La France face au cauchemar du chômage
Dernièrement ont été publiés par le ministère du Travail les chiffres du chômage pour le dernier mois de 2015. Sans surprise, le taux de chômage a encore augmenté selon les données officielles. Le gouvernement martèle (depuis trois ans déjà) que le chômage baissera dans les mois à venir et l’opposition pointe du doigt la médiocrité de celui-ci. En réalité, les principaux leviers de manœuvre du gouvernement pour faire baisser le chômage ne lui appartiennent plus. Ils ont été transférés aux institutions européennes.
Dans une interview chez Jean-Jacques Bourdin, le Président de la République en exercice, François Hollande, avait laissé supposer que si la courbe du chômage ne s’inversait pas, il ne se représenterait pas en 2017.
Manuel Valls, sur BFM TV, avait quant à lui lancé sur un ton confiant que le taux de chômage baisserait. De même pour la nouvelle ministre du Travail, la franco-marocaine Myriam El Khomri.
Cependant, DARES vient de publier les chiffres du chômage pour le mois de décembre. Le nombre de chômeurs de catégorie A a augmenté de 0,4% (+15 800) sur un mois, ce qui fait une croissance de 2,6% sur toute l’année. Pour justifier ces chiffres mirobolants, la locataire du ministère du Travail invoque les attentats sanglants de novembre qui auraient « eu pour conséquence une baisse d’activité dans les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie » notamment.
Un tel argument est mis en défaut par la tendance haussière du taux de chômage depuis plusieurs années maintenant.
On ne saurait imputer cette tendance aux seuls attentats tragiques survenus en 2015 en France. Cela est causé par des facteurs à la fois structurels et conjoncturels.
Les chiffres du chômage sont-ils représentatifs ?
La méthode de calcul adoptée, entre autres, par l’Insee est celle du Bureau international du travail (BIT). Celui-ci définit le taux de chômage comme étant le rapport entre la proportion de chômeurs et la population active. Le BIT définit un chômeur comme étant une personne en âge de travailler (c’est-à-dire âgée de 15 et plus) qui répond aux critères suivants :
- ne pas avoir travaillé au moins une heure durant une semaine de référence ;
- être disponible pour occuper un emploi dans les 15 jours ;
- avoir cherché activement un emploi durant le mois précédent.
À sa lecture, on constate immédiatement que de facto, plusieurs dizaines de milliers d’individus sont exclus hors du champ de la définition. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes qui occupent un emploi précaire de quelques heures à peine par semaine ou de ceux qui se sont découragés à chercher activement un emploi (donc qui ne se rendent plus à Pôle emploi).
L’Insee cache donc sous le tapis toutes ces personnes qui si elles étaient prises en compte ne feraient qu’accroître les chiffres encore plus. Il faut donc avoir à l’esprit que lorsque le gouvernement annonce une baisse du nombre de chômeurs et s’en félicite (comme ce fût le cas en novembre dernier), en réalité cette baisse résulte plus probablement d’un traitement statistique que d’une baisse réelle.
Les politiques de lutte contre le chômage
Plusieurs théories économiques ont été élaborées pour résoudre le problème du chômage. Mises à l’épreuve, certaines ont fonctionnées, d’autres non. Cependant, trois vecteurs de lutte contre le chômage sont à souligner parmi d’autres.
Dévaluation compétitive : on dit d’une monnaie qu’elle est dévaluée lorsque les autorités monétaires décident d’abaisser son taux de change par rapport à une monnaie de référence (généralement le dollar américain). La monnaie nationale perd ainsi de la valeur sur le marché de change. Ceci fait augmenter inévitablement les prix-valeurs des importations, les matières importées deviennent donc plus chères et cela dégrade la balance commerciale. Cependant, le prix des exportations diminue ce qui crée un « effet volume », et permet au pays en question d’augmenter ses exportations à l’étranger, gagnant de fait en compétitivité. Le prix des importations incitera à les diminuer et à favoriser une production locale sauf pour les éléments impossibles à diminuer comme les matières premières stratégiques. Stimulant son activité, ce pays peut augmenter sa production et donc une main d’œuvre qui était au chômage sera désormais occupée.
Baisse des taux d’intérêt : la Banque centrale peut ajuster ses taux d’intérêt directeurs comme bon lui semble, permettant de réguler l’activité économique au jour le jour. Une baisse des taux directeurs entraîne de ce fait une baisse des taux d’intérêt qu’appliquent les banques commerciales à leurs clients. En effet, les banques commerciales peuvent emprunter à la Banque centrale en cas de besoin, moyennant un taux d’intérêt fixé par cette dernière via le taux directeur. Cette décision augmente la demande de monnaie puisque celle-ci devient « moins chère ». Le résultat est que les entreprises accroissent leurs investissements en empruntant plus et les ménages font de même pour consommer. L’économie ainsi stimulée permet encore une fois d’embaucher de la main-d’œuvre pour produire les quantités projetées.
Politique budgétaire : troisième option, l’État peut envisager d’injecter de l’argent public dans certains secteurs via des subventions pour inciter les entreprises à produire davantage et donc embaucher plus de personnes. Certains secteurs stratégiques et créateurs d’emplois sont dans ce cas-là privilégiés. Les sommes injectées sont alors restituées par les taxes sur la consommation et les impôts perçus sur les revenus des ménages.
La France n’a plus les moyens d’agir
Les politiques énoncées au-dessus supposent par essence que le pays en question soit souverain. Or la France, en étant membre de l’Union européenne, n’est plus souveraine sur ces questions.
Le traité de Rome signé en mars 1957 institue la Commission européenne comme étant l’organe « exécutif » de la C.E.E (future U.E). Celle-ci possède un monopole (ou quasi-monopole) sur le droit d’initiative en matière de décision, notamment sur les questions douanières ou le marché intérieur. De ce fait, les compétences budgétaires qui appartenaient jadis aux gouvernements des États membres de l’U.E ont été directement transférées à la Commission. Au-delà du simple avis, elle peut sanctionner un État qui ne répond pas à ses exigences en lui infligeant une amende.
Depuis l’introduction de l’euro en 2002, les pouvoirs monétaires ont été transférés quant à eux à la Banque centrale européenne siégeant à Francfort. La fixation des taux d’intérêt directeurs et le change de la monnaie commune relèvent de la compétence exclusive de cette institution. On constate donc qu’un euro fort n’avantage pas tous les membres de l’euro-zone, puisqu’il détruit à petit feu l’économie française tandis qu’il avantage l’économie allemande par exemple. Ceci met également en lumière le fait qu’il y a des écarts de compétitivité soutenus dans l’union monétaire, remettant ainsi directement en cause une telle union.
La classe politique ne peut pas se contenter d’expliquer un chômage massif en invoquant seulement des problèmes ponctuels alors que le pays s’enfonce durablement dans la crise. Trouver une solution durable suppose de dresser le bilan de la construction européenne et d’expliquer les causes de son échec. Le premier point est étalé à longueur de journée sur les médias de l’Hexagone, le second ne l’est pas du tout. En attendant la situation ne fait que se dégrader au détriment des travailleurs.
68 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON