Oui à la suppression de la taxe professionnelle, mais...
L’annonce de la suppression de la taxe professionnelle ne répond que très partiellement aux deux grands chantiers que le chef de l’Etat semble avoir ouvert sans véritablement le dire aux Français.
Si, sur le plan de la réorganisation administrative, les choses semblent avancer dans le sens des préconisations de la commission Attali, il est toujours difficile d’y voir clair en matière de politique fiscale. Or les deux questions et les réponses qu’on peut y apporter sont intimement liées. La mise en place du paquet fiscal, du bonus écologique, de la prime à la casse s’accompagnera-t-elle dans les prochains mois de la fin de la taxe professionnelle et la mise en oeuvre de la taxe carbone ? La dernière intervention a eu le mérite d’avoir contribué, un peu plus, à brouiller les pistes sous la pression d’une communication de plus en plus artificielle.
L’annonce de la suppression de la taxe professionnelle par le chef de l’Etat en a surpris plus d’un, au premier rang desquels Eric Woerth, le ministre du budget, qui aura, à cette occasion, retrouvé les joies du canoë. Elle rappelle étrangement l’annonce faite l’année dernière par le Président de la République de supprimer la publicité sur France Télévision.
Sans aucune concertation avec les élus locaux, cette annonce s’inscrit toutefois dans un plan cohérent qui passe notamment par la suppression programmée des départements en 2011. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, le chef de l’Etat est tout de même du genre à faire ce qu’il dit sauf quand il s’agit d’EDF ou de Gandrange.
La taxe professionnelle est bien un impôt imbécile !
En 2002, Lionel Jospin, entendant très justement favoriser l’emploi, avait retiré la part salariale de l’assiette de cet impôt créé par l’énarque Jacques Chirac que Mitterrand qualifia d’impôt imbécile. L’ancien Président de la République, qui ne brillait pas par ses compétences en matière économique, fut loin de briller par sa volonté de réformer la société française.
L’assiette de la taxe professionnelle, de laquelle sont exonérés les agriculteurs assujettis à la taxe foncière sur le non bâti par ailleurs, porte, à l’exception des professions libérales, sur la valeur d’achat des biens d’investissement. Même lorsque ces biens sont complètement amortis, les entreprises continuent de payer la taxe professionnelle aux collectivités locales sur la base du prix d’achat alors que les prix des biens d’investissement ont diminué dans le temps. Il s’agit d’une double peine qui pénalise lourdement l’investissement des TPE et des petites et moyennes entreprises. Là se trouve l’une des origines de la faiblesse et des problèmes de compétitivité de nos PME sur les marchés internationaux. La France est un des rares pays dans le monde à disposer de cet impôt... imbécile.
Les grosses entreprises ont trouvé l’astuce pour s’affranchir partiellement de cet impôt. Elles filialisent leurs activités en cédant à leurs filiales le matériel acheté à leur valeur comptable (valeur d’achat - amortissements cumulés). C’est ce que pratique notamment le groupe Bouygues lorsqu’il réalise un grand chantier autoroutier très exigeant en utilisation de biens d’investissement. Du coup, cette taxe professionnelle est aujourd’hui supportée, à titre principal, par les professions libérales, les TPE et les PME qui, sans cette taxe, feraient le choix de structures financières plus capitalistiques.
Oui, il est urgent - plus qu’urgent - de supprimer cet impôt imbécile. Seuls les gens qui n’ont aucune expérience de la vie économique et des entreprises peuvent prétendre le contraire.
Un impôt injuste !
Du fait que les taux de la taxe professionnelle sont fixés par ceux qui la collectent, certains départements, certaines communes, en appliquant des taux plus faibles ou des politiques d’exonération ciblées, ont historiquement favorisé la venue d’entreprises sur leur territoire. Ce qui fait que quelques communes et quelques départements concentrent aujourd’hui en leurs mains, une grande partie de la puissance financière issue de la taxe professionnelle. L’argent va à l’argent, selon un principe désormais bien connu. Les mécanismes de péréquation partielle renforcés par des lois récentes ne permettent pas d’envisager une véritable politique d’aménagement du territoire. Cet impôt imbécile est aussi complètement injuste. S’il devait persévérer, le législateur serait bien avisé d’instituer la péréquation totale. Compte tenu des modes de désignation des candidats au sein des partis, il serait toutefois plus sage d’attendre que les poules aient des dents !
Oui à une réforme d’envergure qui ne s’arrête pas à la suppression des départements
L’aberration que constitue l’empilement de sept à huit niveaux de structures de financement public exige la suppression de un à plusieurs niveaux. Communes, communauté de communes ou d’agglomérations, départements, pays, régions, Etat via la DGE et les ministères, Assemblée Nationale via la réserve parlementaire et Europe se chevauchent au nom du principe de l’application de la clause de compétence générale. Les "petits maires" savent d’ailleurs très largement en profiter permettant ainsi le financement de projets dont l’utilité sociale reste très largement à démontrer.
Je ne suis pas sûr que l’urgence soit à la mise en place de l’hypercommunalité qui, avec la suppression des départements, risque encore plus d’éloigner le citoyen de la décision. Le dysfonctionnement du système administratif de la France vient principalement du fait que le découpage des communes et des départements soit hérité de la Révolution Française. A l’époque, nous comptions 24 millions de Français. La population était essentiellement rurale. Aujourd’hui, nous comptons plus de 64 millions d’habitants qui, à 80%, vivent en milieu urbain. A quoi peut bien servir la suppression des départements si elle ne s’accompagne pas de la réorganisation administrative de nos 36000 communes ?
Pour quel autre impôt ?
La suppression de la taxe professionnelle exige une modification importante de la fiscalité visant à compenser la perte de recettes pour les collectivités locales. La première anomalie française, par rapport aux autres pays de l’OCDE, est la faiblesse du poids de la recette de l’impôt sur le revenu. La mise en place du bouclier fiscal n’a pas arrangé la situation. Compte tenu de la nature des investissements liés aux produits de défiscalisation, l’intérêt général commanderait à ce que les taux d’imposition pour les tranches de revenus les plus élevés soient rehaussés le plus rapidement possible. Cette réforme nécessaire de la fiscalité doit s’accompagner au plus vite de la suppression de toutes les niches fiscales pour les plus riches. Ce n’est manifestement pas l’axe suivi par le gouvernement français.
Xavier Bertrand, le jeune secrétaire général de l’UMP, a évoqué, en résonance au commandeur suprême, la mise en place d’une taxe carbone. Et pourquoi pas ! Mais quel est le rapport, au juste, avec la compensation de la taxe professionnelle ? Car l’objet de la taxe carbone est de faire financer par les utilisateurs de combustibles fossiles les travaux de rénovation des bâtiments publics, des logements sociaux, de l’habitat individuel. La taxe carbone, chère à Nicolas Hulot, a pour objectif l’utilisation d’énergies propres et la consommation de produits moins gourmands sur la plan énergétique.
La question de la suppression de la taxe professionnelle pose, en fait, la question du vaste chantier de la réforme globale de la fiscalité. Cette réforme, de mon point de vue, passe, si nous ne voulons pas détruire notre système par répartition, par la mise en œuvre d’une cotisation sur la valeur ajoutée. Rien à voir avec la TVA sociale qui avant d’être sociale reste une TVA prélevée sur le consommateur ! Une partie de ce nouvel impôt en remplacement des cotisations sociales salariales et patronales ne pourrait-elle pas d’ailleurs être affectée à la perte de recettes issues de la suppression de la taxe professionnelle ?
Le dernier des mérovingiens
J’avoue ma grande "perplexitude" devant ce Président qui, à chaque grande sortie médiatique, se sent obligé de faire du bruit. Cette fois, nous avons eu droit à la taxe professionnelle. Et demain ? Face à la situation dans laquelle se trouvent le monde et la France (dont le déficit commercial s’est creusé à hauteur de 55 milliards en 2008), nous attendons d’un Président autre chose que sa capacité à faire du buzz et autres effets d’annonce qui fixent l’attention sur l’accessoire. Lui qui n’hésite pas à qualifier son prédécesseur de roi fainéant, deux ans après son élection, l’exercice du pouvoir l’aurait-il transformé en roi mérovingien ?
Autres éclairages
- Qu’attend-t-on pour supprimer les départements ?
- Sarkozy, la pédagogie du vide
- Nicolas Sarkozy, fossoyeur de l’impôt sur le revenu
- L’une des raisons à la désindustrialisation
Crédit photo : Artigroulette
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