Carburant automobile français : le gazole maintenant plus cher que le super !
C’est fait, le prix du gazole est en train de dépasser le prix du super sans-plomb. Un véritable changement de mentalité va se profiler dans les habitudes d’achat des automobilistes français.
« Le prix à la pompe des super et du gazole augmentera de 13 centimes par litre hors TVA et de 15,4 centimes TCA incluses (…), a annoncé hier le ministre de l’Industrie (..) lors d’une conférence de presse. »
On aurait pu croire que c’était d’actualité tant le prix des carburants automobiles à la pompe augmente en France, mais non, cette coupure de presse récupérée d’un vieux journal, L’Humanité du 14 septembre 1995, il y a presque treize ans, est fréquente dans nos pages économiques. À l’époque, ce n’était que des centimes de francs, d’ailleurs.
La dépêche poursuivait en ajoutant que « la taxe intérieure sur les produits pétroliers augmentera de 2,6 % sur le super avec ou sans plomb et de 4 % sur le gazole » tout en complétant par le fait que « l’écart de prix entre le gazole et le super à la pompe sera préservé, mais la fiscalité sur le gazole sera proportionnellement alourdie ».
Le prix du gazole dépasse celui du super
C’est donc ces temps-ci qu’on peut voir fleurir le type de photographie mise en tête de cet article : un litre de gazole va devenir plus coûteux qu’un litre de super sans-plomb 95.
L’exemple donné provient d’une station-service Total installée dans l’Ouest parisien le samedi 17 mai 2008. Un passage d’autant plus symbolique que, dans le cas présent, la différence se fait au millième d’euro.
En fait, ce type de situation n’est ni nouvelle ni surprenante.
Rien de nouveau effectivement, car ce dépassement a déjà été constaté les semaines précédentes, à Clermont-Ferrand, par exemple, où le gazole était 1 centime plus cher que le super, ou à Clichy-la-Garenne, ou encore à Orly avec 4 centimes plus cher, et même à Rueil-Malmaison, où le gazole a dépassé le super de 6 centimes.
Et même quand le dépassement n’a pas encore été effectué, notamment dans les hypermarchés, la différence est très faible, de l’ordre de 2 centimes, et tend à diminuer.
Rien d’inattendu non plus, puisque, comme le confirment les déclarations d’il y a treize ans d’Yves Galland, alors Ministre français de l’Industrie et aujourd’hui reconverti comme président de Boeing France, l’écart de taxation entre gazole et super était destiné à se réduire et, déjà à l’époque, on prévoyait que l’avantage financier du diesel allait s’estomper à échéance d’une dizaine d’années.
On y arrive donc et, dès mars 2008, certaines dépêches de presse (ici le 13 mars 2008) prévoyaient ce dépassement pour le mois d’avril 2008.
Un véritable changement dans l’industrie automobile française
Le parc automobile français s’est distingué depuis plusieurs décennies par une proportion élevée de véhicules diesel par rapport aux véhicules à essence (trois quarts des ventes de voitures neuves concernent le diesel en France).
Encouragé par une taxation moins sévère (ce qui est rarement le cas dans les pays européens limitrophes), le gazole est utilisé par les véhicules industriels et commerciaux, ce qui avantageait les coûts de production.
Acheter un véhicule diesel, qui consomme pourtant moins qu’un véhicule à essence (en nombre de litres par 100 kilomètres), va devenir, selon un spécialiste auto de RMC, très coûteux en raison du surcoût à l’achat et du coût d’entretien majoré pour ces véhicules. La différence ne pourra plus être amortie avec un gazole au prix de celui du super.
La baisse des achats de voitures diesel est donc forcément programmée par l’industrie automobile française, ce qui est une petite révolution.
Pourquoi le gazole est-il maintenant plus cher ?
Il y a cinq ans (mai 2003), l’écart de prix était de 25 centimes : le gazole coûtait 0,77 euro par litre et le super 98 1,02 euro par litre. Le prix du gazole a donc doublé en cinq ans.
Il y a dix ans (mai 1998), l’écart était encore plus fort, de 28 centimes, mais avait déjà amorcé la baisse comme le recommandaient en 1997 par exemple un rapport du sénateur Alain Lambert ou un autre du sénateur Henri Revol, malgré les avantages du diesel qui étaient communiqués à l’époque.
Le prix de l’essence est toujours une donnée très énigmatique pour les consommateurs. Quand le prix du baril de pétrole monte, le prix à la pompe monte, mais quand il descend, la baisse est beaucoup plus faiblement répercutée. Une étude d’économistes de l’Insee l’expliquait en 2002.
La taxation en France est encore un peu plus faible pour le gazole que pour le super et s’exprime pour la TIPP en centimes d’euro par litre (a priori ne fluctuant pas avec le prix hors taxe), à laquelle il faut rajouter la TVA dépendant du prix hors taxe (soit 56 % pour le premier, 66 % pour le second, données à confirmer et dépendant d’un prix donné en hors taxe).
Si la hausse du prix du baril de pétrole et la baisse du dollar n’explique pas tout, c’est parce que le prix hors taxe et hors marge du litre de gazole est plus élevé que celui du super en raison d’un coût de raffinage plus élevé.
Pays pétroliers, compagnies pétrolières, État… chaque maillon de la chaîne profite évidemment de la hausse actuelle et ce n’est pas nouveau, mais la fin de la différence de prix entre les deux carburants constitue cependant un tournant historique.
Un expert de Que Choisir expliquait en 2006 que le marché du gazole est très franco-européen et donc ne bénéficie pas du marché très concurrentiel du super (très soutenu par la demande américaine), ce qui encourage les compagnies pétrolières à sous-dimensionner leur outil de raffinage du gazole et à prendre au passage de belles marges sur le diesel.
De plus, à partir de janvier 2009, les nouvelles normes européennes nécessiteront d’améliorer le retrait du soufre dans le gazole, une opération industrielle coûteuse qui va forcément se répercuter dans le prix.
À quand la révolution des automobilistes ?
Les professionnels qui utilisent beaucoup de gazole pour exercer leur métier sont souvent les premiers à réclamer une baisse de la taxation du gazole. En ce moment, ce sont surtout les marins qui protestent un peu partout sur le littoral français.
Mais, pour les particuliers, pas de révolution sinon, elle aurait déjà eu lieu, même si certains se rebellaient déjà en 2001.
Je me souviens qu’à l’époque où le dollar américain était au plus haut, il y a environ un quart de siècle (en 1984), et que le prix de l’essence augmentait en conséquence, des éditorialistes expliquaient que si le prix atteignait 5 francs par litre, les automobilistes se révolteraient et iraient manifester leur mécontentement dans les rues.
Aujourd’hui, il a maintenant atteint l’équivalent de 10 francs (c’est d’ailleurs curieux que le croisement du prix du gazole et du super soit justement à 1,53 euros), et aucun manifestant dans la rue…
Peut-être par mauvaise conscience, car les automobilistes savant bien que la pollution de l’atmosphère est en partie due à l’utilisation de leurs véhicules et qu’une revendication à conduire moins cher n’est plus trop à la mode.
D’ailleurs, indépendamment des progrès de l’industrie automobile (notamment avec les pots catalytiques), depuis quelques années, on a noté quelques changements dans les habitudes des Français avec une consommation moindre de carburant automobile (encouragée par la hausse éclair de son prix) mais qui, selon certaines études, n’aurait fait que compenser l’engouement récent des véhicules gros consommateurs comme les 4x4, monospaces et autres "hauts" véhicules, dont le marché est en forte croissance (ce qui constitue, à mon sens, une hérésie pour des agglomérations urbaines notamment en région parisienne).
L’avenir est aux nouvelles technologies
Parallèlement à un aspect politique de moins en moins conjoncturel concernant le prix du pétrole, l’épuisement programmé des réserves d’hydrocarbures en général sur la planète rend de toutes façons indispensable le développement de nouvelles technologies pour apporter de l’énergie aux automobiles.
Et pour l’instant, rien n’est plus fiable à l’échelle du marché mondial, plus efficace en termes d’autonomie et de vitesses et rien n’est moins coûteux que les véhicules actuels.
Pollution et épuisement des ressources demanderaient donc un effort renforcé dans ce domaine de la recherche.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (19 mai 2008)
Pour aller plus loin :
Comparateur du prix de l’essence en France.
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