Prix à la production et prix de vente final au consommateur
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Tous les ans, nos médias en manque d’imagination nous ressortent le problème de l’été. Les producteurs de fruits et légumes qui se plaignent du prix auquel "on" leur achète leur production et à l’autre bout de la chaîne le consommateur qui se plaint du prix exagéré auquel lui-même doit racheter les mêmes fruits et légumes dans son supermarché.
Et à chaque fois l’implication est la même, ce sont les intermédiaires qui s’en mettent plein les poches et en premier lieu ces mal-aimés des médias, la grande distribution. Personne chez nos brillants journalistes, année après année, ne s’est jamais donné la peine de remonter la structure des coûts de tous les intervenants dans la chaîne qui amène le fruit ou le légume de l’endroit où il est produit jusqu’au supermarché à côté de chez vous. Ils ont préféré la facilité de clouer au pilori ces emblèmes du grand capitalisme, tueurs du petit commerçant, la grande distribution.
Surprise cette année, le journal Le Parisien, dans un accès d’éducation économique du grand public, l’a fait ! Sur le fruit qu’il a jugé être trop cher cette année, la pêche. Voici ci-dessous ce que ça donne entre le prix payé au producteur et celui auquel est vendu le fruit en final dans le supermarché du coin.
Les Français seront donc heureux de découvrir cette année qu’entre le fruit sur l’arbre et le consommateur il y a différents stades de manipulation du fruit et différents intervenants qu’il faut rémunérer. Etonnant non ?
Il faut donc cueillir le fruit sur l’arbre tous les matins grâce à des employés saisonniers à raison de 6 à 8 passages par arbre pour en récolter tous les fruits. La pêche étant un fruit fragile, il faut le faire à la main, avec des gens payés au Smic ce qui, charges comprises, coûte 12 euros de l’heure. Un tarif qui a augmenté de 11 % le jour de l’instauration des 35 heures. Il en coûte en comparaison 6,7 euros au producteur espagnol. Toujours au stade du producteur, on doit trier les fruits ramassés, les calibrer et les mettre dans des plateaux après éventuellement un étiquetage (ça plaît) et les stocker dans un frigo s’ils ne sont pas expédiés immédiatement. Coût du matériel lourd : une bonne centaine de milliers d’euros et des consommables, 4 euros la palette et 0,56 euro les milles alvéoles plastiques.
Le prix de revient global à la production est estimé entre 1,2 et 1,3 euros le kilo pour des pêches jaunes de qualité standard dont 0,7 pour le "verger" et 0,50 pour la "station". Le prix de vente sur le marché de gros est de 1,43 euros le kilo en moyenne.
Nous passons ensuite dans les fonctions des fameux intermédiaires. Le Marché de Gros est le lieu où se rencontrent producteurs individuels et expéditeurs grossistes qui groupe les apports des producteurs pour qu’ils correspondent aux demandes des donneurs d’ordre, répartit les produits après conditionnement et les dispatche vers les lieux et les magasins de livraison. Un lieu où se traitent de 100 000 à 150 000 tonnes de fruits par an et où se définit le prix du jour de la confrontation entre la production disponible à la vente et la demande. Un prix qui dépend bien sûr du volume de la commande. Il en coûte en moyenne 0,54 euro du kilo, un prix qui résulte de la concurrence entre les différents expéditeurs grossistes et les associations de producteurs qui depuis quelques années ont tendance à ses substituer aux grossistes.
Etape suivante le transport lui-même qui varie suivant la distance parcourue, mais qui ne coûte finalement que 0,22 euro du kilo.
Nous arrivons ensuite au stade du détaillant et, là, la filière se sépare en deux. La grande distribution d’un côté et les petits détaillants de l’autre. Pour la grande distribution, il faut des gros producteurs spécialisés, des qualités de pêche standardisées, et des prix et conditions de paiement draconiens. Le regroupement des producteurs en associations chargées de la commercialisation a permis à ces derniers de ne pas se passer sous les fourches caudines des acheteurs de la grande distribution, mais au détriment du consommateur sur qui est répercuté le résultat de ces négociations de prix. Une grande enseigne traite ainsi avec une dizaine de gros producteurs répartis sur trois terroirs de production. Il en coûte 0,35 euro du kilo.
Côté "petit" détaillant pour lequel il faut se différencier de la grande distribution, le but est de s’approvisionner chez un producteur moyen, plus cher, de lui acheter des variétés parfois différentes, de s’approvisionner plus près du lieu de vente pour que le fruit soit plus mûr et de prendre plus de marge que la grande distribution. Au total, ça fait un bon euro de plus du kilo en moyenne, dont 30 % pour le producteur et 70 % pour le détaillant.
N’oublions pas la dîme de l’Etat sous la forme de la TVA aux divers stades de la filière et de la Taxe intérieure sur les produits pétroliers. Il en coûte pour la seule TVA 0,15 euro le kilo.
Quelques statistiques. La France est le 3e producteur de pêches mondial devant l’Italie et l’Espagne avec 287 000 tonnes de production, 87 000 exploitations, 300 coopératives et 1 200 grossistes. La vente se repartit à 70 % dans la grande distribution et 30 % chez les détaillants. Le concurrent principal est la production espagnole qui bénéficie de coûts de main-d’œuvre inférieurs, de l’avantage de commencer à vendre plus tôt dans la saison que la production française, d’une législation plus souple pour les traitements phytosanitaires, mais de coûts de transport plus élevés.
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