Keynes aurait aimé l’électronucléaire
La campagne électorale hollandaise n’a de cesse de montrer les muscles d’un candidat socialiste bien décidé à renégocier le traité européen de discipline budgétaire. « La France imposera à ses partenaires l’introduction d’un volet « croissance » », menace le favori des sondages. Mais en quoi pourrait bien consister le « salutaire » programme Keynésien que les socialistes se font forts d’imposer à nos partenaires de l’UE ?... En premier lieu, par quelle(s) ligne(s) budgétaire(s) communautaire(s) pensent-ils faire financer un programme de cette nature et quelles nations pensent-ils convaincre l’UE d’en faire bénéficier prioritairement ? François Hollande ne prétendrait tout de même pas obtenir, par dessus le marché, que son pays soit exonéré du très prévisible abondement national desdites lignes budgétaires !
Mais alors, avant de dissiper nos précieux deniers publics dans un mécanisme procédural au rendement pour le moins aléatoire, que ne commencerait-il pas par appliquer la vertueuse démarche dans son propre pays ? Dans un premier temps, il lui suffirait pour cela de se contenter d’accélérer des projets latents, déjà très prometteurs en termes de marges d’emplois et de retombées socio économiques proprement nationales.
Ainsi pourrait-il, par exemple, stimuler sans tarder la mobilisation des quelque 10 milliards de sûreté nucléaire post Fukushima, de même que les 30 à 40 milliards de mise à niveau technologique et de prolongation de notre parc électronucléaire déjà partiellement provisionnés par EDF. Tant que le nouveau chef de l’État y serait, il lui suffirait également de ne pas perdre une minute à engager le programme d’investissements d’avenir, décidé par ses prédécesseurs à hauteur de 36 milliards, consacré aux filières énergétiques d’avenir les plus porteuses et dans lequel le développement des réacteurs de quatrième génération mérite largement plus que le milliard dédié. L’économie mondiale ne coupera pas, en effet, à un tel développement permettant sans conteste de tirer meilleur parti du potentiel énergétique de l'uranium naturel et de réduire le volume et la toxicité des déchets ; le plus tôt sera donc le mieux.
Peut-on imaginer, pour notre pays, programme plus keynésien et plus à portée de main que celui-là ? Un programme offrant à la fois une stimulation significative de l’emploi national, la garantie de la maîtrise du coût et du confort de distribution de notre électricité, de même que celle d’un indiscutable renforcement de la sécurité d’approvisionnement et d’indépendance énergétiques du pays.
Oui mais voilà : pareil programme n’est pas dogmatico compatible avec les visées clientélistes d’un programme commun passablement repeint en vert. Le second des deux programmes se révélant la parfaite antithèse du premier en ce qu’il prévoit la réduction notable de la production électronucléaire française, inaugurée par la fermeture de Fessenheim, et la neutralisation progressive des ambitions de la filière, introduite par l’abandon de l’EPR Penly ; un sacrifice industriel sans précédent, tout entier consacré à la promotion massive des énergies « renouvelables ».
Outre que, en fait de promotion des renouvelables, les Français seront surtout gratifiés d’une promotion massive du charbon et du gaz – l’écrasante majorité des spécialistes est unanime sur ce point –, nos compatriotes doivent quand même savoir ce que leur porte monnaie doit attendre d’une aussi radieuse transition énergétique. Pour s’en faire une idée, je les engage à examiner la rubrique vedette de leur facture d’électricité, par le biais de laquelle ils soutiennent déjà les énergies réputées « vertueuses » ; je veux parler de la célèbre CSPE, Charge de Service Public d’Électricité. Fin 2004, cet impôt justiciable de la TVA (!) était de 5,4 euros par MWh (mégawattheure). Or, s’il est actuellement de 9 euros par MWh, il passera à 10,5 euros le 30 juin prochain, tandis que, selon la CRE, il aurait déjà dû passer à 13,7 euros pour refléter les coûts réels supportés par EDF et, aux dires d’Henri Proglio, dépassera probablement les 20 euros avant 2020. Cerise sur le gâteau, EDF supporte aujourd'hui un déficit de compensation cumulé de cette CSPE de 3,8 milliards d'euros et les charges financières induites d’environ un milliard, soit un total de 4,8 milliards. Ceci parce que, bizarrement, l’État ne couvre qu’en partie les obligations d’achats de l’opérateur avec le produit de cette CSPE.
Bilan : avant même la grande révolution énergétique dont se félicitent d’avance les promoteurs de la 6éme république « écologique », le coût des énergies renouvelables représente déjà plus de 11 % de la facture d’électricité des usagers domestiques, après avoir subi une augmentation de 100 % en 7 ans et en affichant une autre de 100 % pour les 7 années suivantes !
À l’aune de références aussi peu contestables, nos compatriotes peuvent donc facilement imaginer ce que leur coûtera un territoire français couvert d’éoliennes et de Km2 de panneaux photovoltaïques… sans parler du coût aisément prévisible du démantèlement prématuré de quelque 25 réacteurs, qu’ils auront également à supporter en même temps que celui de la construction, dans l’urgence, d’au moins une vingtaine de centrales à gaz et à charbon… sans parler des insurmontables problèmes techniques d’exploitation d’un système électrique national devenu plus instable, dont personne ne parle… et pour cause.
Un beau coup pour l’emploi, assurément, de même que pour le pouvoir d’achat, le confort et les finances publiques des Français. Il est vrai, j’oubliais, que le pays pourra compter sur les innombrables créations d’emplois dans les renouvelables, dont l’estimation est facilement extrapolables de celles que crée aujourd’hui « massivement » le secteur.
Ainsi s’achève la chronique d’un désastre social annoncé, dans un pays nucléaire où la parole des Grünen de Cohn Bendit recueille désormais plus d’attention que celle d’une Agence Internationale de l’Energie affichant une croissance mondiale du nucléaire de l'ordre de 70% sur 25 ans, en dépit de l’accident de Fukushima.
André Pellen
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