Au-delà des débats idéologiques que nous laisserons de côté durant ces lignes, voici quelques éléments qui peuvent nourrir la réflexion citoyenne de toute personne qui votera en 2012.
S'il n'était pas interdit à une Banque centrale de faire crédit à son propre Etat, il faudrait alors que cette Banque centrale soit par construction juridique dépendante de l'Etat, c'est-à-dire du pouvoir politique. Son gouverneur serait sous les ordres du politique, c'est-à-dire du ministre des finances, lui-même sous les ordres de la personne élue à la tête de l'Etat.
Si cet Etat était la France, cela voudrait dire que le gouverneur de l'actuelle Banque centrale, la Banque de France, Christian Noyer, agirait selon les directives de Nicolas Sarkozy et / ou d'un ou de plusieurs membres de son cabinet. Dans ce cas de figure, le gouverneur de la Banque centrale non docile au pouvoir serait très facilement destituable par le prince ! Une situation bien différente de celle qui existe quand la Banque centrale est indépendante… comme actuellement.
Ainsi, la Banque centrale sous la coupe du politique devrait, en situation de déficit budgétaire, obéir au chef de l'Etat qui lui demanderait d'ouvrir une ou plusieurs lignes de crédit − au taux d'intérêt de x %, sur x mois ou années −, pour faire face aux échéances des administrations publiques, c'est-à-dire généralement payer l'ensemble des fonctionnaires, les fournisseurs, etc. Ici, pas besoin d'une agence de notation internationale pour savoir si l'Etat peut s'accorder un crédit à lui-même. Ici, la Banque centrale est par essence consubstantielle de l'Etat. Elle est partie intégrante de l'Etat, comme le chef de l'Etat durant tout son mandat. Louis XIV disait : "l'Etat c'est moi !". On peut facilement imaginer qu'aujourd'hui certaines personnes du Palais puissent dire la même chose. La modestie n'ayant jamais étouffé les politiques omniscients et prétentieux !
Cependant, depuis l'Histoire la plus ancienne, les faits montrent que la Banque centrale, sous les ordres directs du pouvoir politique, c'est-à-dire de la personne en charge des affaires de l'Etat, n'accorde pas un crédit tel qu'on peut l'entendre dans le langage courant, mais une avance. Cette avance, c'est-à-dire une certaine quantité de signes monétaires, se concrétise en fait par une simple inscription (*) sur le compte du Trésor public (le banquier de l'Etat), égale à la somme demandée : 10, 50, 100 ou plusieurs centaines de millions d'euros, selon les besoins. Millions dont se sert ensuite le Trésorier payeur du pays, sous forme de chèques et de virements, pour payer tous les créanciers de l'Etat…
L'histoire a toujours montré que les avances ne sont jamais remboursées, car pour être remboursées, il faudrait au préalable que le budget de l'Etat soit positif ! C'est une Lapalissade ! Donc, cette avance n'étant jamais remboursée, c'est de la pure création de monnaie ex nihilo (*)… à forte propension inflationniste (**).
Cela est bien différent quand la Banque centrale est indépendante du pouvoir politique. Les avances et crédits à l'Etat sont interdits. L'Etat doit emprunter sur les marchés financiers, et le taux y est inversement proportionnel à sa notation. Ce faisant, il obtient de la monnaie déjà créée, donc non inflationniste − pour faire simple et court.
—> C'est toute la différence entre les deux approches. D'un côté on crée de la monnaie, de l'autre, on n'en crée pas ! Cette différence est de taille comme vous pouvez l'imaginer !
Par ailleurs, l'Etat étant déficitaire, sûrement pour des raisons plus structurelles que conjoncturelles − du moins nous l'espérons − pourquoi son budget redeviendrait-il positif pour la seule raison qu'il faudrait qu'il se rembourse les avances qu'il s'est fait à lui-même par l'intermédiaire de sa Banque centrale ? Stupide !
Avouons qu'il faudrait pour cela un pouvoir politique composé de femmes et d'hommes hors du commun, tel qu'aucun pays n'en a jamais élus !
Alors, imaginons, tranquillement et toujours sans aucune idéologie de droite comme de gauche (merci à toutes et tous !), les faits suivants :
- si vous pouviez vous faire crédit à vous-même pour financer un projet, auriez-vous la même prudence, la même exigence, la même rigueur en termes de rentabilité, de ROI, etc., que si vous deviez construire un dossier de financement pour solliciter un crédit d'investissement à la banque du coin ?
- si vous deviez payer un fournisseur grâce à une avance que vous n'auriez pas à rembourser, car faite par la banque dont vous seriez le propriétaire de droit divin… ou plutôt grâce à un crédit de trésorerie accordé par la banque du coin, quelle solution choisiriez-vous ?
Sans nul doute, vous feriez comme tout le monde. Vous vous feriez crédit à vous-même. C'est tellement plus simple de convaincre sa propre personne que le crédit que l'on se sollicite à soi-même est vraiment raisonnable !
Pourquoi, s'ennuyer à montrer et démontrer, via un épais dossier, qu'on a et qu'on aura la capacité à rembourser. Qu'on est une personne d'honneur, sans aucun risque, comme peuvent en témoigner des dizaines de personnes ! Que la confiance se décrète tout simplement sur votre mine, vos habits, votre belle montre et votre langage… et qu'il n'est pas raisonnable qu'elle se mérite ! Etc. Etc. !
Fort de cela, nous espérons vous avoir montré le besoin pour une Banque centrale de ne pas être sous la coupe du pouvoir politique. Surtout dans un univers où tout le monde a besoin d'argent pour telle ou telle raison. Raison toujours absolument vitale, vue avec ses propres lunettes.
Non ! la monnaie est une marchandise trop précieuse pour qu'on la laisse dans les mains d'un pouvoir mû, par et pour la politique.
Pensons à la
République de Weimar (voir
ici) qui avait tant besoin d'argent pour rembourser les dettes de guerre de l'Allemagne… que son chef, Ebert Friedrich, ordonna à sa Banque centrale de frapper monnaie… Elle frappa, elle frappa jour et nuit… des milliers de milliards de signes monétaires. Elle frappa tellement de la monnaie, qu'en novembre 1923, 1 dollar américain valait 1 000 000 000 000 de marks (soit mille milliards de marks). Le mark devint ce que l'on nomme couramment une monnaie de singe. On sait où cela a conduit le pouvoir politique allemand, puis l'Europe… puis le monde !
On sait aussi pourquoi, aujourd'hui, l'Allemagne tient tant, comme la prunelle de ses yeux, à avoir une monnaie de qualité, une monnaie respectée. Bref ! une monnaie forte.
Nous espérons vous avoir convaincu à nouveau qu'une Banque centrale ne doit absolument pas être sous la dépendance d'un pouvoir politique, c'est-à-dire souvent celui d'une seule personne, quelle qu'elle soit, à l'orgueil qui peut être parfois démesuré et omniscient. De droite comme de gauche, populiste ou non, démagogique ou pas… saine d'esprit ou non !
Pour rappel : toutes les banques centrales, sans exception, des pays qui ont ou ont eu une hyperinflation, sont sous les ordres d'une personne politique, chef de leur Etat. L'exemple le plus frappant est celui de la très pauvre
République du Zimbabwe, l'ancienne et riche Rhodésie, qui a frappé monnaie pendant des années − 24 h / 24 − engendrant une hyperinflation
(plusieurs dizaines de milliers de % par an. Des billets de 100 milliards de dollars zimbabwéens furent réellement imprimés afin que le consommateur puisse acheter 500 grammes de farine !?!?). Mais,
depuis le 13 février 2009, le gouvernement d'union nationale a confirmé la mise à l’écart de sa propre monnaie nationale, le dollar zimbabwéen (voir
ici).
Le budget est désormais libellé en dollars US − un comble ! − et les échanges s’effectuent en dollars US, rands sud-africain, pulas botswanais ou meticals mozambicains. La Banque centrale du Zimbabwe pleure de ne plus recevoir d'ordre de son chef bien aimé, son pouvoir politique, pour imprimer des billets ou lui faire des avances, comme il y a encore quelques mois.
Elle aimerait tant pouvoir imprimer des dollars américains… mais, malgré son savoir-faire reconnu désormais dans le monde entier, la très capitaliste et libérale Banque centrale américaine, la Federal reserve bank, de Barak Obama, ne le lui permet pas… Dommage diront certains qu'on ne puisse pas autoriser toute Banque centrale, de n'importe quel pays, ayant n'importe quel pouvoir politique à sa tête, de frapper n'importe quelle monnaie. Dieu que l'économie monétaire est restrictive !
Cet exemple un peu ironique − sur sa fin −, voire même peut-être excessif, confirme la nécessité de ne jamais confier le droit de frapper monnaie au pouvoir politique d'un pays. Sauf... à avoir alors un contre-pouvoir réel et fort, comme c'est le cas aujourd'hui aux États-Unis d'Amérique. Mais, même dans cette occurrence, un risque important demeure, celui d'avoir un Parlement à la botte du pouvoir, comme cela arrive malheureux souvent.
Donc, nous proposons de continuer à interdire les avances et autres ersatz de toute grande Banque centrale à son Etat ! Cela évitera au monde entier bien des soucis… souvent irrécupérables.
(*) C'est la forme dématérialisée de la planche à billets. L'autre consiste à imprimer physiquement des billets. En fait, lors des avances faites à l'Etat par sa Banque centrale, tout se passe comme pour un crédit révolving très spécial, dont le taux d'intérêt exceptionnel est de 0 %, et son CRD (capital restant dû) toujours à zéro. On peut imager combien de foyers français, ayant des fins de mois difficiles, voudraient disposer d'un tel revolving !
(**) M.V = Q.P (Irving Fisher (1867-1947),
The purchasing power of money, (edition
www.cosimobooks.com) p. 25 et suivantes. Avec M = quantité de monnaie ; V = vitesse de circulation ; Q = quantité de biens et services produits ; P = niveau des prix.