La pollution aux particules fines pour les nuls, chapitre 1 : les faits
Hier à midi, en allumant la télévision, je tombai sur une interview d’un représentant d’un lobby automobile quelconque qui s’insurgeait contre le dispositif de la circulation alternée. Il nous apprenait que ce dispositif était d’une utilité toute relative car le transport était responsable de 20% de la concentration en particules fines. Une minute plus tard sur cette même chaîne d’info en continu, j’aperçus une banderole de bas d’écran annonçant que le transport représentait 40% des émissions de particules fines.
Informations contradictoires, absence de réflexions sur les solutions adéquates, manque d’analyse simplement, la télévision privilégie les micros-trottoirs et autres techniques qui jouent sur l’émotionnel et le spectaculaire. Quant à la presse, peu d’articles proposent une réflexion complète sur le sujet.
Etant un citoyen préoccupé par sa santé comme vous je l’imagine, je me propose donc de faire ce travail de synthèse que les journalistes professionnels (mis à part Le Monde qui vient juste de se réveiller) éludent volontairement ou non.
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Les particules fines : qu’est-ce que c’est ?
Aussi appelées particules en suspension, les particules fines sont des microparticules dont le diamètre est compris entre 0,1 micromètres et 2,5 micromètres (PM2.5), on peut noter que les particules entre 2,5 et 10µm sont aussi évoquées sous le nom de particules grossières et fines ou PM10. Les particules inférieures à 0,1µm (PM0,1 ) sont nommées particules ultrafines ou nanoparticules (malheureusement celles-ci ne sont peu étudiées malgré leur danger et l’émergence des nanotechnologies).
Ces particules sont nocives car elles pénètrent plus ou moins profondément dans l’organisme, (contrairement aux particules plus grosses retenues par les voies aériennes supérieures) : bronches pour les PM10, alvéoles pulmonaires pour les PM2,5, et barrière alvéolo-pulmonaire pour le PM0,1 .
Quels risques sanitaires ?
Ces particules ont des conséquences immédiates sur la santé survenant quelque temps après l’exposition, conséquences résidant principalement dans le déclenchement ou l’aggravation de l’asthme, de bronchite et d’allergies. Les personnes âgées, les femmes enceintes, les bébés et les personnes fragiles au niveau respiratoire sont particulièrement concernées. Sur le long terme, les particules fines engendrent une augmentation de la morbidité en causant des AVC, infarctus du myocarde, cancers du poumon…
Combien de victimes exactement ? Le chiffre de 42000 victimes par an en France est souvent évoqué, chiffre proche de celui des victimes de l’alcool (49000 décès). Ce chiffre est issu d’une étude de la Commission Européenne basée sur des statistiques datant de 2000. Il semble toutefois encore d’actualité puisque les concentrations se maintiennent malgré une chute des émissions depuis 10 ans. D’autre part, une étude récente publiée dans la revue médicale The Lancet, a conclu que les particules fines mettent la santé en danger même lorsque les concentrations restent dans la norme de l’UE (25µg/m3 d’air) et que chaque hausse de 5µg « augmente le risque de mourir d’une cause naturelle de 7% » !
Quelle est l’évolution des émissions ?
Selon le rapport du Citepa (Centre Interprofessionnel Technique d'Etudes de la Pollution) Les émissions sont en baisse constante depuis 20 ans. Les émissions de PM10 ont chuté de 51,2% entre 1990 et 2011, les émissions de PM2.5 de 58% et enfin celles de PM1,0 de 63,4%.
Pourquoi en parle-t-on autant en ce moment me demanderez-vous ? Parce que les concentrations persistent ; surtout dans les grandes agglomérations, notamment à Paris (bilan 2012 d’Air Parif p35 et p41) ou les teneures stagnent depuis 10 ans (elles ont augmenté de 30% à partir de 2007 mais cela est du à un changement de méthodologie). Il faut donc davantage tenir compte de la qualité de l’air à un instant T comme le souligne Jean-Félix Bernard d’Airparif : « En réalité, ce qui compte, c'est l'air que l'on respire. C'est pourquoi il faut analyser les concentrations de polluants davantage que leurs émissions ».
Qui sont les responsables ?
Les particules fines ont deux causes, l’une naturelle (feux de forêts, éruptions…), l’autre humaine. C’est bien évidemment celle-ci qui nous intéresse car elle à l’origine des épisodes de pollution importante. Ces émissions proviennent donc de la combustion d’énergies fossiles (transport, chauffage, industries, usines d’incinération…), du revêtement des routes et des chantiers. La pollution aux PM10 (rapport du Citepa) vient essentiellement de l’industrie manufacturière (31%), du résidentiel (30%), de l’agriculture (20%) et du transport (17%). Quant aux PM2,5, les émissions proviennent du résidentiel à 45%, de l’industrie manufacturière à24% et du transport à 20%.
Ces chiffres sont en trompe l’œil car ils sont globaux, il faut dissocier la pollution dans les villes et celle dans les campagnes. En effet, en ville, les transports sont la principale cause des émissions. Ainsi en Ile de France, 51% des particules fines PM2,5 proviennent du trafic routier dont le parc est composé à 70% de véhicules au diesel, ce qui corrobore donc la thèse de la prééminence de la responsabilité du diesel dans ces épisodes.
Une autre étude européenne renforce cette suspicion vis-à-vis du transport comme cause principale de pollution dans les agglomérations : elle montre que la proximité du lieu de vie avec un grand axe de circulation (10000 véhicules/j) est responsable de 15 à 30% des nouveaux cas d’asthme de l’enfant.
N’oublions pas non plus le rôle des conditions climatiques (anticyclone, peu de vent) favorisent les périodes de pollution. Durant ce dernier épisode, les particules se sont retrouvées piégées au sol qui se réchauffait beaucoup moins vite que l’air durant la journée comme le souligne Charlotte Songeur, ingénieur d’études à Air Parif. Le rôle du changement climatique est soumis à débat mais les fortes chaleurs accélèrent de manière générale la formation de particules fines. Or, le XXIe siècle compte désormais 13 des 14 années les plus chaudes depuis les premiers relevés météorologiques. Je vous laisse donc deviner ce que cela implique…
Conclusion
Vous avez maintenant un aperçu des enjeux de la pollution aux particules fines surtout si vous vivez dans une grande agglomération. Les risques sont réels et les causes identifiées. Là, réside un véritable problème de santé publique et il faut donc agir. Mais comment ?
C’est justement la question que j’attaquerai, en étudiant les différentes propositions des lobbys et experts, dans le chapitre 2 de la pollution aux particules fines pour les nuls (dont je fais évidemment partie).
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