Marketing : pourquoi tant de haine ?
Depuis quelques années, la marotte favorite de certains journalistes, mais aussi de citoyens ordinaires, consiste accuser le marketing de tous les maux.
La folie des marques qui obsèdent les jeunes ? C’est du marketing ! Les produits que l’on achète sans en avoir besoin ? C’est du marketing ! La publicité intrusive sur internet, les affiches 4x3 qui défigurent les villes ? C’est du marketing ! L’ordinateur qui tombe en panne pile après l’expiration de la période de garantie ? C’est du marketing ! La société de consommation qui détruit l’environnement ? C’est encore du marketing !
Quelle est cette discipline mal aimée du public ?
Le marketing
comporte de nombreux domaines d’application. L’un des plus connus est
le marketing opérationnel, centré autour du concept de
marketing mix.
Le marketing mix comprend 4 secteurs d’action majeurs :
- la politique de prix, qui consiste essentiellement à choisir entre un prix bas et des volumes élevés d’une part, un prix élevé avec de faibles volumes d’autre part. Le contexte concurrentiel joue bien évidemment un rôle dans ces deux alternatives, en favorisant généralement le consommateur (cf. les prix et les performances de l’informatique grand public) ;
- la politique de produits ou de services, dont le rôle est de coller au plus près aux attentes multiples des consommateurs. Ainsi, certains consommateurs vont privilégier les dentifrices qui donnent les dents blanches, d’autres ceux qui apportent une haleine fraîche, d’autres ceux qui s’attaquent aux caries...
- la politique de distribution, qui vise à permettre aux consommateurs d’acquérir le produit. Ainsi, un logiciel pour être distribué en grande surface, en magasin spécialisé, par Internet via le téléchargement...
- la politique de communication, dont l’objectif est d’informer le consommateur sur l’existence de produits et sur leurs caractéristiques. En imaginant par exemple qu’un génial inventeur ait enfin créé la machine à repasser (on jette les vêtements en vrac dans une machine, qui en ressortent impeccablement pliés), il faudra bien que nous, humbles consommateurs, en soyons informés.
C’est naturellement le dernier de ces domaines qui est le plus décrié : la communication, qui comprend notamment la publicité, mais aussi le lobbying, les relations publiques, etc.
En effet, la frontière est ténue de l’information à la surinformation, voire au matraquage. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.
Une alternative au marketing : le non-choix
Il y a quelques années, j’ai fait l’expérience de passer mes vacances dans un pays communiste : il s’agit des Seychelles (ce n’est pas une plaisanterie).
C’est assez peu connu, mais c’est pourtant une réalité. Pour vous en donner une idée, nous avions demandé à un enfant de huit ans qui sortait de l’école ce qu’il étudiait en ce moment. Réponse : Marx.
Aux Seychelles, le problème de choix entre les produits n’existe pas. Vous voulez du savon ? Il y a le savon de l’État. Oubliez le savon crème, le pain dermatologique, le savon d’Alep, le savon de Marseille, le savon des stars. Le savon de l’État convient à tous.
Vous voulez du lait ? Oubliez le lait écrémé, le lait entier, le demi écrémé. Le lait de l’État convient à tous.
De façon assez cocasse, l’organisme qui se charge des achats et de la distribution de ces merveilleux produits s’appelle le Seychelles Marketing Board.
D’aucuns ne manqueront pas de dire : « Il s’agit quand même des Seychelles, ce n’est pas l’enfer sur Terre ! » Soit, je dois admettre que je n’ai pas eu l’honneur et le privilège d’examiner la vision Nord-Coréenne de l’adaptation aux besoins du consommateur.
Toujours est-il que ce genre d’expérience, bien moins problématique à vivre quand on passe en touriste que quand on la supporte toute l’année, amène à prendre du recul.
Créer des besoins ?
À mon avis, il y a un grand malentendu sur ce qu’est le marketing, qui tient notamment à la notion de besoin.
Ainsi, l’expression « c’est du marketing » est censée illustrer le fait qu’un produit est vendu à un consommateur sans qu’il n’en ait aucun besoin, par une approche commerciale agressive et un matraquage publicitaire.
Aujourd’hui, le marketing est souvent défini comme un outil permettant de « créer des besoins », y compris dans les universités et dans les écoles de commerce.
Or, peut-on vraiment créer des besoins ?
Comme Maslow l’a mis en évidence, tous les besoins sont préexistants : des besoins physiologiques aux besoins d’accomplissement personnel. Dès lors, le seul rôle que le marketing peut avoir, c’est de répondre à ces besoins.
Pas de les créer.
Ainsi, a-t-on créé le besoin de télévision ? En aucun cas. La télévision a dès l’origine répondu à un besoin de loisirs, d’occupation du temps libre, éventuellement un besoin d’estime (cf. les écrans plasma). Mais en aucun cas la télévision ne constitue un besoin en elle-même. Elle disparaîtra d’ailleurs, quand le besoin qui était à son origine, sera satisfait par de nouveaux produits. La part de temps de loisirs consacrée à la télévision diminue d’ailleurs actuellement au profit d’internet (les deux augmentent en valeur absolue, mais Internet progresse plus vite).
Le marketing n’a donc pas qu’une face sombre. Le fait de pouvoir bénéficier de produits diversifiés, de pouvoir choisir selon ses besoins, de savoir qu’un produit existe, cela a aussi du bon. Pour illustrer ce propos, toutes les victimes comme moi du syndrome des chaussettes orphelines vont pouvoir respirer en tapant « filet lavage chaussettes » sur leur moteur de recherche favori. Merci, le marketing !
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