Ce train qui vide nos poches
On le sait, le Lyon-Turin, ce projet pharaonique de plus de 33 milliards d’euros ne fait pas que coûter un pognon de dingue, il a provoqué un déluge, en toute discrétion, en 2019, suite aux percements divers et variés, en crevant une énorme poche d’eau.
Le scandale avait été caché par les promoteurs du projet, mais fort heureusement, la vérité vient de sortir du puits, grâce a une indiscrétion, que Médiapart a publié. lien
C’est un document interne d’EDF qui l’a révélé : les creusement opérés par TELT (Tunnel Euralpin Lyon-Turin) ont vidé, en avril 2019 et en quelques minutes, de toute son eau, un pan de la montagne dans la vallée de la Maurienne, en Savoie, accélérant l’affaissement d’un barrage, celui du Pont-des-chèvres, faisant baisser drastiquement le niveau de l’eau du barrage, provoquant l’effondrement des massifs rocheux.
Un ingénieur d’EDF, rédacteur du document, a estimé à 150 mètres la distance perdue par le niveau d’eau dans la montagne, de l’eau qui s’est déversée à une vitesse folle, environ 50 litres d’eau par seconde, suite au percement d’une galerie pour le tube sud du tunnel à proximité du barrage, provoquant l’arrêt du chantier.
Il ajoute : « c’était un tronçon très compliqué à creuser, avec une géologie chahutée et pleine de failles, qui bouge beaucoup ».
Un hydrogéologue qui tient à rester anonyme pour ne pas être catalogué « opposant au projet » précise : « le creusement de cette galerie est en train de vider la montagne (…) la roche est pleine d’eau, si des failles dans cette roche viennent à communiquer avec la galerie percée, elles vont drainer l’eau depuis le massif vers le tunnel ».
C’est manifestement ce qui s’est passé…
et il ajoute : « cette eau est perdue pour toujours dans ce secteur ».
On comprend mieux dès lors que des communes voient leur ressource en eau baisser, voire disparaître, comme ça a été le cas pour Villarodin-Bourget, qui n’a pu que constater la mort des fontaines du village, suite au tarissement des sources entraînant la fin de l’approvisionnement d’eau potable.
Après Macron Jupiter, voici donc venu Macron des sources…
Philippe Delhomme, ex-maire adjoint de la commune, ne peut que constater les dégâts : « les fontaines du village ont arrêté de couler. C’est un phénomène connu lorsqu’on creuse la montagne, car le chemin de l’eau (…) est dévié. Les sources sont donc captées par le tunnel (…) cela a forcément ému la population car l’eau est une ressource vitale ».
Pour compenser cette perte irrémédiable, il a fallu construire une conduite de 5 km, et un réservoir souterrain, afin d’alimenter le village, ce qui a coûté 1,2 million d’euros.
Mais ce n’est hélas qu’un début, puisque d’après le rapport de TELT, 10 points d’eau sont abîmés par le creusement des galeries, dont 4 sont complètement asséchés...mais cette étude est largement incomplète, car sur les 51 points d’eau du village, seulement 10 ont été pris en compte.
D’ailleurs un rapport européen de 2006 a révélé que les galeries creusées recevront un flux cumulé d’eau souterraine (…) comparable à l’alimentation en eau nécessaire à une ville d’environ 1 million d’habitants. lien
Entre le permafrost des Alpes en train de fondre suite au changement climatique, et les poches d’eau percées, pas étonnant que des éboulements se produisent de temps à autre, comme celui qui s’est produit récemment dans le même secteur. lien
Par contre, l’argent lui, coule à flot…malgré l’appel de 150 personnalités et élus qui appelent à arrêter tout ce gâchis. lien
Alors que le financement global des 33 milliards du projet n’est toujours pas acquis, l’Europe a encore mis la main à la poche, en attribuant 765 millions supplémentaires à TELT (lien) destinés à financer une partie des études concernant la partie internationale, c’est à dire le tunnel de base, soit 57,5 km par tube (il y en a deux) soit donc 115 km à percer…auxquels il faut ajouter tous les kilomètres supplémentaires des galeries de reconnaissance...
Si TELT, le promoteur du projet, fait croire aux populations concernées que le tunnel est en cours de percement, il s’agit d’un pieux mensonge, car en réalité, ce sont surtout les galeries de reconnaissance qui sont creusées, et qui font partie des études.
On pourrait aussi évoquer la question des tunneliers, les 2 premiers (Géa et Federica) devraient être remplacés par un nouveau, que l’on assure plus performant, et qui est en fait le premier destiné au creusement du tunnel de base.
Il serait acheminé sur site par 130 convois spéciaux en provenance d’Allemagne. lien
Revenons un peu en arrière…
Auparavant, l’Europe avait fixé la date du 31 décembre 2023 pour boucler le financement des études, puis l’a repoussé au 31 janvier, puis fin février afin de tenter de trouver un accord entre les deux états, et l’Europe…puis mi-juillet 2024 pour compléter le financement des études...
Au dernier moment, les autorités régionales se disaient prêtes à engager 45 millions d’euros, dont 33 pour la région Auvergne-Rhône-Alpes...alors que les collectivités n’ont pas compétence en matière d’infrastructures ferroviaires, et à fortiori internationales. lien
On se souvient aussi que l’ex-premier ministre Édouard Philippe, invité par les élus chambériens pour évoquer le financement du Lyon-Turin, leur avait affirmé : « pour le Lyon-Turin, et pour l’état, ce sera zéro en terme de financement », provoquant le désappointement des élus. lien
Le témoignage de cette déclaration a été porté par l’un des élus présents ce jour là.
...alors que le même Édouard Philippe avait déclaré un certain 21 juin 2017 : « vous pouvez être assuré de mon soutien pour faire progresser le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin ». lien
Plus tard, le 23 février 2023, Élisabeth Borne, a douché un peu plus l’enthousiasme des promoteurs du projet en repoussant la livraison des voies d’accès françaises à 2045. lien
Ce qui fait dire à certains que, pour ce projet, la France procrastine, fait du surpplace, évoquant une administration qui fait comme si ce projet n’était qu’un mythe… lien
Il est tout de même étonnant que malgré tout, l’Europe continue à financer les études, sachant les dommages que le chantier a déjà provoqués en terme de nuisances à l’environnement...et sachant que la liaison Lyon-Turin existe déjà, tout en étant fortement sous-utilisée, alors que la ligne a été rénovée à hauteur d’un milliard d’euros.
En effet, la ligne actuelle Lyon-Turin pourrait permettre un volume de fret de 10 millions de tonnes par an, alors qu’elle en transporte moins de 3 millions. lien
Quand un pays, lourdement endetté de plus de 3000 milliards d’euros, continue à dilapider l’argent public pour des projets dévastateurs de l’environnement, et de plus inutiles, on peut légitimement s’inquiéter de la santé mentale de ses dirigeants, d’autant que personne n’est d’accord avec le coût du chantier. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « si tu parles à quelqu’un qui ne t’écoutes pas, écoutes le, tu comprendras pourquoi il ne t’écoute pas ».
le dessin illustrant l’article est de Miège
merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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