Yves Cochet, Lucie Lucas et Pablo Servigne : force et faiblesse de la collapsologie
Cet article fait suite à l’émission Complément d’enquête (« Fin du monde : et si c’était sérieux ? ») consacrée à la collapsologie (vidéo d’ailleurs reprise par Donatien sur Agoravox TV). Une fois de plus, au risque de me fâcher avec mes amis nationaux-conservateurs, j’ose écrire que les écolos-bobos survivalistes n’ont pas tous les torts.
L’émission commence en montrant un jeune homme lambda qui tente de survivre en milieu hostile avec coupures d’eau et d’électricité au programme. La fiction n’est pas irréaliste. On notera que le jeune homme ne sort pas sans son flingue et que c’est tout à son honneur. Dans un Occident bisounours dévirilisé, il est intéressant qu’une émission de télé – elle-même systémique et probablement gauchisante – ait subrepticement valorisé le port d’armes en temps d’apocalypse.
Certes, l’émission roule rapidement sur la vie, pas du tout cachée d’ailleurs, des écolos bobos survivalistes, tendance aristos-célébrités, que sont le politicien Yves Cochet (celui qui voulait limiter les naissances… pour accueillir davantage de migrants) et l’actrice à succès Lucie Lucas, héroïne de Clem.
Mais, faisons abstraction cinq minutes des positions xénophiles de Cochet, et du patrimoine opulent des deux survivalistes (l’actrice comme le politicien, grands bourgeois, vivent dans des sortes de manoirs)… Et réfléchissons. Qu’est-ce qu’un affreux réac, même catalogué de la strêêême drouâââte, pourrait vraiment reprocher à leurs discours ? — En réalité : pas grand-chose…
Cochet et Lucas disent à peu près ce que disent des survivaliste classés à droite comme Piero San Giorgio. Et ils ont adopté un mode de vie assez similaire. Retrait dans une maison de campagne, isolement, vigilance accrue, armes, potager, basse-cour, autonomie en eau potable, systèmes substitutifs à l’électricité de réseau, etc. Et je rajoute les carrioles de Cochet, tractées par de fort jolis chevaux. Certes, il ne les a pas fabriquées de ses mains, mais aucun survivaliste ne fabrique tout de ses mains.
N’importe quel survivaliste ferait un peu la même chose, et tiendrait à peu près le même discours sur l’effondrement du système. Fût-il de droite, d’extrême droite ou d’ultra-droite. Honnêtement, j’ai vraiment trouvé que les écolobobos Lucas et Cochet ne disaient pas que des sottises. Ils disent en tout cas moins d’idioties qu’une certaine ultra-droite, éternel boulet du patriotisme français, qui beuglent à longueur de journée – sur YouTube – que tous les problèmes actuels viennent de la Renaissance et des Modernes.
Quant à Pablo Servigne, le grand théoricien de la collapsologie, c’est un jeune auteur à succès, au look très écolo, dont rien n’indique qu’il fasse partie des vilains nationaux-conservateurs et autres grincheux ou pessimistes de la Dissidence. Eh bien, il n’empêche, lui-même dit des choses sur l’effondrement du système et la régression technologique dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître. Les écolos n’ont peut-être pas raison sur tout, mais force est de constater que leur alarmisme contient une part de vérité. Qui pourrait d’ailleurs réfuter cet élégant antiparadoxe à la Raymond Ruyer : « Il est peu probable d’obtenir une croissance infinie des biens, des services, et même de la population, dans un système fini comme la Terre » ?
Alors que me reste-t-il à reprocher aux collapsologues ? En fait, seulement deux choses.
1) La collapsologie est souvent précipitée, ce que montre d’ailleurs le reportage. Ils confondent volontiers demain et après-demain. Yves Cochet s’est un peu ridiculisé, récemment, en prévoyant la fin imminente du pétrole. Je rappelle que le professeur Raymond Ruyer plaçait l’épuisement radical du technicisme au XXII° siècle et non au XXI°. Le XXI° sera plutôt, en toute vraisemblance, un siècle d’orgies technologiques terminales sur fond de massacres.
2) La collapsologie dégénère parfois en activisme stérile, comme on le voit aussi dans le reportage. Il s’agit alors de groupuscules écolos extrémistes, qui cherchent à saboter des installations industrielles ou pétrolières. Mais la technologie à outrance contient probablement en elle-même sa propre négation. Nous avons déjà essuyé de grandes catastrophes techniques dans le passé, nous en vivrons dans l’avenir : inutile de chercher à précipiter le processus par des actions folkloriques !
Bref : abstraction faite de certaines faiblesses, il y a vraiment du bon dans la collapsologie. Il est contraire au bon sens de la réduire à un délire d’écolos déjantés. Elle a d’ailleurs été un genre littéraire avant de devenir une problématique scientifique et politique. Je rappelle que le grand écrivain René Barjavel nous avait déjà averti dans Ravage (1943).
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