L’Etat doit dépenser plus qu’il ne gagne
Le mot austérité est en contradiction avec un système économique visant à répondre toujours mieux à nos besoins et envies. Dans une économie en croissance, la consommation et l’investissement augmentent. On dépense plus. Or, pour dépenser plus, il faut que certains acteurs économiques dépensent plus qu’ils ne gagnent. Les plans de rigueurs annoncés imposent cette question simple : si l’Etat ne dépense pas plus qu’il ne gagne, d’autre le fera ?

Les ménages ? En France et en occident, leur taux d’endettement n’a jamais été aussi élevé et le taux d’épargne est historiquement bas. Soumis à la pression d’un chômage élevé et d’une forte concurrence des pays émergents, les salaires ne sont pas prêts de s’envoler.
Les entreprises ? Un endettement élevé, de mornes perspectives de croissance et un système bancaire affaibli donnent peu d’espoir de voir un fort mouvement d’investissement privé.
La demande internationale ? Les pays riches se serrent la ceinture et les pays émergents accumulent les mesures mercantilistes. On voit ainsi mal la demande internationale jouer un rôle de locomotive pour le monde occidental.
Malheureusement, si l’Etat ne dépense pas plus qu’il ne gagne, personne ne le fera. A l’image de la Grèce et L’Irlande, une forte réduction des déficits ne peut entrainer qu’une grave récession. Cependant, s’endetter plus semble impossible. Ce bourbier est-il sans issue ?
Non, mais réalisons que seul le financement direct des Etats par la création monétaire offre une issue convenable. Aucun Etat en crise n’a encore sauté le pas. Ceci n’est pas étonnant tant cela va à l’encontre des idées économiques dominantes. La peur de l’hyperinflation est légitime. Les crises inflationnistes ont souvent découlé d’un usage immodéré de la planche à billet par le gouvernement. Cependant, un examen sérieux de la question monétaire montre qu’il existe plusieurs manières d’utiliser la planche à billet. Certaines présentent un fort risque inflationniste, d’autres sont bien moins risquées.
Les actions monétaires entreprises actuellement par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et à bien moindre échelle par la Zone Euro ont un fort potentiel inflationniste. La FED est intervenue sur les marchés à hauteur de 1600 milliards $ grâce à de l’argent créé de toute pièce et la Bank of England 200 milliards £. Ces interventions n’ont pas pour objectif de financer les Etats mais de soutenir périodiquement Etats, banques ou entreprises en achetant de la dette, préservant ainsi des taux raisonnables. Ces mesures permettent d’éviter des crises obligataires comme l’ont vécues la Grèce, l’Irlande ou le Portugal. Cependant, elles remplissent automatiquement les réserves des banques qui se retrouvent avec des centaines de milliards à investir en coffre. Aux Etats-Unis, les réserves bancaires sont passées de 11 milliard $ en 2008 à 1600 milliards $ aujourd’hui !
Or, selon la théorie classique du multiplicateur monétaire bancaire, les réserves excédentaires détiennent un potentiel inflationniste immense. Pour cela, elles sont inexistantes en temps normal. Néanmoins, l’inflation touche pour le moment modérément les Etats-Unis et le Royaume-Uni car les banques prêtent peu les sommes monumentales en réserves.
L’augmentation progressive du taux de réserve obligatoire présente une forme de financement monétaire des Etats plus classique, plus efficace et bien moins risquée. L’opération ne poserait techniquement aucun problème. Elle a été encore appliquée il y a peu par le Brésil et la Chine. Elle consiste à racheter aux banques des obligations d’Etat en créant de l’argent puis à empêcher les banques d’utiliser cet argent en élevant la limite légale de réserves. Les obligations sont rachetées de façon permanente. Les intérêts payés par les Etats sont reversés aux Etats et le remboursement du principal sert automatiquement à racheter d’autres obligations. Une partie de la dette est de facto annulée. L’argent créé se retrouve automatiquement chez les banques à qui les obligations ont été achetées. Les réserves excédentaires étant « gelées » par l’augmentation du plancher légal de réserves, l’Etat est financé sans risque inflationniste.
Un passage du taux actuel de 2% de réserves obligatoires à 7% financerait l’Eurozone à hauteur de 550 milliards € (la base de calcul étant de 11 000 milliards), soit 6,5% du PIB. Un taux de réserves obligatoires de 7% n’est pas excessif. Ce taux est de 15% au Brésil et atteint 21% en Chine. Cette mesure augmenterait également les revenus annuels liés à la création monétaire.
Considérée comme une taxe, une telle mesure serait violemment combattue par le monde financier. Ce point de vue est contestable et était ardemment contesté même par des économistes libéraux tel Fisherou le prix Nobel Allais. L’effort demandé serait minime. En effet, le supplément à placer en réserves est transféré par la banque centrale au secteur financier et les réserves sont (modestement) rémunérées par la BCE.
Quoiqu’il en soit, la priorité absolue pour le monde financier, ce ne sont pas des régulations accommodantes, mais des Etats et des économies en bonne santé.
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