La dette, enjeux et pratiques
Depuis la remise du rapport Pébereau, on sait l’enjeu que représente la dette, symptôme d’une non-maîtrise des finances publiques. Thierry Breton semble avoir retenu la leçon du rapport à moitié, s’attachant plus à réduire la dette par des opérations de court terme que déployant une vraie politique de gestion rigoureuse.
On aurait pu croire que le rapport Pébereau (PDF) avait remis les choses au clair dans l’esprit des Français, et surtout de leurs gouvernants, sur ce qu’est le problème de la dette publique. Ce rapport, oeuvre d’une commission pluraliste et ayant - de l’avis de tous ses intervenants - travaillé en bonne intelligence sur un diagnostic sans concession des finances publiques, énoncait clairement le problème : la forte croissance de la dette publique résulte d’une gestion peu rigoureuse des finances publiques. Elle est en quelque sorte le symptôme de non-choix politiques, d’un certain clientélisme de gauche comme de droite, de la non-culture d’évaluation, de l’empilement des dispositifs, et de l’incapacité de l’Etat à bouger, à se transformer.
Pour faire simple, j’en avais déjà parlé chez moi, la dette n’est pas tant le problème (même si son niveau obère les marges de manoeuvre de l’Etat) que la fièvre du malade : il va falloir la faire baisser, mais il faut avant tout guérir la maladie de mauvaise gestion publique.
Thierry Breton, qui a reçu le rapport en grande pompe et n’a cessé depuis de sonner l’alarme sur le niveau de la dette publique, aurait pu entendre ce message. Tout à l’urgence d’agir, proclamée par le gouvernement, il aurait pu s’attacher à mettre en oeuvre les réformes de fond que préconise le rapport, si difficiles soient-elles. Après tout, le gouvernement Villepin est là pour agir pour la France, pour la faire redémarrer : quelle mission plus noble que celle qui consiste à lui redonner enfin des marges de manoeuvre, à travailler à ses fondations ?
Mais non.
Thierry Breton s’attache surtout à faire baisser la température. Au lieu de descendre à fond de cale, en allant traquer les dépenses inefficaces, en lançant un grand réexamen des dépenses à l’occasion du budget 2007, il reste en surface, traquant les choses faciles, les saloperies qui traînent sur le dessus de la pile. Il est plus simple de donner un peu d’aspirine pour que la fièvre tombe, en attendant 2007.
Le ministre nous a donc détaillé le 19 mai par le menu comment, dès cette année, il allait s’attacher à faire baisser le niveau de la dette, plus vite que prévu : triple dose d’aspirine pour le malade ! Il faut que la fièvre tombe, et vite. En 2007, il faudra montrer une inversion de la terrible courbe !
Première dose d’aspirine, les recettes supplémentaires au budget (si l’économie se comporte effectivement mieux que prévu) seront affectées au désendettement. Soit. C’était une des justes préconisations du rapport Pébereau. Mais il faudrait peut-être, pour être honnête, éviter de cacher un peu trop des crédits d’impôts un peu partout, qui viennent réduire les recettes, au lieu d’augmenter les dépenses. François Ecalle l’expliquait très bien sur Débat2007.fr : une saine politique consisterait à cesser de maquiller des dépenses dans l’abus de crédits d’impôts mal évalués et souvent inefficaces. cela contribuerait à alourdir, facialement, les dépenses de l’Etat. Évidemment, ça n’arrangerait pas, à court terme, les objectifs de fièvre de M. Breton, mais permettrait sans doute de mettre le malade sur une voie de guérison. Entre la fièvre et la maladie, il faut choisir, semble-t-il.
Deuxième dose d’aspirine du docteur Breton, les cessions d’actifs. Ou comment annoncer ce qu’on savait déjà : la cession des autoroutes sera principalement affectée à la réduction de la dette. La cession d’actifs non stratégiques et leur affectation à la réduction de la dette n’est pas nécessairement une mauvaise chose, si l’on n’en abuse pas. La question est bien celle de la priorité et de l’opportunité d’un tel mouvement, en l’absence de réforme de structure. Pourquoi vendre des recettes futures claires et précises, trop vite, pour faire baisser la fièvre ?
Troisième dose, la meilleure, et la moins compréhensible pour le Français moyen : "modifier sensiblement l’orientation du pilotage de la trésorerie de l’Etat". Vous avez compris ? Il suffit qu’on gère un peu mieux la caisse de l’Etat (la trésorerie, les comptes courants, à court terme) pour que la dette s’allège. Enfin, le taux d’endettement, le pourcentage, la variable qui obsède le docteur Breton. Comme le disait fort justement Nicolas Barré dans Le Figaro : "Il suffira que l’Etat s’arrange pour que sa trésorerie soit réduite de 15 milliards d’euros à la fin de l’année, et la moitié de la promesse de Thierry Breton sera tenue. Rien de formidablement vertueux là-dedans.".
Résumons. Où sont les bonnes recettes du docteur Breton ?
- profiter de la bonne conjoncture pour avoir de meilleures recettes
- vendre des actifs
- changer la gestion de la trésorerie à court terme.
Et la réforme de fond ? La maladie ? Il faudra vraiment attendre après 2007 ? L’illusion du courage et de la volonté qu’affichent Thierry Breton pour réduire la dette publique risque d’être dévastatrice, le jour où il faudra expliquer aux Français que même si la fièvre a baissé, le malade n’est pas guéri...
24 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON