Les Maisons de l’emploi : de l’utilité à protéger le toit contre les termites
Les Maisons de l’emploi peuvent-elles survivre durablement au départ de Jean-Louis Borloo ? Les locataires vont-ils savoir vivre ensemble ?
Après avoir empilé les étages, les maçons se sont tournés vers le chef de chantier qui a déclaré : « Il est temps d’y mettre un toit ! »
Une métaphore qui sied quelque part aux Maisons de l’emploi* chères à Jean-Louis Borloo.
Depuis la création de l’ANPE qui vient de fêter ses quarante ans, et au fil des séismes économiques, la roche mère s’est sédimentée en couches successives : CIO (1971), CRIJ (1976), Missions locales, PAIO (1982), CIBC (1989), PLIE (1993), 1re Maison de l’emploi* (1993), 1re Cité des métiers (1994). Et je passe sur celles que les tourmentes ont emportées.
Au départ, l’idée est de bon sens qui tente de rassembler en un même lieu, physique ou virtuel le Service public de l’emploi (Etat, ANPE, Assedic), les multiples partenaires que sont l’AFPA, les Missions locales, les chambres consulaires, les organismes de développement économique et d’autres bonnes volontés restant à convaincre, comme les CIO.
Les premières Maisons de l’emploi expérimentales ont vu le jour en 1993, ce n’est donc pas un concept nouveau. 10 ans se sont donc écoulés avant que la Loi de cohésion sociale ne les intronise pour de bon.
Au début des années 2000, séduit par le concept, j’ai sacrifié un après-midi d’août pour visiter l’une de ces maisons, témoin de ce qui allait plus tard lever comme le bon pain dans l’hexagone.
Rayon satisfaction : beaux locaux spacieux, modernes et bien architectés, fléchage en ville impeccable, tous les piétons questionnés connaissant déjà le chemin. Tout ou presque à portée de main du public.
Rayon déception : le fait que les institutions y tenaient pavillon comme dans un hôtel d’entreprises. Un signe, les personnels déjeunaient par institution, séparément donc.
En réalité, la question n’est pas tant celle des moyens, ni même du toit, mais plutôt de la façon dont on vit sous ce toit. En effet, qu’il s’agisse des COPSY*, des conseillers de l’ANPE, des CIP** des Missions locales, ou bien encore des consultants des CIBC***, tous ont déjà leur lot de problèmes sur le terrain avec leurs tutelles, avec leur public parfois et même avec leurs semblables.
Faire travailler ensemble et durablement des professionnels d’horizons et de cultures aussi divers ne va pas de soi. Il suffit pour s’en convaincre de relever les réticences qui s’expriment sur les forums professionnels de l’internet. De ce point de vue,
Car les querelles de chapelle sont loin d’être éteintes et les vertus de la pax romana ayant été sous-estimées par le ministère, chacun s’est lancé dans l’aventure des Maisons Borloo sans penser aux problèmes de cohabitation à venir. Or, il s’agit là d’un ver aussi dangereux pour la charpente de ces Maisons que peuvent l’être les termites ou les changements de cap ministériels.
Se pose en effet le problème de la formation commune des personnels, leur identité, leur filiation et leurs chemins respectifs qui ne peuvent se croiser, sauf aujourd’hui dans ces Maisons de l’emploi ou en de trop rares lieux d’expérimentation, comme les Cités des métiers et pour combien de temps d’ailleurs ?
Pas de socle commun de formation, pas de passerelle, pas de reconnaissance mutuelle = pas d’enrichissement durable. Certes, je me fais ici l’avocat du diable et j’imagine trouver quelques contradicteurs pour dire qu’actuellement, tout se passe à merveille ou qu’il faut donner du temps au temps. Mais comme j’attends depuis plus de vingt ans....
Alors permettez-moi d’insister. S’il n’existe pas de passerelles permettant à un COPSY, à un CIP, ou encore à un consultant en bilans de compétences d’envisager une mobilité vers l’une ou l’autre des institutions, si les concours, les barrières de diplôme continuent d’en régir l’accès, comment dès lors envisager la vie commune sous ce toit sans conflit, sans aigreur, sans crise de jalousie ?
Annie Thomas, présidente de l’UNEDIC, a comparé
Se pose aussi la question de l’efficacité des systèmes où la commande publique l’emporte trop souvent sur l’initiative privée. Ainsi, malgré la présence rassurante de ces Maisons de l’emploi, l’offre privée continue de grignoter des parts de marché, preuve que tout ne se règle pas à coups de baguette magique.
Face au haut degré d’attente et d’inquiétude des familles devant l’avenir, et ne serait-ce que pour maintenir l’équité d’accès aux services d’accompagnement, il est urgent de mettre fin aux querelles stériles entre privé et public et tout aussi urgent de repenser la formation des professionnels avec la même logique que celle des Maisons de l’emploi, c’est-à-dire commune, indivisible et libre en même temps.
Il faudra bien en effet que quelqu’un fasse un jour le premier pas.
* Conseiller d’Orientation PSYchologue
** Conseiller en Insertion Professionnelle
*** Centre Interinstitutionnel de Bilans de Compétences
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