à ceux qui veulent échapper au salaire minimum.
De plus en plus, les BTS, DUT, voire les licences se voient souvent, de fait, assimilées à l’ancien bac en termes de rémunération (voir fiche sur les métiers de l’industrie, à quelques heureuses exceptions près, les bacs+2 sont souvent proches du minimum).
Ainsi, la nouvelle frontière du diplôme rémunérateur est de plus en plus à bac+5, sachant que nous connaissons tous tel ou tel diplômé de ce niveau qui cherche désespérément du travail, et à qui on affirme qu’il est « surqualifié ».
Alors que la démocratisation de l’éducation secondaire est un fait réjouissant, autant le fait de devoir poursuivre des études souvent juste pour le principe, semble absurde.
En nous concentrant sur les études précédant le baccalauréat, nous devons d’abord nous interroger sur la finalité de l’éducation elle-même. Avant le « comment faire », interrogeons-nous sur le « pourquoi faire ».
Quelle finalité pour l’éducation primaire et secondaire ?
Ne cherchez pas sur le site du ministère de l’Education nationale la finalité de celle-ci (si vous y tenez quand même, voici le lien . Il y est question de lois, de principe, mais d’objectif, point.
Sénèque disait qu’ « il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ». C’est bien le cas de l’Etat français qui, de réforme en réforme, ne parvient pas à définir une véritable stratégie éducative pour le pays.
Les prétendues réformes sont en général une série de cautères sur une jambe de bois, dans lesquelles le débat sur les moyens prime sur la finalité.
Platon considérait dans La République que l’éducation a pour finalité le service de l’Etat.
Oserait-on en 2007, dire que l’éducation a pour finalité le service de l’Etat ? Sans doute pas, dans la mesure où l’Etat, à l’échelle de la France, regroupe plus de 64 millions d’individus aux objectifs bien dissemblables.
Dire que l’éducation a pour finalité le service de la Communauté nationale serait sans doute plus « politiquement correct », et plus satisfaisant dans le sens où les activités se situant en dehors du giron de l’Etat (entreprises, associations...) ont une place essentielle.
Favoriser l’obtention d’un travail pourrait-elle être la finalité de l’éducation ? Cela a un sens tant pour la collectivité que pour l’individu, mais cela pose ensuite la question du travail obtenu lui-même. Nous pouvons tous trouver un travail à 1 € par jour en Chine ou en Inde, sans bénéficier de la moindre éducation, pour effectuer une tâche élémentaire.
Cela n’est pas une condition suffisante dans un pays où le salaire quotidien minimum est proche de 60 €.
Bien d’autres finalités pourraient être données à l’éducation, dans une vision moins collective :
-
permettre à l’individu de donner le meilleur de lui-même ;
-
permettre à l’individu de devenir un « honnête homme » ;
-
élargir le champ des possibles de l’individu en fonction du monde d’aujourd’hui (mondialisation...) ;
-
permettre à l’individu de trouver le bonheur.
A mon sens, une définition acceptable de la finalité de l’éducation pourrait être « de permettre à chacun d’inventer et de participer au monde post-industriel ».
Les études pré-bac : obligation et passivité
Obligation parce que l’école est obligatoire, parce que la notion de choix est très limitée, et se résume malheureusement au principe suivant : les études générales pour les meilleurs, les études techniques pour les autres.
Je me rappelle d’ailleurs d’une rencontre que j’avais eue, alors que j’étais en 3e, avec une conseillère d’orientation. Très intéressé par la gestion, je lui ai demandé ce qu’elle pensait du fait que je parte en 2nde G (pour Gestion). J’ai vu son visage se modifier, et elle a cherché les mots politiquement corrects pour me faire comprendre que cette section n’était pas pour les bons élèves, et qu’il fallait que je poursuive en seconde générale.
Parmi les « meilleurs », l’orientation se poursuit ensuite, toujours en l’absence de choix basé sur les goûts personnels : dans les grandes lignes, filière scientifique pour les meilleurs, filière économique ou littéraire pour les autres. Terrible situation qui voit des matheux s’orienter vers des filières de management, là où c’est plutôt l’intelligence émotionnelle qui caractérise les meilleurs managers !
Passivité ensuite, car il existe peu d’interaction entre professeurs et élèves. La plupart de ces derniers reçoivent passivement le cours, car on ne les encourage pas ou très peu à aller au-delà du cours.
En ce qui me concerne, c’est seulement en 4e année post-bac que j’ai compris que je devais aller au-delà du cours, en lisant beaucoup, pour obtenir de bonnes notes. La simple redite du cours ne suffisait plus, et tant mieux.
La formation continue : volontariat et activité
Contrairement à l’enseignement traditionnel, la formation continue est au contraire le modèle d’un enseignement impliquant.
C’est d’abord souvent une volonté du salarié lui-même, qui est demandeur de formation, car il sait que cela le valorise.
Ensuite, les formations elle-mêmes sont basées sur l’interactivité, le partage des expériences des uns et des autres, la résolution en commun des problèmes posés.
Encore une fois, ne caricaturons pas : la formation continue a aussi ses défauts, et il existe des cours pré-bac véritablement interactifs.
Mais dans l’ensemble, la richesse et la densité d’informations apportées dans les formations continues auxquelles j’ai participé excède largement ce que j’ai pu tirer de mes longues années de primaire et de secondaire.
Un enseignement bloqué
Histoire-géographie, mathématiques, musique, latin, anglais, dessin, technologie, sciences de la nature et de la vie, physique...
Peut-on imaginer que l’une de ces matières puisse être supprimée des programmes ? Tout est utile.
Oui, mais il y a d’autres matières utiles qui ne sont jamais enseignées, ou tellement mal : gérer un budget, maîtriser son alimentation, gérer son temps, la lecture rapide...
Devons-nous poursuivre à enseigner au XXIe siècle les matières du XIXe ?
Très clairement, l’Education nationale est devenue une zone protégée, un système qui protège les enseignants eux-mêmes plus qu’il ne rend service aux élèves. Il est difficile de supprimer une matière, ou d’en rajouter une autre, quand on a des dizaines de milliers de professeurs prêts à se mobiliser pour faire échouer tout changement.
Le meilleur exemple de ce système tout au service des enseignants est le principe de l’évaluation.
Les professeurs sont évalués par un inspecteur qui passe au mieux tous les trois ans. Ils sont prévenus à l’avance, et ne se privent pas de préparer leur classe et leurs élèves pour cette séance.
Ensuite, les inspecteurs notent les enseignants.
Une note en trois ans, et qui plus est sur un cours préparé à l’avance.
Mieux, la note elle-même. Si elle est inférieure à la note précedente de l’enseignant, l’inspecteur doit se justifier en rédigeant un rapport spécifique. Il existe des inspecteurs courageux, mais je vous laisse juge du nombre d’enseignants licenciés chaque année pour incompétence.
Ainsi, l’évaluation qualitative est d’une portée très limitée. Quant à l’évaluation quantitative, elle n’existe même pas !
Ne pourrait-on pas faire passer chaque année des tests aux élèves en début et en fin d’année pour évaluer leur progression ? Il existe bien évidemment des tests, mais il ne sont pas annuels ni utilisés pour évaluer les enseignants. Ces tests auraient bien évidemment pour vocation de leur permettre de connaître eux-mêmes leur performance, et de pouvoir s’améliorer. Il va de soi que leur usage devrait être bien cadré, car les progressions ne seront évidemment pas les mêmes dans chaque site
Le problème est que les professeurs qui obtiennent vraiment des résultats, par exemple ceux qui amènent en CP 100 % de leurs élèves à la lecture, ne se voient pas récompensés.
Quelles matières avant le bac pour le XXIe siècle ?
A mon sens, les matières qui permettent à chacun d’inventer et de participer au monde post-industriel sont les suivantes :
-
le français et la culture générale (réunis en un seul enseignement), car l’accès à tout le reste passe par là ;
-
l’activité physique et sportive, car sans elle, notre santé ne nous permettrait pas de bénéficier durablement de nos acquis ;
-
les maths, car c’est de fait une des clés (mais pas la seule) du monde d’aujourd’hui ;
-
l’anglais, car l’information partagée par l’humanité (malheureusement peut-être, mais c’est un fait) est diffusée dans cette langue ;
-
l’informatique, dans ses dimensions de recherche et d’échange de l’information, car c’est la frontière d’un nouvel illétrisme ;
-
la communication entre les hommes, car c’est la clé pour une vie harmonieuse.
Ainsi, avec ces six matières, nous disposerions d’un véritable socle commun pour que chacun de nous invente et participe à ce monde post-industriel, dans lequel nous vivons désormais.
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