Lorsqu’une collectivité lance un appel d’offres, une bataille se déclenche jusqu’à l’obtention du contrat. S’opèrent alors de nombreuses démarches d’intelligence économique, ou pas...
Les affrontements se présentent sous différentes formes :
- La Comparaison des prix, l’accès aux comptes-rendus d’activités et financiers du délégataire sortant et l’accès aux rapports éventuels de la Cour des comptes qui, par des audits de finances publiques, peut en amont, analyser sur une ou plusieurs années un contrat, et ainsi relever des éléments qui discréditent un exploitant privé.
- Les alliances stratégiques entre concurrents (la compétition), en "offrant" une sous-traitance d’un service à l’un pour contrer ou neutraliser l’autre.
- Les coups de relations publiques : au-delà de la réponse à un appel d’offres, les représentants de ces sociétés de gestion des services de l’eau soignent leurs relations avec les élus locaux, et ce, de façon complètement formelle et officielle. Les entreprises citées ci-dessus sont pour la plupart sponsors de grands évènements (rencontres sportives notamment) et n’hésitent pas à en faire profiter certains élus, sur fond de relations publiques. Ils en profitent également pour proposer des parrainages de projets environnementaux dans les villes ou les communautés d’agglomérations concernées. C’est de bonne guerre... ceci ne fait pas nécessairement gagner un appel d’offres, mais la sympathie d’un élu ou d’une équipe municipale... En regardant des cas extrêmes à l’étranger, nous noterons qu’au Québec, la firme Génie-Conseil BPR n’a pas hésité "à payer des voyages de pêche à des élus municipaux avec lesquels elle brasse des affaires." Durant le voyage, certains élus qui préfèrent aujourd’hui garder l’anonymat ont affirmé avoir discuté des contrats d’assainissement de l’eau.
- L’usage abusif de procédures juridiques lourdes pour ralentir un projet : le référé précontractuel, quésaco ?
Ordonnée par la juridiction administrative, la procédure de référé précontractuel permet aux sociétés candidates à l’obtention d’un contrat ou aux entreprises qui ont été dissuadées de présenter leur candidature, "d’obtenir d’un juge unique, statuant en urgence, qu’il ordonne à une collectivité publique, qui s’apprête à conclure un marché public ou une délégation de service public, de respecter ses obligations de publicité et de mise en concurrence." Articles L.551-1 et L.551-2 du Code de Justice Administrative.
Dans l’actualité récente, le cas de la Communauté d’Agglomération du Pays Royannais illustre cette procédure. Le contrat de gestion de l’eau potable arrivant à terme, trois organisations de gestion de l’eau ont été retenues pour l’appel d’offres : la CER (candidat sortant), la Lyonnaise des Eaux et Veolia. Suite à une guerre d’élus pour décider de l’attribution (jeux de pouvoirs et de partis politiques) au sein même du conseil municipal de Royan, ce fut Véolia qui remporta le contrat le 23 décembre 2009. Néanmoins, la Compagnie des Eaux de Royan (ancien prestataire de services sur cette zone) a jugé qu’elle avait été écartée de la course sans réel motif. Elle a donc en parallèle "attaqué la procédure de délégation de service public devant le tribunal administratif de Poitiers" et a ainsi obtenu dans le cadre du fameux référé précontractuel, un retardement de la signature du contrat, tout en réclamant l’annulation de la procédure d’appel d’offres.
La demande a ensuite été rejetée le 31 décembre 2009, le juge des référés précisant que les « principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures » avaient été respectés.
Le but du référé précontractuel permet de "paralyser" la signature du contrat et donne donc du temps pour monter une stratégie de défense. La CER n’aura pas réussi son coup via cette procédure.
Vous l’aurez compris, la guerre des entreprises de l’eau, mêlant le public au privé, crée un terrain fertile pour des démarches d’intelligence économique.