Europe : la légitimité et la nécessité de la révolution
« Être radical, c'est saisir les choses à leur racine. (…) Cette critique aboutit à l'impératif
catégorique de renverser toutes les conditions sociales dans lesquelles l'homme est un être
avili, asservi, abandonné, méprisable » (*).
K. Marx
Que faire pour sortir de la crise économique et sociale qui ravage l'Europe ? La révolution !!!
Cela peut paraître anachronique voire étrange de parler aujourd'hui de la révolution. La classe dominante a réussi à faire croire, notamment à ceux qui ont objectivement intérêt à révolutionner leurs conditions d'existence, que le mot révolution appartient désormais au passé et que la fin de l'Histoire est une réalité des temps modernes. Pourtant, la révolution tant haïe par les classes dominantes, n'a jamais été aussi légitime et aussi nécessaire que maintenant. Aucun remède ni aucune thérapie ne sont en mesure de guérir une Europe atteinte d'une maladie mortelle, le capitalisme. Aucune politique économique, conjoncturelle ou structurelle, libérale ou keynésienne, n'est capable de sortir l'Europe de cette marche suicidaire vers l’abîme. Aucune institution européenne, aucun gouvernement ni aucune élection ne sont à la hauteur de la tâche à accomplir : délivrer les travailleurs et les masses populaires d'Europe de cet assujettissement aux détenteurs du capital seuls responsables de cette situation intolérable.
Les travailleurs d'Europe supportent et subissent quasiment seuls toutes les charges et toutes les souffrances produites par le capitalisme et ses crises à répétition. Leur situation matérielle empire à mesure que croissent les profits et les privilèges de la classe dirigeante. Leur horizon est de plus en plus sombre. La bourgeoisie ne leur offre comme perspective que la misère économique et morale engendrée par l'accumulation des plans d'austérité. Fermetures d'usines, plans sociaux, restructuration dans toutes les branches de l'économie, dépôts de bilan etc., se succèdent et se banalisent. Le chômage et la précarité de masse qui s'inscrivent désormais dans la durée, provoquent chez les salariés des ravages économiques, sociaux et psychologiques insoutenables. « La pauvreté revient en Europe » disait l'un des dirigeants du puissant groupe anglo-néerlandais de l'agroalimentaire Unilever cherchant une nouvelle stratégie de vente pour au moins maintenir leur niveau de profit (1). Au-delà de ce cynisme patronal, la paupérisation des travailleurs aujourd'hui est une réalité incontestable.Il s'agit d'une classe exploitée, paupérisée, méprisée et humiliée. L'entente des classes est une chimère, une rêverie produite et entretenue par les classes exploiteuses. Elle est contredite chaque jour par les faits. Seule l'appropriation des moyens de production par les travailleurs permettra de briser cette servitude économique, source première de leurs malheurs.
L' Europe est aujourd'hui à la croisée des chemins : continuer sur cette voie tracée par une minorité d'exploiteurs qui mène au chaos, à la barbarie et à la destruction de l'homme et de la nature ou, au contraire, briser et réduire en miettes l'ordre établi. Il va sans dire que la bourgeoisie, qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs, est prête à tout pour perpétuer ses privilèges. Le cynisme et la brutalité avec lesquels elle impose aujourd'hui sa politique de misère un peu partout en Europe, montrent qu'elle n'est absolument pas prête à la concertation et au « dialogue entre partenaires sociaux ». Son Traité de Stabilité, de Coopération et de Gouvernance (TSCG) qui interdit à chaque État d'avoir un déficit budgétaire structurel supérieur à 0,5 % du PIB (« règle d'or »), est un exemple édifiant à cet égard. Le non respect de ce dogme entraîne ipso facto de lourdes sanctions financières. Les manifestations et les contestations de ses plans d'austérité sont souvent réprimées et même brutalement réprimées dans certains pays comme la Grèce ou l' Espagne par exemple. Et si demain la lutte des classes s'intensifie, s'aiguise et dure dans le temps, elle n'hésitera pas à recourir à la violence et à la répression sous toutes ses formes. La bourgeoisie, malgré sa force, expression de sa puissance matérielle, craint en fait le réveil des peuples qui risque de remettre en cause sa légitimité et son régime. Elle s'accrochera de toutes ses forces au système de production et d'exploitation sur lequel elle repose.
Toute l'histoire des classes dominantes n'a été que férocité et cruauté exercées sur les dominés pour se maintenir au pouvoir. Et à chaque fois ce pouvoir de la minorité exploiteuse a été brisé par une révolution violente. L'histoire nous apprend que le passage d'un stade de développement à un autre qui lui est supérieur s'effectue dans la violence qui est la conséquence directe de la résistance des oppresseurs : « des mers de sang à travers lesquelles l'humanité poursuit sa route sous le régime de l'esclavage, du servage et du salariat » écrivait Lénine dans L’ État et la révolution (2).
La marche en avant vers le socialisme ne peut résulter d'une quelconque perfection de la démocratie bourgeoise, de la conciliation des classes etc. Seule une révolution violente est en mesure de mettre un terme à la résistance de la minorité d'exploiteurs, et d'enfanter une nouvelle société, comme l'écrivait si bien Engels critiquant la vision idéaliste du professeur Eugen Dühring : « Pour M. Dühring la violence est le mal absolu, le premier acte de violence est pour lui le péché originel (…) Mais que la violence joue encore dans l'histoire un autre rôle, un rôle révolutionnaire ; que, selon les paroles de Marx, elle soit l'accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs, qu'elle soit l'instrument grâce auquel le mouvement social l'emporte et met en pièces des formes politiques figées et mortes-de cela, pas un mot chez M. Dühring » (3).
Mais la révolution ne se décrète pas ! Elle n'est pas le produit de la volonté des révolutionnaires, des idéologues ou de l'activité cérébrale des grands penseurs. Leur volonté et leur idéologie ne sont en définitive que l'expression des rapports sociaux qui les produisent. Les révolutions ne peuvent être provoquées par on ne sait quel pouvoir magique extérieur aux masses : « (...) les révolutions ne se font pas arbitrairement et par décret, mais qu'elles furent partout et toujours la conséquence nécessaire de circonstances absolument indépendantes de la volonté et de la direction de partis déterminés et de classes entières » (4).
Mais si la révolution ne se décrète pas, elle se prépare. Et qui sont les mieux disposés à la préparer que ceux et celles qui subissent au quotidien l'exploitation et le despotisme du capital ? Les travailleurs, et d'une manière générale les salariés, non seulement sont le produit le plus authentique de la bourgeoisie, mais possèdent les moyens et la force de paralyser le pouvoir économique et partant politique de la minorité dominante. Leur intérêt objectif est de renverser de fond en comble toutes les conditions d'existence matérielles et morales dans lesquelles ils sont asservis et méprisés.
Mais en période de chômage de masse, les travailleurs et les salariés en général livrent une concurrence fratricide sur le marché du travail qui brise leur union et les empêche de construire des organisations et des directions capables d'affronter efficacement la minorité exploiteuse. Or, l'union des travailleurs est la condition première de leur émancipation du joug du capital. Les conditions de la révolution sont donc loin d'être mûres.
Toutefois les mobilisations de la classe ouvrière et d'autres couches de la population en Grèce, au Portugal et en Espagne montrent que les travailleurs prennent de plus en plus conscience que la confrontation avec la bourgeoisie est inévitable. Leur combat trouve un écho favorable chez de larges franges de la population. La guerre de classe que mène sans trêve la minorité dirigeante à travers ses plans d'austérité à répétition et le chaos dans lequel elle plonge l'économie européenne, éloignent de plus en plus de citoyens de leurs gouvernants qui, désormais, ne les représentent plus. Les intérêts des gouvernements, qui ne sont en fait que des marionnettes entre les mains de la bourgeoisie, et ceux des masses populaires sont de moins en moins conciliables. La lutte des travailleurs du sud de l'Europe montre la voie à suivre. Le combat contre le capitalisme et la classe qui le porte doit s'étendre et se répandre partout en Europe. Mais pour que la révolution triomphe, l'union et la solidarité fraternelle des travailleurs d'Europe restent « un impératif catégorique ».
Même si les conditions ne sont peut-être pas toutes réunies, la révolution reste l'unique solution. Sans un changement radical, point de salut ! Les obstacles immenses et innombrables qui se dressent face à ce changement ne sauraient effacer ni la légitimité ni la nécessité de la révolution. Car il n' y a pas d'autres moyens pour se débarrasser du capitalisme. Toutes les demi-mesures et toutes les réformes, si elles ont contribué à améliorer provisoirement la situation des esclaves modernes que sont les salariés, restent insuffisantes. Pire, les réformes économiques, sociales et politiques, aussi nécessaires soient-elles, ne font en dernière analyse que perpétuer l'asservissement général engendré par le système. Sans révolution, il est impossible de renverser et de bouleverser l'ordre bourgeois. Il ne s'agit pas seulement de réformer la société capitaliste pour la rendre supportable mais de l'abolir.
Prolétaires de toute l'Europe unissez-vous !
Mohamed Belaali
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(*) K Marx « Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel »
(2) V. Lénine, « L’ État et la révolution ». Éditions en langues étrangères, Pékin 1976, page 113.
(3) F. Engels, « Le rôle de la violence dans l'histoire ». Éditions Sociales, Paris 1976, page 38.
(4) F. Engels « Principes du communisme », 1947
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