Le travail est-il un coût ?
Pour rétablir un solde plus équilibré, c’est sans doute du côté de la création nette d’emplois que les efforts seraient le plus profitables. Une politique publique peut-elle se fixer pour objectif de créer des emplois pérennes, par exemple dans le domaine associatif et, plus globalement, celui de l’économie sociale et solidaire ? Dans l’histoire récente, cet effort n’a été consenti dans notre pays que pour répondre à certaines situations très spécifiques, par exemple l’emploi de personnes en situation de handicap lourd. C’est dans ce cadre, par exemple, que sont financés les Etablissements et services d’aide par le travail (appelés auparavant "centres d’aide par le travail").
Outre des questions d’ordre idéologique, ce sont notamment des questions de coût qui sont avancées pour justifier la frilosité de la puissance publique en matière de création d’emploi. En témoigne, a contrario, l’objectif purement économique de ne remplacer en moyenne qu’un fonctionnaire sur deux dans le cadre des départs en retraite.
Mais la création d’emploi est-elle si coûteuse que ça ? Il serait intéressant, pour répondre à cette question, de s’inspirer des travaux conduits dans le domaine de la santé par Philippe Aghion, professeur d’économie à Harvard, et Fabrice Murtin, économiste à l’OCDE.
Ces deux chercheurs ont réalisé une étude qui tord le cou à l’idée selon laquelle les dépenses de santé, et notamment le fameux "trou de la Sécu", représentent pour les finances publiques un fardeau insupportable, qu’il faut alléger à tout prix. En effet, estiment Aghion et Murtin dans une tribune parue dans "Les Echos", "nous avons démontré empiriquement qu’un niveau élevé d’espérance de vie génère un surcroît de PIB par habitant". Ainsi, une population qui vit longtemps et en bonne santé est plus intéressante économiquement qu’une population malade qui meurt tôt. A priori cela semble évident, mais encore fallait-il l’établir. "La santé n’est pas un coût", martèlent ainsi les deux économistes.
"Et la création d’emploi ?", serait-on tenté de demander. Prélèvements sociaux (charges patronales et salariales), impôts directs et indirects, représentent évidemment des recettes d’autant plus importantes que le taux de chômage est faible. A l’inverse, le non-emploi génère lui d’importantes dépenses. On pense bien sûr aux allocations et minima sociaux, mais il faudrait aussi prendre en compte les coûts cachés du chômage, liés aux effets négatifs de la privation d’emploi en termes de stabilité sociale, de sécurité, de santé publique, etc. Sans compter que dans le même temps, des sommes énormes sont dépensées dans des dispositifs à l’efficacité très contestée : en 2008, les réductions de charges sur les bas salaires ont à elles seules représenté 30 milliards d’euros.
Le travail est-il un coût, et ce coût est-il supérieur à celui du non-emploi et des "rustines" créées pour y faire face ? On attend qu’une étude réponde à cette question dans toute sa globalité.
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