Consensus de Washington
Le consensus est à l’économie ce que le Credo est à la foi catholique.
Le consensus de Washington est un ensemble de recommandations en matière de politique économique, émises par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, ainsi que le Département du trésor américain, tous basés à Washington, à l’intention des nations latino-américaines, en proie à de graves difficultés économiques et financières, suite à la crise des dette souveraines vers la fin des années 1980.
Furent mises en exergue comme conditions « sine qua non » pour l’obtention d’un prêt en US dollars auprès de ces éminentes institutions, notamment, une discipline fiscale rigoureuse, évitant des déficits budgétaires excessifs (En 2021 le déficit budgétaire des Etats-Unis s’élevait à 2'800 milliards USD ou 12,4 % du produit intérieur brut, le triple par rapport à l’année 2019 ndlr), baisse des impôts, notamment ceux sur les bénéfices des entreprises, dérégulation des taux d’intérêts, taux de change compétitif, libéralisation du commerce extérieur, libéralisation des taxes douanières, privatisation du service public, garantie des droits de propriété.
Ce qui, sur le plan macro-économique, fut sans doute un succès pour les caciques de Washington, occulte la réalité sur le terrain, le renversement de la clé répartition des richesse produites, au détriment du travail, en faveur du capital, ainsi que l’abandon de la souveraineté économique et sociale en faveur d’institutions supranationales, contrôlés par les Etats-Unis.
Profitant du changement de paradigme actuellement en cours, déclenché par la crise ukrainienne, du moins en ce qui concerne le rapport de force entre grandes puissances, l’économiste américain Michael Hudson publie son nouveau livre « The Destiny of Civilization » Finance Capitalism, Industrial Capitalism or Socialism, un condensé d’une série de conférences que l’ancien professeur à l’université de Beijing, Wuhan et Hong Kong avait tenues devant un parterre chinois. (1)
Les prévisions en matière d’économie étant plutôt difficiles, du moins celles qui concernent l’avenir, l’extrapolation de la brève histoire du capitalisme, à peine 200 ans, que tente le professeur dans son ouvrage, pour en tirer ses propres conclusions sur son avenir, peut paraître audacieuse, si on tient compte des 200'000 ans que l’humanité a déjà parcourus et du fait que la notion de « civilisation », une société densément stratifiée, maintenue par une entité autoritaire, un monarque ou un gouvernement, prête à sacrifier sa liberté et sa vie pour « le bien commun », est apparue il y a à peine 5'000 ans avec les dynasties des pharaons de l’Egypte antique (The Dawn of Everything, Graeber, Wengrow ndlr). (2)
Toujours est-il, pour Michael Hudson, il y a le bon et le mauvais capitalisme. Le bon c’est celui de l’Angleterre du 19ème siècle, le capitalisme industriel, et le mauvais, c’est celui qui domine aujourd’hui, le capitalisme financier.
En effet, les capitalistes anglais, les premiers à tenir tête à la noblesse terrienne, qui vivait de la rente sans rien produire, comme le font les banquiers de nos jours, défendaient la liberté économique contre le capitalisme rapace, du prélèvement de loyers, d’intérêts et de taxes.
Ceci dit, libéralisme et liberté sont des termes parfaitement antinomiques, car la volonté de la part de la classe capitaliste de se débarrasser de l’aristocratie terrienne, par l’introduction de la démocratie, ne fut pas le fruit d’un sursaut philanthropique, mais bien davantage la volonté de créer une société de consommation.
Pour ce faire des figures ultraconservatrices comme le Premier Ministre de l’époque Benjamin Disraeli ordonnait l’assainissement des services publics, notamment la codification dans la législation de l’accès aux soins médicaux, en créant le « Public Health Act » de 1875, et le Chancelier allemand Otto von Bismarck d’introduire un système des retraites, dont, certes, l’âge fut soigneusement aligné sur le niveau de l’espérance de vie, des acquis sociaux, qui, entre de nombreux autres, avaient fait progresser la qualité de vie du plus grand nombre de manière spectaculaire, du moins jusqu’à la fin de la Deuxième guerre mondiale, date du retour de la classe des rentiers, la finance, annonçant le début l’ère du néolibéralisme
Le retour des rentiers, marqua également le début de la désindustrialisation des économies occidentales et la montée en puissance de la Chine qui se servait des bonnes vieilles recettes du capitalisme industriel du 19ème siècle pour sortir sa population de la misère. La Russie, dont le niveau de vie était bien supérieur à celui de la Chine avant la désintégration de l’Union des républiques socialistes soviétiques, s’était vue envahie par le capitalisme prédateur américain et européen dès 1991, cherchant à exploiter à vil prix les ressources naturelles disponibles en abondance, causant un appauvrissement considérable de la population, jusqu’au véto d’un certain Vladimir Poutine.
Un empire ne laisse pas contrecarrer ses plans sans réagir. Ainsi, on peut citer un responsable du Département d’Etat des Etats Unis qui déclare que : « Le mieux serait de morceler la Russie en quatre pays différents, afin d’avoir un meilleur contrôle sur ses ressources naturelles. Cela nous laisserait la main libre pour nous occuper ensuite de la Chine, où nous pourrions orchestrer des révoltes populaires en y envoyant quelques djihadistes, je pense à la province du Xinjiang. »
Ainsi, le monde est actuellement divisé en deux camps, d’un côté les Etats-Unis et l’Europe, désindustrialisés et financiarisés, assis sur un montant colossal de monnaie fiduciaire, crée du néant, et de l’autre l’Asie avec la Chine en tête, première puissance économique, à la pointe du développement technologique, disposant d’une base industrielle solide, avec la Russie comme voisin, premier fournisseur mondial de produits agricoles et exportateur majeur de ressources énergétiques.
Ce qui reste à l’Ouest ce sont les sanctions économiques et la machinerie de guerre américaine, alimentée par la création monétaire. Ainsi, le produit intérieur brut annuel des Etats-Unis se situe actuellement autour de 24 billions USD tandis que sa dette souveraine, financée, pour la toute petite histoire, en grande partie par des pays disposant d’une balance commerciale excédentaires, la Chine en tête, oscille autour de 30 billions USD, la différence, remarque un économiste latino-américain, de 6 billions USD, représente grosso modo le produit intérieur brut annuel de l’ensemble des pays d’Amérique latine.
Il n’est donc pas étonnant que le prochain président du Brésil, du moins selon les derniers sondages, Luiz Inàcio Lula da Silva, préconise d’ores et déjà la création d’un système monétaire latino-américain, indépendant du dollar américain, sans parler de l’aspiration de la Chine, de la Russie, des états d’Asie centrale, de l’Iran et de l’Inde de faire autant, par la force des choses, sans parler de l’Afrique avec ses ressources naturelles.
Quoi qu’il en soit on reste dans la logique capitaliste de l’organisation de la production et la répartition des richesses produites, peu démocratique en fin de compte, car dominée par une classe, qu’elle soit industrielle out financière, peu importe finalement.
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