Et si l’Europe se relançait par une politique de grands travaux ?
L’Europe est en panne. Peu d’entre nous iront à l’encontre d’une telle affirmation. Les observateurs seront tatillons sur les causes et les messages, parfois honnêtement, parfois par calcul politique. Mais entre le rejet du TCE, les problématiques d’élargissement et le rôle de bouc émissaire favori de nos responsables politiques, le résultat est là. Ajoutons que l’Europe ne sait pas se vendre, les citoyens la boudent et ne voient en elle que des maux, à travers un prisme excessivement déformant.
Ce constat constaté, il semble judicieux de se projeter vers le prochain quinquennat et de regarder quelles sont les propositions de nos candidats à deux chiffres (dans les sondages). Europe bien pâle dans les programmes comme l’exprime Versac. Hormis le vétéran d’extrême droite dont la vision se résume à « évacuons tout ce qui n’est pas français de souche », les trois autres se présentent comme euro-convaincus et devraient, me semble-t-il, s’attaquer à ce problème de fond : comment relancer l’Europe concrètement auprès des français ? Mais que ce soit Ségolène, François ou Nicolas, leur besace respective reste relativement maigre de concrétitude. On y trouve multiples volontés sur les évolutions constitutionnelles, les négociations à mener avec nos partenaires sur tel ou tel sujet (environnement, sécurité, culture, ...) et j’en passe. Bref, les recettes restent les mêmes. La France et l’Europe divorcent elles ? Car côté projet qui me donne envie de me lever le matin pour l’Europe, on repasse. Oui, il faut régler ces problèmes de gouvernance à 25 et plus ! Oui, il serait fantastique de parler d’une voix au niveau international. Mais ce serait déjà tellement bien qu’on se « sente » tous européens, au fond des tripes, et que l’on vive chaque jour cette Europe au lieu de croire que nous ne faisons que la subir.
Pour se rapprocher des citoyens, l’Europe a obligation de démontrer qu’elle se préoccupe de grands problèmes de société (pas forcément tous) et qu’elle apporte des solutions concrètes. Ce que Ségolène Royal appelle « l’Europe par la preuve » en se gardant malheureusement bien d’expliquer comment. Afin de dépasser la critique du « tout économique », l’Union Européenne pourrait se saisir d’un ou deux projets portant un idéal (comme l’environnement) et dont la dimension est nécessairement transfrontalière et mener une politique de grands travaux communautaires qui touchent chacun d’entre nous.
Afin d’illustrer mon propos, je prendrai un exemple
précis : le transport du fret. Il s’agit même d’une opportunité à saisir,
une promo « 4 pour le prix d’un ». Je m’explique. Le transport de
marchandises en Europe par la route est passé, en « tonnes par
kilomètre » de 48% à 58% en 25 ans alors que la part du rail a décru de
32% à 11%. Pareil en France.
Pourtant, les enjeux sont énormes au regard des préoccupations auxquelles les
citoyens sont sensibles :
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- La sécurité routière : Les accidents ou même la sensation de risque sur route dus à la présence de poids lourds ne sont pas irréels. Des chiffres existent. La différence de vitesse entre voitures et camions est une cause. Les cadences demandées aux chauffeurs en sont une autre. Il y aura toujours des camions mais il est possible d’améliorer « statistiquement » la sécurité routière en diminuant le nombre de kilomètres parcourus.
- L’emploi : La concurrence sur le transport routier longue distance n’est pas une illusion. Même si les règles de repos sont les mêmes, le coûts des chauffeurs ne sont pas toujours comparables. A terme cela devrait s’effacer mais combien de temps cela prendra t il ? En utilisant le rail et le transport de container (différent du ferroutage qui transporte aussi le chauffeur et sa motrice), on a une opportunité de « localiser » les emplois en concentrant le transport de et vers des plates-formes logistiques régionales.
Bref avec Environnement, Economie, Sécurité routière et Emploi, l’Europe peut se saisir d’un dossier fantastique et proposer une directive à 10 ou 15 ans : « Tout transport de marchandises non périssables de plus de 300 km doit nécessairement être effectué par des voies fluviales ou ferroviaires ». L’Europe est déjà active au niveau du rail : RTE qui maille le réseau ferré européen ou le système de licences d’exploitation (traité d’Essen de 1994). Il suffit d’une impulsion de certains états incontournables au projet (France, Bénélux, Allemagne, Italie et Espagne) pour avancer ... et donc d’un président de la république français. De plus, c’est un sujet où l’on débat et où des brevets existent : bref il est un puit d’innovation et donc d’emplois encore une fois ! Reste à définir le rôle de l’Europe (rassembler les parties prenantes pour s’accorder sur un objectif commun, fixer une feuille de route, concurrence de l’exploitation commerciale versus infrastructure étatique ou européenne, ...) et à financer les investissements nécessaires (rails, plates-formes logistiques, ...). Mais de ce côté, il existe une manne importante autour des investissements autoroutiers à venir et d’une « taxe CO2 » progressive sur les transports routiers.
Il me semble que l’Europe peut (re)prendre le chemin de la proximité qui lui fait défaut. Reste à savoir si nos responsables politiques désirent lui faire jouer ce rôle quitte à perdre une soupape de sécurité bien commode en période de contestation ou de campagne. Comme écrit Koz, « Construire l’Europe, c’est prendre des risques ». Peut-être entendront ils ?
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