Critique du système monétaire
Le système monétaire actuel n’est jamais remis en cause ou critiqué dans les médias. La situation économique et monétaire actuelle va peut être changer ce fait. Rares sont les personnes a avoir pointé les failles du système ou encore à avoir prédit les difficultés actuelles. Au nombre de ces personnes se trouve Maurice Allais (3), un économiste français presque inconnu du grand public. Il a reçu le prix Nobel d’économie en 1988 (2) et a violemment critiqué le système monétaire et la politique économique des pays riches depuis les années 90. Dans cet article, je vais me concentrer sur le système monétaire, la politique économique fera l’objet d’un autre article. Je présenterais d’abord la critique de Maurice Allais sur le système monétaire de manière succincte. Puis, je développerais quelques points précis et notamment les liens avec la crise économique actuelle.
"Le système actuel du crédit, dont l’origine historique a été tout à fait contingente, apparaît comme tout à fait irrationnel, et cela pour huit raisons :
1. la création (ou la destruction) irresponsable de monnaie et de pouvoir d’achat, par les décisions des banques et des particuliers ;
2. le financement d’investissements à long terme, par des fonds empruntés à court terme ;
3. la confusion de l’épargne et de la monnaie ;
4. la très grande sensibilité du mécanisme du crédit actuel à la situation conjoncturelle ;
5. l’instabilité foncière qu’il engendre ;
6. l’altération des conditions d’une efficacité maximale de l’économie ;
7. l’altération de la distribution des revenus ;
8. et enfin, l’impossibilité de tout contrôle efficace du système du crédit par l’opinion publique et le Parlement, en raison de son extraordinaire complexité.
Au regard d’une expérience d’au moins deux siècles, quant aux désordres de toutes sortes et à la succession sans cesse constatée des périodes d’expansion et de récession, on doit considérer que les deux facteurs majeurs qui les ont considérablement amplifiées sinon suscitées, sont :
1. la création de monnaie et de pouvoir d’achat ex nihilo, par le mécanisme du crédit ;
2. le financement d’investissements à long terme, par des fonds empruntés à court terme.
Il pourrait cependant être aisément remédié à ces deux facteurs, par une réforme d’ensemble qui permettrait, sinon de mettre fin aux fluctuations conjoncturelles, tout au moins d’en réduire très considérablement l’ampleur.
Cette réforme doit s’appuyer sur ces deux principes tout à fait fondamentaux :
1. La création monétaire doit relever de l’Etat et de l’Etat seul. Toute création monétaire, autre que la monnaie de base, par la Banque Centrale indépendante des gouvernements, doit être rendue impossible, de manière que disparaissent les « faux droits » résultant actuellement de la création monétaire bancaire.
2. Tout financement d’investissement à un terme donné, doit être assuré par des emprunts à des termes plus longs, ou tout au moins de même terme."
La crise actuelle
Le mécanisme du crédit fait que plus les banques font crédit, plus elles gagnent d’intérêts (1). Ces dernières années, la création monétaire a fonctionné à plein régime. Aidées par des taux bas et avec l’accord des politiciens, les banques ont fait tourner la planche à billet et souvent pour leurs propres placements. Maurice Allais se scandalisait que l’on permette aux banques de "jouer à la Bourse avec leurs fonds propres et, encore pire, avec de la monnaie qu’elles créent pour cela" (5).
En effet, pour une banque il n’est rien de plus simple que de créer la monnaie dont elle a besoin pour ses placements. Pour cela, il lui suffit de créer une filiale qui va emprunter auprès de la société mère pour réaliser les investissements. Ainsi, la banque emprunte à elle-même en ne payant que le re-financement du crédit (1). C’est par ex le cas de Natixis qui est une filiale du groupe BPCE (Fusion de la Caisse d’épargne et de la Banque populaire) (6). C’est ainsi que la masse monétaire de la zone euro augmente de 10% par an ces dernières années (1). Cette création monétaire a alimenté une bulle financière mais aussi une bulle immobilière (voir graphique ci-dessous (15)) ces dernières années. Ces deux secteurs n’étant pas pris en compte dans l’indice des prix à la consommation, il n’y eu pas d’impact sur l’inflation dans l’économie réelle (12).
Comme toute bulle spéculative, celles-ci ont éclaté (avec les fameux "subprimes"). La chute de l’immobilier aux USA entraînant avec lui les bourses du monde entier et les autres marchés immobiliers. La monnaie mobilisée en bourse et en immobilier a alors commencé à quitter ces deux secteurs pour aller pour une partie dans l’économie réelle. Cela a déclenché une explosion de l’inflation à partir de l’été 2007 comme on le voit sur le graphique ci-dessous (7).
Le système bancaire s’est alors trouvé confronté à une inflation galopante qui a pour effet de ruiner les créanciers dont les banques font partie. En effet, si les intérêts perçus restent les mêmes, leur valeur en biens réels diminue. Nous avons vu dans le précédent article (1) que la monnaie est créée lors du crédit et détruite lors du remboursement. Pour limiter cette inflation, les banques ont donc voulu réduire la masse monétaire dans l’économie réelle. Pour cela, le meilleur moyen est de fermer le crédit aux entreprises et aux particuliers. Ainsi, les remboursements des emprunts en cours ont réduit la masse monétaire dans le circuit réel pour compenser l’afflux de monnaie provenant du dégonflement des bulles spéculatives. On voit sur le graphique ci-dessus que l’inflation a été rapidement maîtrisée et ramenée à un taux très faible. Ce n’est que vers la fin de l’année 2008 que les banques ont recommencé à prêter aux entreprises.
Le blocage du crédit opéré par les banques a maîtrisé l’inflation mais il a aussi mis un coup d’arrêt brutal à l’économie. C’est ce blocage qui a de manière directe plongé l’économie mondiale dans la récession. De plus, nous connaissons maintenant une inflation nulle voire négative ce qui a pour effet de mettre en difficulté de nombreuses entreprises.
En effet, l’inflation a pour effet d’augmenter le chiffre d’affaire des entreprises et donc de réduire le poids relatif de leur dette. Si l’inflation deviens négative alors le chiffre d’affaire des entreprises diminue ce qui menace leur solvabilité et peut provoquer la faillite.
Portez la croix, je me charge des clous
Comme nous l’avons vu dans le précédent article (1), les états européens ont abandonné leur pouvoir de création monétaire. Ils se financent donc en empruntant auprès d’entités privées contre le versement d’intérêts. Cet état de fait a réduit leur capacité de financement au fil des années. Les dettes publiques des divers états européens ayant globalement augmenté de plus de 100% depuis 1980 (8), les intérêts représentent désormais plusieurs points de PIB.
Avec la crise actuelle, les pays européens connaissent des déficits très importants en 2009 et il en sera de même en 2010. Par ex la France va voir sa dette publique passer de 1350 Mds d’euros à 1700 Mds en l’espace de 3 ans. La situation est analogue pour la large majorité des pays occidentaux et, on peut dire que tous ces pays sont d’ore et déjà en faillite. En effet, ces états ne peuvent plus investir, voir sont obligés d’emprunter pour couvrir les dépenses courantes. C’est une situation de faillite, où la dette ne peut qu’augmenter de manière géométrique.
On entend souvent parler de plans de rigueure pour rembourser la dette mais cela n’est pas réaliste. Prenons le cas de la France, avec 1700Mds de Dette et 50Mds d’intérêts voyons ce qu’il faudrait faire pour rembourser en l’espace de 20ans.
Au taux moyen de 2,93% (50/1700), le coût du crédit est de 548Mds d’euro (je vous fait grâce du calcul). On a donc un total de 2248Mds à rembourser ce qui fait (2248/20 = 112,4) 112,4 Mds d’euro par an. Cela ne suffit pas car il faut aussi réduire le déficit à 0. Or, celui-ci est élevé : 140Mds . Il faut donc économiser sur le budget de l’état 140+112 = 252Mds d’euros.
Mais cela ne suffit toujours pas car réduire les dépenses de 252 Mds aura entre autre pour effet de réduire les recettes de l’état. En effet, lorsque l’état verse des salaires et fait des dépenses dans l’économie réelle, il récupère une partie de ses dépenses par le biais des prélèvements obligatoires. La somme économisée de 252Mds sera versée aux créanciers de l’état. Ces créanciers étant en général des institutions financières, cet argent retournera dans le circuit financier où il échappera en grande partie aux prélèvements. A cela s’ajoute le fait que la dette de l’état est possédée en large partie par des étrangers (9). En première approximation, on peut considérer que sur les 252Mds de réduction des dépenses les prélèvements obligatoires seront perdus. En France, ceux-ci sont de 44% (13) on a donc 252*0.44 = 110,9 Mds d’euro de recette en moins qu’il faudra donc économiser en plus sur le budget. Mais cela ne s’arrête pas là puisque les 110,9 Mds d’économies réduirons aussi les recettes de 0.44*110,9 = 48.8Mds et ainsi de suite. Il s’agit d’une suite géométrique de raison 0,44 dont la limite vaut (1/1-0.44)*252 = 450 (14).
Pour rembourser sa dette en 20 ans, l’état français devrait donc réduire ses dépenses d’environ 450 Mds d’euro.
Le PIB de la France étant de 1950Mds d’euros en 2008 (11), cela représente 450/1950 = 23% de celui-ci.
Une telle réduction des dépenses est totalement irréaliste. Un pareil prélèvement briserais l’économie française sans parler des conséquences politiques et sociales. On voit donc que l’on ne peut pas rembourser la dette, la seule chose éventuellement faisable serait de la stabiliser mais pour cela, il faudra sortir de la crise actuelle.
Pour conclure cet article, parlons de l’euro. Tout le monde a en tête la crise grec mais celle-ci n’est que l’arbre qui cache la forêt. En effet, la situation des divers pays de la zone est proche voir tout à fait similaire à celle de la Grèce. Et, avec la crise qui se poursuit l’endettement des pays de la zone euro pourrait rapidement devenir insoutenable. Les dettes seront alors annulées d’une manière ou d’une autre. Pour cela je distingue globalement trois scénarios possibles :
1) On modifie les accords européens pour permettre aux états membre d’emprunter auprès de la BCE. Les états rembourserons alors toute leur dette avec les emprunts centraux ce qui augmentera la masse monétaire. Les intérêts versés seront utilisés pour financer la BCE et divers budgets européens bref, tout se passera comme si les états ne versaient plus d’intérêts.
2) L’Europe persiste dans sa volonté de rembourser les dettes sans toucher au système, les premiers états touchés se voient alors dans l’obligation de quitter la zone euro sous peine de subir un effondrement économique et social. Ceux-ci rétablissent leur monnaie nationale qu’ils dévaluent en remboursant leur dette par de la création monétaire.
3) Les états se déclarent en cessation de paiement (annulation pure et simple des dettes et intérêts) .
Au vu de la situation actuelle, il est évident que l’euro et sa zone tel que nous les connaissons vont subir des changements radicaux dans un proche avenir. Pour l’heure c’est la seconde solution qui se dessine avec la volonté affichée de l’Europe de ne pas aider la Grèce. La solution d’exclure la Grèce de la zone est même suggérée en Allemagne.
Références :
(1) Dette publique, monnaie et inflation : de quoi s’agit-il ?
(2) Maurice Allais
(3) "La crise mondiale d’aujourd’hui : pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires", Ed. Clément Juglar, Paris, 1999
(4) "La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance : l’évidence empirique", Ed. Clément Juglar, Paris, 1999
(5) "Le commerce des promesses : Petit traité sur la finance moderne" Pierre-Noël Giraud
(6) Natixis
(7) Principaux indicateurs économiques INSEE
(8) Dette publiques (wikipédia)
(9) Dette publique de la France (wikipédia)
(10) Budget de l’état (wikipédia)
(11) PIB de la France (wikipédia)
(12) Définition de l’indice des prix INSEE
(13) Prélèvements obligatoires (wikipédia)
(14) Suite géométrique (wikipédia)
(15) Jacques Friggit (wikipédia)
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